Cali, le bonheur toujours à fleur de peau : rencontre avec l’artiste lors du Festival Les Voix Sonneuses !
Vendredi 30 juin. Le festival Les Voix Sonneuses vient de lancer sa cinquième édition au sein de la ville de Saverdun, en Ariège. Pour ce premier jour du festival, de nombreux fans se sont déplacés en masse pour une affiche des plus alléchantes où se côtoient High C, Will Barber, Mouss et Hakim ainsi que le perpignanais Cali. Après une tournée intimiste partout en France, ce dernier s’apprête maintenant à se lancer dans les festivals d’été en compagnie de son rock band. L’occasion était donc idéale pour aller à la rencontre de l’artiste et faire le point avec lui sur ces derniers albums, Ces jours qu’on a presque oubliés vol.1 / vol. 2 et son actualité du moment. C’est donc un Cali souriant, détendu et comme toujours très affable qui nous reçoit quelques heures avant son concert…
Après la une tournée / spectacle marathon Ne Faites Jamais Confiance À Un Cowboy partout en QFrance, seul en scène et intimement lié à l’album Ces Jours Qu’On A Presque Oubliés, comment abordez-vous la saison actuelle des festivals ?
C’est super ! J’ai adoré faire le cowboy et être seul en scène, mais maintenant je suis avec de grands musiciens, c’est une bande de copains que je connais bien. On est comme une famille : on a un bus, on tourne, on joue, on fait la fête ensemble, on partage nos joies et nos chagrins… J’adore ça ! J’adore les festivals ! En plus, aujourd’hui à Saverdun, il y a Mouss et Hakim. On est très proches, on parle souvent ensemble des choses de la vie…
Musicalement et mentalement, comment arrivez-vous à switcher entre concerts intimistes et des spectacles délibérément rock ?
En fait, pour moi, le héros ce n’est pas le chanteur mais la chanson. J’aime bien ce concept… Je joue souvent dans de nombreuses configurations : avec piano / voix, avec un orchestre classique ou même avec Les Hyènes où je fais du punk rock. L’idée du moment c’est donc de déshabiller les chansons puis de les rhabiller. À partir de là, les mêmes mots ne disent pas les mêmes choses en fonction qu’on les hurle ou qu’on les murmure…
Tout se fait donc en fonction de l’instant ?
Oui, c’est ça. Il faut beaucoup d’amour de la part des copains musiciens pour s’intéresser à mon histoire et pour rhabiller mes chansons en fonction du moment présent.
Vous avez sorti Ces Jours Qu’On A Presque Oubliés, volume 1 en octobre dernier et Ces Jours Qu’On A Presque Oubliés, volume 2 en mars 2023. Quelle a été l’accueil du public et des fans suite à ces sorties coup sur coup ?
L’accueil s’est très bien passé. J’ai enregistré chez moi dans le sud, à Rivesaltes à côté de Perpignan, dans les studios Les Fauteuils Rouges avec Julien Lebart. Le dogme c’était de faire une prise voix et de tout garder même s’il y avait des imperfections. On a décidé de faire ça non par snobisme mais parce qu’il y avait de la vie, en fait. Les gens ont retrouvé ça dans ce disque… C’est que je voulais. Même si les textes sont parfois plus personnels, j’ai tenu à ce que l’ensemble soit musicalement plus dépouillé. Au travers de mes albums précédents, le but était d’allumer le feu, d’allumer des incendies… maintenant ces disques permettent de se réchauffer. Et je trouve ça pas plus mal…
À l’inverse de Cavale qui était écrit à 4 mains avec Augustin Charnet et qui explorait des sonorités nouvelles, on a l’impression que l’objectif de ces deux albums était vraiment de faire un retour aux sources. C’est un parti pris audacieux de faire une prise de voix dans ce monde où la technologie et à tous les étages, notamment dans la musique…
Oui c’est vrai, mais je me rends compte que même quand on essaye de faire 20 prises de voix, ce que l’on cherche c’est de retrouver la première émotion. La première émotion est toujours importante pour moi, car c’est à ce moment-là que j’entends chanter les mots que j’ai écrits. On est dans l’inconnu total lorsque les mots sortent pour la première fois. J’aurais pu maquiller tout ça en faisant plusieurs prises, mais là on est dans la vérité, quoi.
Pourquoi ne pas avoir opté pour un double album plutôt qu’une sortie en différé du volume 1 et du volume 2 ?
J’étais dans le dogme du retour aux sources… un peu lorsque j’achetais des 33 tours à l’époque où chaque face faisait environ 20 minutes. La pochette est ce qu’elle est mais je voulais retrouver ça, comme quand je retombe sur des vieux vinyles tout cabossés, tout vieillis, tout déchirés mais que j’adore. Aujourd’hui les disques sont trop sophistiqués. J’avais pour volonté de poser les choses. Aujourd’hui, les jeunes écoutent 20 secondes d’une chanson sur TikTok et ils passent à autre chose… C’est donc compliqué de sortir un double album dans ce contexte-là. J’ai donc décidé de séparer ces morceaux. C’est la même mouture, le même enregistrement mais c’est en deux albums. J’ai demandé l’avis de mes proches, ma famille et mes amis à ce sujet… Au final, ces deux disques correspondaient parfaitement à la tournée Ne Faites Jamais Confiance À Un Cowboy.
Comment s’est passé le processus de composition sur ces 2 albums ? Comment Cali compose ? Est-ce tout part d’une mélodie ? D’un mot ? D’un cri ?
C’est le bordel ! Je n’écris pas sur un PC mais sur des cahiers. J’ai des cahiers partout même si je perds beaucoup de choses… L’idée première c’est de ne pas se poser de question. L’idée c’est de ne pas vouloir absolument écrire une chanson mais d’être émerveillé. On a tous des moments d’émerveillement quoique l’on fasse. Et c’est ces moments-là que j’essaye d’attraper. C’est dans ces moments-là que j’écris des chansons. Ça peut être des humeurs, des ambiances issues de livres ou n’importe quoi d’autre… Je ne me pose pas la question. Parfois, tout ce processus devient une chanson très rapidement ou bien ça se construit plus tard, au long-court.
En ce qui concerne le piano ou la guitare, il arrive que ce soit la mélodie qui arrive d’abord et les chansons prennent alors une tournure plus rock. Par contre, quand ce sont les mots qui arrivent en premier, je les habille de musique et l’ensemble devient plus chansonnier… Mais parfois tout arrive en même temps !
Du coup, ça s’est passé différemment avec l’album Cavale que vous avez écrit en 2020 avec Augustin Charnet ?
Oui. J’ai adoré ce moment-là ! Augustin (qui joue avec moi ce soir) est un jeune qui a toujours baigné dans la chanson car son père était l’un des meilleurs amis de Nougaro. Un de ces premiers concerts à 12 ou 13 ans c’était lorsqu’il est venu me voir jouer ! C’est un musicien incroyable qui a réalisé les derniers albums de Christophe et qui bosse avec des artistes comme Disiz. Il est en permanence connecté avec le monde et les sons actuels mais il a en même temps cette culture de la chanson. Ça a été génial de composer avec lui car il m’a amené des choses qui étaient totalement nouvelles pour moi. C’était une vraiment une superbe expérience.
Les deux derniers albums ont été mis en boîte dans le studio Fauteuils Rouges de Rivesaltes que vous avez créé il y a une bonne quinzaine d’années. Est-ce que paradoxalement, le fait d’enregistrer chez soi, n’invite pas à rester dans sa zone de confort ?
Je ne sais pas… J’ai travaillé avec Julien Lebart, l’ami et le pianiste des premiers jours et souvent je vais chez lui pour enregistrer des choses et les mettre en place. Pour Ces Jours Qu’On A Presque Oubliés, on s’est retrouvé tous les deux chez lui et je lui ai expliqué le dogme de ce que je voulais faire. Il m’a alors fait asseoir sur une chaise qui craquait parfois, il a mis le micro à un mètre de moi et on s’est lancé, à l’ancienne. Il a adoré ce moment-là et moi aussi… C’était génial car pour une fois on n’avait pas de deadline. On a donc commencé à enregistrer et puis on a réécouté ce qu’on avait fait après un moment de latence. C’est là qu’on s’est aperçu que ce qu’on avait fait était pas mal. On n’avait donc pas envie de se mettre en danger ou de sortir de notre sphère de confort… On a juste pris le temps de faire les choses et de digérer tout ça même si c’était en une seule prise.
Est-ce que tous les titres étaient déjà ficelés avant de les enregistrer ou est-ce que vous vous êtes laissé aller à des improvisations durant les sessions d’enregistrement ?
Il y a eu de tout. Il y a eu parfois un peu d’improvisation mais c’était sur des morceaux qui venaient d’arriver. Je les tenais à la guitare et Julien a pris le clavier pour qu’on essaye des bases guitare/piano, par exemple… Cependant, lorsque je suis arrivé au studio, les morceaux étaient déjà bien établis et je les ai joué à Julien pour les lui montrer.
Quand on écoute les albums, on entend que les constructions des chansons sont épurées avec des structures simples (mais pas simplistes). C’était une nécessité pour vous d’éviter les arrangements grandiloquents ?
Oui et puis je me dis toujours qu’il n’est pas obligatoire de composer des morceaux avec tout plein d’accords. Si une chanson à sept accords, pourquoi ne pas en faire avec cinq ? Trois ? Ou bien un seul ? Julien et moi étions en confiance lors de cet enregistrement sans prise de tête. Et quand Steve Wickham, le violoniste des Waterboys que j’ai la chance de connaître est venu poser sa magie sur les morceaux, il a trouvé ça super lui aussi.
Pour moi, le but c’était vraiment de freiner des deux pieds et de me consacrer sur l’essentiel. J’ai parlé de TikTok tout à l’heure car on est dans un monde qui va trop vite où on prend et on jette à la vitesse grand V : ce que l’on aime, on ne l’aime plus l’instant d’après… Moi, je voulais me poser. Quand je réécoute des disques de Dylan ou Nebraska de Springsteen qui ont été enregistrés il y a plus de 40 ans, je me dis qu’ils sont tellement épurés qu’ils n’ont pas pu s’ancrer dans une mode. Il y a une sorte d’intemporalité voire d’immortalité dans ces vieux albums…
On peut entendre dans ces 2 disques pas mal d’influences diverses d’artistes comme Bob Dylan, Bruce Springsteen, Cabrel mais aussi pas mal de couleurs musicales diverses comme la country façon cajun, le violon irlandais, la guitare espagnole et même des airs de sirtaki. Il y a des idées précises derrières ces incartades musicales ?
J’ai travaillé avec un jeune guitariste du nom de Pierre-André De Vera qui est un véritable virtuose de la guitare classique. Je l’ai connu tout petit… Lorsqu’il est arrivé en studio, il s’est collé directement sur les morceaux et a commencé à jouer. L’enregistrement s’est vite passé et c’est lui qui amené toutes ces colorations musicales dont cette mélodie de sirtaki sur « Reste Pas Tout Seul ». J’ai trouvé ça super.
C’est assez paradoxal car dans ces deux albums, il y a un côté très épuré mais aussi une recherche musicale très dense…
Oui, ça s’est fait naturellement. On peut y entendre de la musique qui vient d’Irlande, d’Espagne, de Catalogne…
C’est vous, quoi !
On peut dire ça, en effet !
On fête en cette année 2023 les 20 ans de L’Amour Parfait, l’album qui vous a fait connaître du grand public. 20 ans plus tard, quand vous regardez dans le rétro, quel regard portez-vous sur cet album charnière ?
On se dit que le temps court comme un élan ! Ça va vite. Très vite… En même temps, quand je vois comme c’est difficile pour les jeunes artistes qui arrivent de faire une carrière, je me dis que j’ai eu beaucoup de chance. C’est en effet une chance énorme de faire un premier album quand toutes les planètes sont alignées. Si j’avais sorti ce disque 6 mois avant ou 6 mois après, peut-être que la donne n’aurait pas été la même… Cet album était une histoire de rupture et les gens s’y sont retrouvés. Musicalement parlant, il est sorti en plein milieu de ce qu’on appelait la nouvelle scène française portée par des artistes comme Benabar, Sanseverino ou Delherm qui sont mes potes !
Je mesure vraiment la chance que j’ai. Si on m’avait dit il y a 20 ans que j’allais continuer à faire des disques et être sur la route, je n’y aurais pas cru. Je n’espérais même pas ça, car moi je viens des bals de village et j’étais heureux comme ça. Après, il y a eu des hauts et des bas mais ce que je trouve assez merveilleux c’est que quelques chansons m’ont permis de voir le monde, de rencontrer des gens, de travailler avec des musiciens incroyables. Pour célébrer ces 20 ans, je suis en train de préparer des choses qui sortiront bientôt… Au-delà de ça, c’est une destinée très belle pour moi.
Quand on pense à Cali, on pense toujours à un artiste passionné, engagé, voire même écorché. On sent que la musique a toujours été un exutoire pour vous. Cependant, on vous a vu aussi au théâtre, au cinéma et même dans le domaine littéraire puisque vous avez déjà écrit 3 romans dont le dernier s’intitule Voilà Les Anges (2021). Que vous apporte le théâtre, le cinéma et la littérature en plus de la musique ?
Je ne me suis jamais trop posé la question. L’idée c’est de laisser aller les choses. J’ai 4 enfants et souvent ma fille de 10 ans quand elle me voit anxieux ou quand il y a un souci, elle me dit de défaire le lacet qu’il y a dans mon ventre. Et on a tous un moyen de défaire ce lacet. Par exemple, un sportif va aller courir pour se sentir mieux. Dans mon cas, j’ai besoin d’écrire des choses, quelque soient ces choses. Ça peut être des humeurs que je perds juste après, des poèmes ou des chansons… Pour le roman, c’est un peu différent car on démarre une première phrase puis il y a tout qui continue. C’est un peu comme un chemin de vie. Mais au final, je ne me pose pas trop de questions pour ne pas avoir peur d’aller de l’avant. J’ai plein d’amis qui ont énormément de talent mais qui ne font pas les choses. Moi, je suis un grand lecteur mais je sais que je ne suis rien à côté des grands auteurs, je ne cherche donc pas à me comparer à eux. Si on se compare à Léo Ferré par exemple, on n’écrit pas de chansons ! L’idée est donc que chacun aille piocher dans son petit trésor afin de le partager… C’est peut-être un peu con ou inconscient de le faire, mais c’est cette inconscience qui nous donne le droit de le faire !
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