Alors que Pierre Perret est en route sur sa tournée « Mes Adieux Provisoires« , nous avons décroché notre téléphone pour échanger avec ce grand monsieur. Retour sur un échange alternant entre bilan de carrière et tournée d’adieux peut-être pas si provisoires.
Pozzo Live : Bonjour on espère que tout va bien et que vous vous sentez en forme pour votre tournée, qui a déjà bien démarré.
Pierre Perret : J’ai déjà fait quand même une quinzaine de dates. Si je n’étais pas prêt, il faudrait mieux que je reste couché ! [Rires]
Pozzo Live : Après toutes ces années d’expériences est-ce que vous appréhendez cette tournée comme les autres ? Même préparation ? Même stress ?
Pierre Perret : Alors d’abord le stress, je connais pas. Mais préparation, oui ! Parce-que j’ai mis dans la nouvelle tournée, dans le nouveau récital, des chansons du dernier album que je n’avais encore jamais chantées. Ma vieille carcasse, Les larmes des pauvres, On vient d’habiter chez vous, etc. Cela pour pouvoir chanter ces chansons en scène.
Il a fallu que je les apprenne, et même que je mette encore des antisèches sur la scène pour le moment, pour ne pas complètement me planter lamentablement. Mais en général, je fais ça deux ou trois mois, puis après je laisse tomber les antisèches. Mais comme au bout de trois mois, quasiment j’aurais tout fini, je n’en aurais plus besoin [Rires]
Pozzo Live : Maintenant que vous avez autant d’albums à votre actif, comment réussissez-vous à vous décider pour faire votre setlist ? Est-ce que vous vous permettez d’en changer des parties tous les soirs ?
Pierre Perret : Si je n’avais pas changé, je ne serais plus là depuis longtemps. J’ai passé ma vie dans cette discipline. Soit vous progressez, soit vous disparaissez c’est tout. Ce n’est pas compliqué, on est forcé.
Je le vois avec le recul. Si l’écriture de vos chansons n’est pas adaptée au murissement nécessaire cela ne fonctionne pas. D’ailleurs, les derniers albums me le prouvent. Je vois les réactions dans la salle, c’est magnifique.
Pozzo Live : En parlant de vos albums, vous avez sorti Ma Vieille Carcasse cette année. Est-ce qu’il vous a fallu longtemps pour le mettre sur pied ?
Pierre Perret : Ça fait un peu plus de trois ans d’écriture, comme d’habitude. Les trois quarts du temps, les albums je mets trois-quatre ans à les écrire.
Pozzo Live : À la sortie de « Paris saccagé » certains vous ont accusé de devenir réac’. Mais c’était très loin d’être la première chanson où vous poussiez votre coup de gueule en fin de compte.
Pierre Perret : J’ai passé ma vie à ça et j’ai passé ma vie à écouter les grincheux, les pieds froids. J’ai eu affaire à tout, j’ai tout entendu. Vous savez, ça a commencé de bonne heure. Avec Le tord boyaux on trouvait qu’il y avait des gros mots, avec les colonies de vacances on disait qu’il fallait pas faire pipi dans le lavabo, avec Le Zizi où on pensait que c’était monstrueux. Toute ma carrière d’écriture a été parfumée de ça. Au contraire ça me rassure, parce que si personne dit rien ça va pas [Rires].
Pozzo Live : Est-ce que cela vous convient d’avoir cette image « d’amuseur » de par vos chansons les sympathiques et joyeuses ou bien auriez-vous plus voulu cette étiquette de « revendicateur » ?
Pierre Perret : Je l’ai depuis 50 ans cette étiquette de revendicateur. Quand j’ai écrit Lily, j’étais déjà revendicateur, et quand j’ai écrit Le Zizi j’étais revendicateur. J’écrivais des choses qu’on n’avait jamais écrites. Vous savez c’est pas nouveau.
Pozzo Live : Je le sais bien, mais certains ne s’en rendent absolument pas compte.
Pierre Perret : Tous les pieds froid qui ne sont pas d’accord, en général n’ont rien foutu de leur vie, ou n’ont pas produit grand-chose. En quoi voulez-vous que ça me touche ? Je m’en tamponne allègrement la coquille. La seule chose qui compte pour moi, c’est le public. Et vous savez, les salles sont pleines. Il y a plein de gens qui viennent de me voir depuis des décennies et des décennies, et ça me suffit. Vu mes modestes prétentions, ça me suffit largement. Quand il y a 2, 3, 4 mille personnes dans la salle, je me contente de peu voyez-vous.
Pozzo Live : Vous semblez avoir encore des choses à nous dire en chanson. Vous le dîtes d’ailleurs en interview, votre stylo n’est jamais loin. Même si, comme vous le dîtes également, vous prenez votre retraite de la scène en partant sur la pointe des pieds, est-ce qu’on pourra entendre un morceau par-ci par-là si l’inspiration vous vient ainsi que l’envie de la poser sur bande audio ?
Pierre Perret : Je n’arrêterais jamais d’écrire tant que j’ai le citron qui fonctionne. Si je ne vais plus sur scène chanter mes nouvelles chansons , ça ne m’empêchera pas de les écrire et de les consigner sur un album. Ceux qui me sont fidèles, qui me suivent et qui m’aiment continueront à se le procurer. Ce n’est pas le problème. Il n’y a pas de problème pour moi. Ce n’est pas parce que je vais arrêter de chanter que la Terre va s’arrêter de tourner. Au contraire, moi ça va me permettre d’aller un petit peu plus souvent aux champignons et à la pêche [Rires]
Pozzo Live : Vous me devancez, j’allais évoquer les passe-temps que vous avez en dehors de la musique.
Pierre Perret : Tous ceux qui m’aiment le savent depuis tout ce temps. Moi, j’ai toujours été un grand amoureux de la nature, je vais en Irlande pêcher très souvent. Je fais la cuisine pour des copains, je m’occupe de voir ce qui pousse dans mon potager de temps en temps. Je suis un rustique et je n’ai pas passé ma vie dans les boîtes de nuit, si vous voulez tout savoir. J’ai passé ma vie cramponné à un stylo sur une table tout seul pendant des mois et des années. Et cela m’a très bien convenu parce-que ma nature est comme ça. Je suis un imaginatif, un bosseur. Mais il n’y a aucune astreinte chez moi, c’est un besoin. J’ai toujours eu besoin d’écrire. Comme ça n’a pas l’air d’être encore tari, je continue. Jusqu’à quand je n’en sais rien, mais d’écrire je continuerai.
Pozzo Live : Quel groupe ou artiste vous conseilleriez à Pozzo Live d’interviewer ensuite ?
Pierre Perret : C’est selon vos penchants et vos coups de cœur, vous pouvez très bien aimer telle ou telle chanteuse, tel ou tel écrivain. C’est en fonction de vos goûts. Tout le monde est enrichissant, je n’essaye pas de botter en touche, mais c’est en fonction de vos penchants à vous. Il faut aller vers les gens que vous aimez, essayer de les rencontrer et ça ne pourra que vous enrichir. Parce-que si c’est quelqu’un avec qui vous n’avez aucune affinité .. ce n’est pas les miennes qui comptent. J’ai rencontré tout le monde et j’ai discuté avec tout le monde [Rires]. Mes copains étaient aussi bien Boris Vian, que [Georges] Brassens, que Bourvil ou Dalida. Et puis dans les auteurs de Bobby Lapointe à [Jean] Ferrat en passant par tous les copains avec lesquels j’ai démarré Je n’ai pas de préférence pour un personnage spécial.
L’enrichissement il est partout, il est pluriel. Il faut être ouvert à tout et puis vous faites le tri . Vous triez le bon grain de l’ivraie et vous retenez la substantifique moelle comme disait mon copain Rabelais. C’est une réponse un peu longue, mais c’est le reflet de ce que je pense. Je pense qu’il faut savoir grappiller et ne pas laisser périr au passage tous les moments heureux qu’on peut avoir.
Quand j’ai rencontré Paul Léautaud pour la première fois, je savais que pour moi c’était un bonheur et que ça me laisserait des empreintes jusqu’à la fin de mes jours. Effectivement toutes mes lectures ont été guidées par lui au départ. Et si j’ai connu notamment Stendhal, c’est à lui que je le dois. Ensuite ces auteurs là ont créé à eux seuls d’autres extensions qui m’ont ouvert d’autres portes. Et c’est grâce à lui que j’ai connu [Sébastien-Roch Nicolas de] Chamfort, [François de] La Rochefoucauld, et les philosophes. Donc il faut être ouvert à tout, écouter tout, il faut pas se polariser sur une seule chose. Il y a tellement de richesses de par le monde. Il faut avoir les yeux ouverts pour les voir et surtout les étiquettes grandes ouvertes pour entendre tout ce qu’on vous dit. Même les conneries, des fois, sont enrichissantes parce-qu’on s’aperçoit que c’est ce qu’il ne faut pas faire et qu’il ne faut pas dire. Alors c’est très bien les conneries [Rires]. Moi j’en entends en longueur de journée !
Interview réalisée par téléphone le 24 octobre 2023
Retrouvez très bientôt notre live report de Pierre Perret au Théâtre de Longjumeau.