Nous avons eu l’occasion d’interviewer DAGOBA pendant leur concert à Bordeaux. Retrouvez toute la discussion ci-dessous !
1) Est-ce que le départ de plusieurs membres du groupe a obligé le groupe à se réinventer ? Shawter compose, mais est-ce que ce changement vous a poussé à expérimenter de nouvelles façon de travailler ?
Shawter : Alors, c’est une bonne question. En réalité, ces changements n’ont pas obligé le groupe à se réinventer ou se réorganiser. Cela a au contraire permis au groupe d’aller vers une organisation qui était devenue obligatoire avec le statut professionnel qu’on a aujourd’hui. Avec les tournées, enregistrements, répétitions, on ne peut malheureusement pas avancer avec des personnes (au sein du groupe ou de l’équipe technique) qui ne peuvent pas encaisser ce rythme. Chacun a des obligations familiales, un caractère plus ou moins casanier ou n’a pas forcément envie de partir par exemple 3 semaines en tournée dans les Balkans comme actuellement. Cela n’a pas obligé le groupe à changer, mais cela a permis au groupe de pousser un peu plus loin le professionnalisme et le rythme d’un groupe de metal professionnel comme peuvent l’être par exemple Kreator ou Vader.
Cette question nous est souvent posée, mais pour des groupes étrangers les changements de line-up sont assez courants. Notre groupe existe par passion pour la musique, et nous comptons le faire perdurer pour pouvoir la faire voyager. Ceux qui n’ont pas envie de faire avancer notre musique d’une telle façon, qui n’ont pas les épaules, autant qu’ils restent à la maison.
2) Le soleil, une étoile nova, la gravité, le grand vide, l’infini autant de termes lié à l’astronomie sur ce nouvel album. Black nova pour idée d’explosion et reconstruction du groupe ? Quel message voulez-vous transmettre à vos fans avec de tels thèmes traités et paroles ?
Shawter : Notre album parle d’une renaissance. Une étoile, une nova qui explose et petit à petit va pouvoir retrouver son éclat originel. Il s’agit bien sûr d’un petit clin d’œil en rapport avec ce changement de line-up, d’un message plein d’espoir. On a beau penser que l’entité est éclatée, mais en réalité elle est réunifiée et la lumière passera toujours à travers notre musique, et l’envie est toujours intacte.
Au niveau des textes, je voulais transposer les sentiments humains, à échelle humaine, terrestre, en comparaison avec le cosmos, l’univers, l’infini. Cela permet de donner une balance, une échelle différente, et une certaine relativité dans les propos. C’était justement un clin d’œil avec l’engouement, pas forcément bénéfique, qu’a généré le changement de line-up. Pour moi c’était simplement relatif. Aujourd’hui, la preuve en est : on a encore sorti des albums, et le milieu professionnel, les labels, les maisons de disque croient encore en nous, on est encore sur la route à travers le monde et la bonne humeur est au rendez-vous. Le public présent était connaisseur, c’est un beau signe pour nous, et c’est pour tout ça qu’on continue. Nous sommes en première partie sur cette tournée, pour satisfaire nos fans et éventuellement en conquérir d’autres.
3) Vos deux clips de l’album Black Nova ont été réalisé par Brice Hincker membre du groupe de rap-metal Smash Hit Combo et réalisateur des clips de ce groupe, vos sons et univers sont relativement différents, comment cette collaboration a-t-elle eu lieu ?
Shawter : Rich, notre nouveau guitariste, est de la même région que Brice, et est assez proche du groupe Smash Hit Combo. Nous sommes d’accord sur le fait qu’il soit un réalisateur talentueux. On avait eu l’occasion de voir son travail sur plusieurs groupes, et l’esprit de ce dernier nous convenait. Avec la signature récente chez Sony, nous avons eu plus de moyens. Donc nous en avons profité pour lui donner les moyens de faire un clip un peu plus gros que ce qu’il avait l’habitude de faire. Cette collaboration était géniale, car nous avons pu tourner à Marseille (ville d’origine du groupe). Nous gardons de bons liens avec Brice et c’est avec plaisir que nous le re-croisons sur les routes avec Smash Hit Combo.
4) Vous avez joué en Afrique récemment : j’imagine que vous êtes fiers. Que tirez-vous de cette expérience ? Comment avez-vous trouvé le public ? A renouveler ?
