Foals : Jack et Jimmy nous parlent de Life is Yours
A l’occasion de la sortie de leur nouvel album Life is Yours, Pozzo Live a rencontré Jack et Jimmy, batteur et guitariste du groupe Foals, au lendemain de leur concert parisien au Zénith.
Bonjour à vous deux, très contente de vous retrouver à Paris, après deux ans d’attente. Première question évidente : quel est votre ressenti par rapport au concert d’hier soir ?
Les deux : On a adoré !
Jack : Je pense qu’aujourd’hui, c’est vraiment le concert que j’ai préféré.
Jimmy : Ah oui absolument, c’est aussi celui que je préfère, venir à Paris c’est incroyable.
Comment avez-vous trouvé le public ?
Jimmy : Juste parfait. L’énergie était parfaite !
Jack : Je pense qu’une chose qu’on a vraiment aimé, c’est qu’après deux ans à attendre, on a ressenti un sentiment de gratitude d’avoir enfin pu jouer hier, et de penser aux personnes qui ont gardé leur billet malgré le report de date pendant deux ans et qui ont finalement pu assister à ce concert, c’est très émouvant. On était un lundi soir à Paris et c’était comme si c’était un premier de l’an !
Jimmy : Oui c’est exactement ça !
Jack : On a joué au Zénith quelques années avant, en 2013 je crois, et je pense qu’à ce moment on avait vendu que la moitié des billets donc se retrouver aujourd’hui avec une salle pleine c’est fantastique.
Après un double album nommé Everything not saved will be lost, à la fois sombre et puissant, vous revenez avec Life is yours un opus plus joyeux et dansant, comme la lumière après l’obscurité. Dans un sens, est-ce un reflet de nos vies actuelles, est-ce un appel à reprendre nos vies en main après cette pandémie ?
Jimmy : Oui carrément, et puis on a eu assez de darkness, on a assez perdu de temps de notre vie.
Jack : On a écrit cet album en plein milieu du confinement. On essayait de faire quelque chose après l’album précédent en continuant sur notre voie avec un post-rock alternatif. Mais le confinement est arrivé et on a eu le sentiment de devoir se remonter le moral, de se relever. Cet album a été un message positif pour nous.
Jimmy : Oui, c’était comme une thérapie.
Jack : On était enfermé dans nos maisons, tous seuls.
Jimmy : Ce n’était pas une bonne chose, enfin en d’autres circonstances ça aurait pu l’être. [Rires]
Jack : A ce moment, on était tous nostalgiques de pouvoir sortir voir ses amis, aller à des soirées, et à des concerts. C’est ce à quoi on pensait quand on a fait cet album, on a voulu faire passer un message positif. Parce que cet album allait sortir à la fin de cette situation et c’était excitant, parce qu’on était beaucoup à se dire que ça ne s’arrêterait jamais. Cet album c’est un peu notre message d’espoir écrit à nous même.
Donc ça vous a fait du bien de construire cet album en se disant “hey on est vivant” ?
Jimmy : Oui, ça nous a fait du bien parce qu’on a commencé avec juste cette idée pour l’album, juste un sentiment positif et une énergie nouvelle. En travaillant avec différents producteurs, on a remarqué que plus les mois passaient, plus de personnes écoutaient notre musique et qu’ils étaient tous à fond dedans, on savait à ce moment qu’on avait le bon impact. Les gens voulaient l’écouter, voulaient travailler dessus avec nous parce que ça leur faisait du bien. Quand on a commencé tout ça, on était vraiment heureux. Maintenant, tout le monde peut écouter ces chansons et la même chose se produit, comme si le bon message était passé.
C’est ce que le single Wake me Up signifie ?
Jack : C’est comme un point d’exclamation ! La dernière chanson que le monde a entendue de nous était Neptune, un titre de 10 minutes sur la fin du monde. Aujourd’hui on revient avec Wake me Up, totalement différent, comme si on venait de jeter un verre d’eau sur le feu.
Jimmy : J’adore voir les gens qui sont devenus fans avec Neptune comme si on était un groupe de métal, et ces même fans viennent au concert aujourd’hui, et nous voient jouer Wake Me Up devant eux. Ce n’est pas la même chose ! [Rires]
Il y a des thématiques récurrentes dans cet album : la vie, la fête, le rêve… Comme si vous nous racontiez l’histoire d’un été sans fin. Quel est le message derrière cet album ?
Jack : C’est toujours compliqué de parler des paroles !
Jimmy : On essaye de comprendre, mais comme tout le monde, on essaye de deviner le sens et de nous faire notre propre idée dessus. C’est plutôt cool parce que c’est une des choses sur laquelle on ne travaille pas, on découvre les paroles au fur et à mesure. Mais oui il s’agit d’une summer party. C’est un album feel-good ! Il me fait me sentir bien.
Hier soir, vous avez joué trois nouveaux titres du prochain album. Comment avez-vous senti le public à l’écoute de ces nouveautés ?
Jimmy : Super ! Normalement, quand on joue des nouvelles chansons que personne n’a entendues, la foule n’est pas très réceptive, mais sur 2001, tout le monde était vraiment à fond dedans et on peut le dire aussi par rapport aux applaudissements.
Jack : Je pense aussi que nous, on était tellement contents de jouer cette chanson !
Jimmy : Oui, comme si on les forçait à écouter ! [Rires]
Jack : C’est comme ça que ça fonctionne quand on va voir le concert d’un artiste qu’on aime bien. J’ai été voir Tool à Londres dernièrement, et quand une nouvelle chanson est jouée, on est là à se dire “ouais c’est cool”. Et puis la seconde d’après, le groupe joue une musique qu’on adore et on se met à crier et hurler, on devient fou. Le seul endroit où on peut apprécier un son qu’on ne connaît pas, c’est sûrement le club, parce que tu n’écoutes pas vraiment, tu danses, tu t’amuses etc. C’est très excitant et positif pour nous d’avoir ce genre de réaction. Ça sera de mieux en mieux quand les gens connaîtront un peu plus nos nouveaux titres. Il y a trois ans, quand on a fait la tournée du dernier album, on jouait In Degrees, ça sonnait un peu plat et ça n’allait pas aussi loin que maintenant. Trois ans après, je sais que c’est l’un des meilleurs morceaux de notre set, les gens deviennent dingues quand ils l’entendent.
Jimmy : Ce titre est devenu un gros monstre ! Hier soir c’était fou, on adore la jouer. J’avais l’impression d’être dans un autre groupe. Parfois, quand le concert se passe super bien et qu’on arrive à un état presque magique, j’ai l’impression d’être dans un film documentaire sur le concert, mais dans les années 60. C’est très amusant !
Comment vous est venue l’idée de faire un album plus funk avec des lignes de basses bien présentes, des rythmes de batterie marqués, très dansant… Je pense notamment à 2001 et l’interlude (summer sky), y a t-il eu un élément musical déclencheur dans l’écriture de cet album ?
Jack : On se connait depuis longtemps, on a tous nos sources et nos influences. Comme si on avait fondu avec les goûts des autres au fil des années. Honnêtement, je pense qu’on ne pense pas précisément à quel genre, tel ou tel morceau appartient. On entre dans une pièce et on commence à jouer des rythmes hypnotiques pendant 20 minutes mais à ce moment-là, on ne se dit pas que l’on fait du funk ou que ça pourrait ressembler à un titre des Talking Heads.
Jimmy : On ne sait pas ce que c’est, ou ce qui va sortir, on fait juste sonner nos instruments et on trouve des sons.
Jack : Je pense qu’on a de la chance parce qu’après 15 ans, on entre dans une pièce avec rien et on fait de l’impro totale !
On peut dire que vous êtes doués dans tous les styles musicaux que vous faites, chaque album à son style, électro, pop, rock, hard, et maintenant funk.
Jimmy : Oui et qu’est-ce qu’on va faire après ça ? Un album country !
Jack : Un album pop-punk-country !
C’est rare pour un groupe d’être bon dans différents styles, il y a toujours cette touche de Foals qui reste présente malgré tout.
Jimmy : Oui, c’est qu’on disait tout à l’heure, quand on entre dans une pièce, on ne pense pas au style de musique qu’on va faire, en fait c’est naturel pour nous. Même si on se dit on va faire du hard au final ça va se transformer.
Jack : Aussi, on vient tous d’endroits différents, aucun de nous ne sait réellement jouer de nos instruments, on n’est pas des musiciens entraînés.
Jimmy : Certaines personnes avec qui on tourne sont choqués. Jack Freeman notre bassiste sur la tournée, était super étonné d’apprendre que Yannis ne sache même pas jouer un Ré avec sa guitare. C’est incroyable je trouve, Yannis est quand même un guitariste professionnel, mais c’est génial !
Jack : Si n’importe quel batteur regardait ma batterie, il dirait “mais qu’est ce qui ne va pas chez toi ?”. De notre point de vue, je pense que peu importe ce qu’on fait en effet on sonnera toujours comme nous. Parce que vous ne trouverez jamais trois musiciens bizarres ensemble en train de jouer autre chose.
Jimmy : On est un combo unique !
Dave Grohl était pareil, il ne savait pas jouer de la batterie à l’époque de Nirvana !
Jack : Oui et c’est un de mes héros quand j’étais adolescent, tout comme Lars Ulrich de Metallica, il a vraiment un style particulier ! Avec instagram et les réseaux, si tu es un batteur aujourd’hui, tu peux regarder des centaines des sessions de batterie et tu vas sonner comme les autres. Dans un sens, c’est bien d’avoir commencé avant tout ça, ça nous a permis de développer notre propre style de jeu et je pense que c’est l’une de nos grandes forces aujourd’hui.
Jimmy : On pourrait nous demander “quel est votre secret pour sonner comme ça ?”, je répondrais “je ne sais pas, ça vient comme ça !”.
Concernant l’identité graphique de l’album, des clips et de la scénographie des concerts, on a aussi des thèmes récurrents : les fleurs, le vintage, pourquoi avez-vous choisi ce style ?
Jack : Dans tous nos albums et nos clips, il y a des thèmes récurrents. Je pense que Yannis est vraiment très attaché à ses origines grecques et à toute l’esthétique du pays. La mer, les fleurs et la nature ressortent beaucoup et renvoient à son identité. J’aime beaucoup l’image des fleurs sur la voiture de Life is Yours, parce que ça permet de se faire sa propre idée sur le sens de cette image : est-ce un rendez-vous qui a mal tourné ou une personne en route pour un enterrement ? On peut se faire sa propre interprétation et on a toujours essayé d’avoir des pochettes qui vont dans ce sens. Comme sur celle de Holy Fire, on se demande d’où viennent les chevaux qui sont dans la mer. Tout est ouvert à l’interprétation et c’est ce que j’aime, garder une porte ouverte et pouvoir créer une histoire à partir d’une image. Pour les vidéos, c’est un peu la même chose et on est très impatient de sortir la prochaine vidéo de 2001. Elle est vraiment cool. Même enregistrer des vidéos à cause du Covid a été compliqué vis-à-vis des restrictions de voyage. Pour l’enregistrement de 2am Jimmy était à Los Angeles, ce n’était pas simple d’être tous impliqué dans ce projet, c’était bizarre pour nous de travailler comme ça alors qu’on fait toujours tout ensemble.
Jimmy : Oui, c’était vraiment pas cool comme situation. J’ai été loin du groupe pendant le tournage, mais j’ai pu revenir à Londres après pour terminer l’album.
Donc 2001 est la prochaine vidéo. Avec qui avez-vous travaillez ?
Jimmy : Oui et elle est vraiment bien !
Jack : Oh oui, c’est une des meilleures chansons qu’on n’ait jamais faite et la vidéo est aussi l’une de mes préférées. Elle a été réalisée par la société de production Canada, sous la direction d’Esteban. Elle a ce style incroyablement ensoleillé, tout le monde a vraiment un style cool dedans. Je trouve que la vidéo va vraiment bien avec la chanson, avec une ambiance de plage, mais je ne veux pas trop en dire pour ne pas spoiler. Elle est un peu cosmique…
Jimmy : Tu veux vraiment spoiler la vidéo !
Jack : Non, je ne veux pas la spoiler ! Mais je l’adore, elle est vraiment cool, elle dégage de bonnes ondes et je suis très impatient de sa sortie dans les prochains jours.
Il y a une chanson que vous n’avez jamais jouée en live et que vous voudriez jouer ?
Jimmy : On a déjà essayé de jouer Neptune, on n’a jamais vraiment réussi, parce qu’elle est très longue, mais ça serait chouette d’y arriver un jour ! Comment on joue ça ? Je pense que les gens commenceraient à partir si on la jouait. Mais il y a plusieurs chansons du dernier album qu’on n’a pas encore eu l’occasion de jouer.
Jack : Généralement, on ne prend que les chansons qu’on veut vraiment jouer et on ne regrette pas nos choix.
Jimmy : Je pense que les titres qu’on n’a pas encore performés ne l’ont pas été pour la simple et bonne raison qu’ils sont un vrai cauchemar à jouer en live ! Total Life Forever est un véritable album studio avec beaucoup de travail en post-prod, comme dans This Orient. On ne peut pas imaginer jouer cette chanson sans tous les ajouts qui sonnent extrêmement bien en studio.
Spanish Sahara c’est plutôt l’inverse pour le coup ?
Jimmy : Oui, c’est carrément l’inverse, elle est plutôt simple à jouer. N’importe où, n’importe quand.
Jack : Après plusieurs années, on a enfin réalisé qu’il y avait trop d’ajouts en studio et que si on enlevait ces petits éléments, on ne trompait personne à par nous même, alors qu’on a écrit une super chanson.
Quels sont vos inspirations pour l’écriture de cet album ?
Jimmy : Je pense que ce sont avant tout nos sentiments qui nous ont inspirés plus que des choses concrètes. Les thèmes de l’album en témoignent : les amis, les sorties, l’amour, et toutes les émotions positives… C’est arrivé comme ça je crois, certainement parce que dans ma vie comme dans celle de tout le monde ces dernières années, il y a eu beaucoup de hauts et de bas. Mais c’était une vraie joie pour moi de travailler sur ça.
Jack : Je voulais jouer des musiques qui sonnent vraiment bien et c’est comme ça que c’est sorti dans un sens.
Jimmy : Moi je voulais juste jouer comme les accords de Phil Collins, alors je l’ai fait. [Rires]
Après chaque entretien, on demande quel groupe ou artiste vous nous recommanderiez d’interviewer par la suite ?
Jimmy : Oh ! Peut-être John Lurie, c’est un très grand musicien et un peintre accessoirement.
Jack : Il est encore en vie ?
Jimmy : Oui je crois, mais il ne fait pas grand-chose, il est aussi connu pour ne pas donner beaucoup d’interview parce qu’il est un peu grincheux. [Rires]
Jack : Je reviens toujours à Kurt Vile, c’est juste l’un de mes artistes préférés. Il vaut vraiment le détour, c’est un très bon compositeur.
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