Shawter : Pour nous c’était exceptionnel. L’Afrique était un des rares continents qu’il nous restait à explorer avec Dagoba. On a joué en tête d’affiche dans un stade normalement dédié au rugby à Casablanca (Maroc), avec une capacité de 30 000 à 40 000 personnes. Le stade était rempli et nous étions vraiment dans de superbes conditions. Nous avons pu nous rendre compte que les gens connaissaient le groupe et cela a été une grande surprise. Nous étions loin de penser que des fans pouvaient par exemple chanter avec nous les complets et refrains d’une chanson que nous avons composés il y a 10 ans de l’autre côté de la Méditerranée. Ils n’ont malheureusement pas beaucoup de concerts metal dans l’année, et c’est pour cela que nous avons beaucoup aimé venir et tout donner pour eux. C’était vraiment une très belle expérience, nous sommes très reconnaissants, et si l’occasion se représente, nous renouvellerons l’expérience les yeux fermés.
5) Est-ce que selon vous un concert sans pogo ou sans mouvements de foule est un concert raté ?
Rich : Pour nous oui, c’est indispensable. En général le public se lance tout seul, mais si jamais ça ne vient pas naturellement, on les force.
Shawter : A la différence d’un disque, le concert un moyen de communion entre le groupe et le public. Le groupe est là pour insuffler la première vague d’énergie, et le public est là pour renvoyer cette énergie. Cette synergie est complètement nécessaire selon moi. Comme le dit Rich, c’est à nous de prendre les choses en mains, mais la part du spectacle vivant fourni par le public représente 50% d’un concert. Nous sommes réalistes, nous ne pouvons pas demander à tout le monde de bouger, certains préfèrent être dans la contemplation. Mais selon moi, le palier entre écouter un disque seul à la maison sans bouger de son canapé, et aller à un concert en ayant soit une stature debout et encaisser les décibels, ou s’engager dans un pogo ou wall of death, pour moi c’est le pas à franchir du spectacle vivant.
5BIS) Etes-vous fiers du wall of Death au Hellfest 2014 et pensez-vous que cela représente une certaine réputation française bien ancrée ? (question de miki J)
Shawter : Fiers, oui. Sur le moment on a surtout été très surpris de voir que même sans être la tête d’affiche du festival, le public répond unanimement à notre prestation. Dans le temps, avec les réseaux sociaux et la diffusion de la vidéo, cela nous fait sourire et plaisir.
6) Depuis quelques temps, un débat anime les réseaux sociaux. Que pensez-vous de ce débat qui oppose les pro-Hellfest et les pro-Download ?
Shawter : Je ferai juste un rappel aux fans. Moi, ça fait 22 ans que je fais du metal. On s’est tous plaint que ces 15 voire 18 dernières années, il ne se passait rien en France, pour aujourd’hui devoir choisir un camp entre deux festivals. Moi ce que j’ai à dire c’est : « Allez partout. Jouez partout. Remplissez les caisses de tout le monde. Faites vivre le metal et tous les festivals. Participez à tous les événements metal, du plus grand au plus petit. Faites-vous plaisir. En tant que groupe si on vous propose de faire les deux, et bien faites les deux. En tant que public, si vous voulez faire les deux, faites les deux. Et surtout arrêtez de vous plaindre. ». Le metal en France sort d’une période de disette incroyable comparé à nos voisins allemands, américains, anglais. Il faut aller partout, faire la fête, soutenir les groupes, les promoteurs, les équipes techniques, toutes ces petites mains qui font vivre le metal.
7) Avez-vous des envies ? Des rêves ? Des lieux où vous aimeriez jouer, des styles à essayer, des clips particuliers en tête ? Vous reste-t-il des rêves fous à réaliser ?
Shawter : A part les continents glacés et l’Océanie, nous avons fait tous les continents. Donc si nous avons la possibilité d’aller en Australie par exemple, ce serait sympa. Pour un groupe venant de Marseille, ville loin d’être la plus metal du monde, le fait de pouvoir explorer grâce à notre musique le maximum de continents sur Terre, ce serait une vraie fierté.
8) Que pensez-vous de la scène metal française en 2018 ?
Rich : Comme on le disait juste avant, depuis longtemps c’était très calme. En 2018 on aime bien ces groupes qui montent comme par exemple Smash Hit Combo, Betraying the Martyr. Dans les pays voisins, il y a vraiment beaucoup de groupes de metal. Ce n’est pas le cas chez nous. C’est pourquoi en 2018 il faut qu’on se soutienne encore plus pour qu’il y ait encore plus de groupes.
8BIS) Quels nouveaux groupes pour vous s’annoncent prometteurs ? Si vous deviez miser sur un groupe en ascension ?
Shawter : En toute sincérité, nous fondons de grands espoirs sur le groupe Déluge (autre groupe de Rich). Sinon cela fait quelques années que je suis le groupe Deafheaven, s’inscrivant dans cette vague 3.0 du black metal en tant que représentant français.
8TER) De nombreux fans nous ont demandé des conseils pour leurs groupes. Ils veulent progresser voire percer. Quels conseils avez-vous à leur donner ?
Shawter : En réalité, je n’ai que deux conseils. Le premier : croyez en vous. Le deuxième : ne lisez rien sur ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Le tout petit pourcentage de mecs qui ont la rage, la haine, la jalousie, l’envie de faire part de leur non-envie de réussite des autres (malheureusement en France c’est un peu une religion), s’exprime beaucoup plus que tous les autres qui sont juste contents de venir nous voir et échanger avec les groupes. Ne lisez rien, ne les écoutez pas, croyez en vous et foncez. On n’a qu’une vie. De nos jours on croise beaucoup de gens qui n’ont ni envie, ni hobby, ni passion. Alors si un jour vous trouvez votre vocation, une passion : faites-la, et ne vous laissez décourager par personne.
9) Qu’avez-vous à répondre à ceux qui vous disent que la musique metal et l’univers metal est violent / fait peur ? Êtes-vous d’accord avec eux ? Si oui, comment justifiez-vous cette attirance pour un univers violent ?
Rich : Quand on les emmène pour la première fois dans un concert metal, les gens « lambda » sont souvent agréablement surpris par l’ambiance. Ils se rendent compte que de tous styles musicaux confondus, la musique metal est celle qui offre parmi les meilleures ambiances. Les spectateurs sont capables de se foncer dessus mais d’aller boire une bière ensemble juste après. En réalité ce qui peut faire peur au premier abord, c’est la voix, puis les gros sons de guitares. Mais y’a rien de bien méchant au final.
Shawter : Moi je comparerais ça au plaisir qu’ont certaines personnes, ou qu’avaient par exemple nos parents à l’époque, de regarder des films comme l’Exorciste ou Massacre à la Tronçonneuse. Il y a un certain plaisir à avoir peur, et à se faire peur à regarder ce monde qui n’est finalement pas tout beau, tout rose. Il faut pouvoir voir la musique metal comme un loisir comme un autre, exactement comme si vous alliez au cinéma avec votre petite amie pour aller voir un film d’horreur. Il faut savoir se faire plaisir avec des sensations fortes. Si jamais vous voulez avec un concert pour ressentir autant d’émotion que quand vous buvez un verre d’eau, ce n’est pas la peine. Ecouter du metal c’est comme faire de la tyrolienne, faire un saut à l’élastique, rouler à 140 au lieu de 130km/h sur l’autoroute. C’est une histoire de sensations fortes. Les méchants garçons aujourd’hui sont très loin d’être les metalleux donc il n’y a aucun souci à se faire.
10) Si vous deviez résumer votre musique, le style Dagoba, en quelques mots pour séduire un non-connaisseur. Comment est-ce que vous pourriez la décrire ?
Shawter : En quelques mots je dirais : martialité, grandiloquence, profondeur.
11) Quelle est votre chanson préférée de Dagoba et pourquoi ce morceau ?
Bastos : Pour moi, ce serait Inner Sun (Black Nova – 2017), ou The Things Within (What Hell is About – 2006). J’ai choisi ces deux morceaux pour la lumière qui s’en dégage, tout ce que j’ai toujours attendu de jouer finalement. Il y a beaucoup de sous-branches dans le metal, et ce delta entre ce que j’écoutais, et ce que je jouais était creusé par un fossé immense. Depuis que j’ai trouvé comment le combler avec Dagoba et Shawter, c’est parfait pour moi. Quitte à jouer à 200%, c’est pour que derrière il y ait ce refrain, ce quelque chose de lumineux, qu’on ne peut pas toujours apporter avec son énergie.
Shawter : Il y a une chanson qui me plait énormément : The Infinite Chase (Black Nova – 2017). J’aime la fraicheur qui se dégage de ce morceau, et il représente bien la nouvelle tendance de ce qu’on joue en ce moment.
Interview réalisée par Victoire Grenu
Photographies de Vincent Sanroma.
Live report ici: http://www.pozzo-management.com/rocher-tremble-face-a-kreator-vader-dagoba/
Retrouvez les photographies du concert ici: