C’est le grand jour. Après vingt années à tourner quasi-exclusivement en Allemagne, pour la première fois, c’est sur les rives de la Seine que vient s’amarrer le drakkar de Feuerschwanz au Trabendo. Ce soir, Paris est leur champ de bataille, et les contraintes d’une petite salle comme le Trabendo ne sauraient s’opposer à cette vague de feu dévorant. C’est la seconde partie de la tournée Fegefeuer et elle traverse une partie de l’Europe de l’Ouest avec une seule date prévue outre-Rhin.

Feuerschwanz n’a jamais été pensé pour être un groupe international, mais cela va changer dorénavant. Après avoir longuement existé sous la forme d’un groupe à la musique très rock médiévale à tendances humoristiques, les voilà devenu en quelques années à peine un véritable poids lourd du folk metal. Une évolution qui les aura mené vers de nouveaux horizons pour conquérir un nouveau public étranger qui commence tout juste à les connaître alors qu’ils sont déjà des superstars dans leur Germanie natale. Un nouveau public fidèle et passionné qui ne demande qu’à les voir et les revoir.

Comme lors de la première partie de la tournée, ils sont accompagnés de leurs compatriotes de Dominum et d’Orden Ogan pour chauffer la salle avant leur passage. Pour cette première date parisienne, ils affichent complet, le Trabendo a même dû changer sa configuration face à l’affluence à la billetterie, passant d’une capacité de 700 à 900 personnes. C’est leur troisième date successive en trois soirs après avoir joué la veille au Pays-Bas, à Haarlem, et l’avant-veille à Eindhoven. Et comme si cela ne suffisait pas, ils prévoient dès le lendemain un passage en Allemagne à Kaiserslautern, puis en Suisse à Pratteln. Cinq concerts en cinq jours, ce n’est pas un marathon, c’est une invasion viking.

C’est assez surprenant de voir que finalement, un show d’une telle ampleur tient sur une petite scène comme celle du Trabendo. La batterie des premières parties est recalée sur le côté sans être trop collée à celle de Feuerschwanz et il y a assez de place sur le devant de la scène du Trabendo pour les musiciens. Tout semble bien en place, et pour cette fois, la petite salle parisienne s’est équipé d’une crash barrière.

Le docteur et ses créatures

Dominum est la première grande surprise de la soirée, je parle quand même de surprise après les avoir déjà vus deux fois cette année, parce qu’ils ont ce don rare de se faire encore plus aimer que la fois précédente ! C’est un tout nouveau groupe de power metal allemand très classique mais diablement efficace mené par nul autre qu’un certain Felix Heldt au chant, Alias Dr. Dead. Eh oui, le producteur de Feuerschwanz et de Visions Of Atlantis lui-même, le monsieur a du vécu ! Le groupe fait la promotion de son premier album, Hey Living People, sorti l’année dernière, et du second, The Dead Don’t Die, prévu pour la fin de cette année, déjà ! Et bien sûr c’est du pur produit de la grande famille de Napalm Records. Cela ne fait aucun doute, Dr. Dead sait parfaitement comment s’approprier le public avec le concept si audacieux de son groupe, trois créatures mort-vivantes comme musiciens dirigées par un docteur fou digne de Frankenstein. Il faut dire que les thèmes macabres sont d’ordinaire plutôt abordés par les groupes de metal extrême, mais Felix, il a su le faire dans le power metal, et ça marche drôlement bien. C’est une formation très simple, un trio guitare-basse-batterie et un chanteur, cela fait l’affaire. Simple et efficace ! Le seul point que je puisse déplorer pourrait être la trop grande présence scénique de Dr. Dead qui transpire la classe dans sa magnifique tenue de noble transylvain. Il en jette, et je trouve qu’il a tendance à faire de l’ombre à ses trois musiciens qui sont d’ailleurs masqués sur scène. Mais qu’importe, cette première date française a fait l’effet voulu, le public du Trabendo est à fond et vibre à mesure que la setlist avance. Cette entrée en matière est un succès total !

And so we are… Cold, dead and gone!

Orden Ogan, voilà un nom qui fait parler de lui depuis longtemps déjà. En effet, le groupe a quand même déjà bientôt la trentaine et ils sont toujours bien là. Cette fois, la bande à Sebastian Levermann vient nous présenter son tout nouvel alum, The Order Of Fear, sorti cet été chez AFM Records. Orden Ogan, c’est l’assurance d’assister à une performance de power metal de qualité et sans prétentions, mais surtout à une communication très intense entre Sebastian et son public.

Après un court discours sur fond musical tenu par un maître de cérémonie masqué vêtu d’un long manteau et coiffé d’un chapeau haute-de-forme, le groupe fait son apparition et ça envoie déjà du lourd. Eux, on les connait, on les attend, et le public du Trabendo le fait très vite savoir. Les morceaux s’enchaînent, Moon Fire, The Order Of Fear… Et Sebastian nous montre sa capacité à chauffer la foule, c’est très simple : il suffit de nous faire prononcer « beer », il y a du monde pour ça ! Le show se conclut avec cette même intensité dans la communication avec la masse, Sebastian entonne un « And so we are… » aussitôt complété par un tonitruant « Cold, dead and gone ! » venu de la foule en délire pour commencer le morceau culte du groupe, The Things We Believe In.

Join our trip on the dragonship!

Dominum nous a chauffés, Orden Ogan nous a bousculés, mais que dire de Feuerschwanz ? Que dire de ce groupe aussi sous-coté à l’international qui n’attend qu’une chose : dominer la scène folk metal européenne ? Oui, je pèse mes mots, leurs derniers albums sont couronnés de succès outre-Rhin et leurs concerts sont des expériences tout simplement hors normes. Et j’ai l’honneur de rédiger l’un des tout premiers live reports en France de ces bêtes de scène allemandes. Dès leur arrivée sur scène, les huit membres reçoivent un accueil digne d’une tête d’affiche de festival, le Trabendo est en effervescence. On peut aisément voir sur leurs visages qu’ils ont la bonne surprise de voir que oui, ils ont un public en France. Et ce n’est pas seulement un public de curieux, mais bien des fans dévoués, des fans qui trépignent, des fans qui les attendent depuis longtemps ce moment pour beaucoup.

Feuerschwanz, c’est une particularité rare, huit membres, dont quatre musiciens, deux chanteurs et surtout deux danseuses qui se font appeler les miezen. C’est un bien joli mot que l’on peut traduire par « chatons », ou « minettes ». Ce sont deux danseuses, Myu et Musch Musch, qui accompagnent le groupe sur scène pour nous offrir une valeur ajoutée unique sur certains morceaux. Elles ne sont pas de simples invitées ou prestataires, elles sont des membres permanentes du groupe au même titre que les six autres, et ce statut est largement justifié.

Feuerschwanz, en tenue de scène d’inspiration médiévale et viking, entre donc sur la scène du Trabendo accompagné des miezen, elles-même vêtues comme des valkyries en armure légère tout droit sorties des salles d’Odin brandissant chacune un étendard aux couleurs du groupe. Cette introduction cérémonielle s’ouvre rapidement sur le fracassant SGFRD Dragonslayer, premier morceau du dernier album Fegefeuer, et c’est un déferlement d’énergie pure. Enfin ils jouent sur le sol français, enfin le public français leur offre ce trop-plein d’énergie qui n’attendait qu’à exploser. La salle chauffe, et cette fois, le groupe n’a malheureusement pas l’occasion de nous faire l’honneur de nous montrer leurs effets pyrotechniques, élément incontournable de leur identité. Mais ce n’est pas plus mal à vrai dire, avec ce qu’il sont capables d’envoyer, ils pourraient littéralement rôtir le public dans un Trabendo clairement trop petit pour eux.

Et on enchaîne avec deux morceaux phares de leur poids lourd Memento Mori, le titre éponyme et Untot Im Drachenbot. Force est de constater avec surprise que ce ne sont pas les versions originales, mais les versions traduites en anglais sorties cette année sur l’album Warriors, Memento Mori et Death On The Dragonship. Pour s’ouvrir au public international, ils décident d’évoluer dans ce sens et c’est une bonne idée, la foule scande les refrains en anglais avec les deux chanteurs, Hauptmann et Hodi. Les miezen Myu et Musch Musch nous offrent sur ce dernier morceau une chorégraphie guerrière chacune armée d’une hache et d’un bouclier comme des skjaldmö, battant le bois avec leur fer.

Sur le morceau suivant, Metfest, c’est la violoniste Johanna qui s’occupe de la pièce maîtresse, une ligne de violon sur laquelle s’articule tout le morceau. Il est issu de Das Elfte Gebot, leur premier album sorti chez Napalm Records, la pierre angulaire qui les a véritablement mis sur les rails du folk metal après une longue période de rock médiéval. Johanna s’approprie le public avec son instrument, mais aussi avec sa bonne humeur et son sourire ravageur. Vient ensuite le puissant Bastard Von Asgard, c’est fou de voir à quel point les refrains des morceaux son facilement scandés par le public. « Du bist der bastard ! Bastard von Asgard ! » Cette fois, le guitariste Hans Platz nous montre la technicité dont il est capable avec un magnifique solo suivi d’un solo de violon de Johanna qui marche tout de suite sur ses pas.

Le morceau suivant est une reprise, mais quelle reprise ! Valhalla Calling de Miracle Of Sound, à l’origine bien connue par les joueurs d’Assassin’s Creed Valhalla. C’est une version épique, galopante et remarquablement bien appropriée qui nous est offerte, un bijou de power metal et folk metal. Hodi nous joue l’introduction à la cornemuse tandis que les miezen reviennent sur scène pour danser la chorégraphie, cette fois sans armes. Les contraintes de la taille de la scène du Trabendo ont fait qu’elles ont dû adapter leur danse pour tout simplement éviter de prendre trop de place. C’est tellement dommage mais tellement bien amené aussi, parce que ça passe tout simplement très bien. Et bien sûr, Hans nous joue un autre solo pour notre plus grand bonheur avec Myu dansant devant lui pour mettre en valeur son jeu de maître.

Hans est discret, en retrait sur sa plateforme, c’est comme s’il était un grand timide qui se contente de jouer sans trop se montrer. Il semble bien moins présent que les deux chanteurs et les deux miezen. Il est pourtant ce que j’appelle un grand guitariste, indéniablement. Le groupe n’a qu’une seule guitare, c’est Hans qui porte toute la puissance de cette musique dans ses doigts.

Vient ensuite Ultima Nocte, connu pour être accompagné d’une performance des miezen avec des éventails de feu, mais là encore, cela est impossible au Trabendo. Mais le public impressionne encore nos amis allemands en entonnant de lui-même les « Hou ! Ha ! » du morceau sans qu’ils aient à nous dire comment faire. On est là ! On le fait ! On les aime ! Mais surtout, depuis le début, tous les morceaux datent de la période Napalm Records du groupe, donc pas avant 2020, c’est dire à quel point ils ont pris une toute autre direction. Mais là vient le premier morceau issu de leur période d’avant, Schubsetanz ! De l’album Methämmer Littéralement « Danse poussée », vous vous en doutez, le titre annonce la couleur. Sûrement le moment le plus énergique du concert, un wall of death ? Dans cette si petite fosse ? Pfeuh ! DEUX walls of death ! Là on peut dire que la salle est déjà bien bouillante, mais la chaleur et l’humidité son loin de faire le moindre effet à Feuerschwanz et son public ! Public qui se livre désormais à un pogo énergique de sauts à faire trembler le Trabendo sur Wardwarf, initialement Kampfswerg, morceau lui aussi traduit en anglais sur l’album Warriors.

Les morceaux s’enchaînent, voilà le tour de Berzerkermode ! Le morceau workout du groupe pour pousser de la fonte, accompagné des miezen qui soulèvent des marteaux, des marteaux d’arme à une main, ouais, vous croyez qu’on est là pour quoi ? Bon aller on se calme, voici Valkyren, le morceau le plus doux de la soirée, mais tout aussi épique que les autres. Une belle ode aux valkyries qui emmènent les guerriers morts au combat vers les salles d’Odin. Valkyries bien sûr incarnées par les miezen armées de lances. L’ambiance est plus calme et tamisée, le public allume tous naturellement les lampes des téléphones en guise de briquet pour faire partie du spectacle.

« Who wants to live forever ? » Et voilà Highlander, hommage au film de 1986 et aux guerriers immortels qui doivent s’entretuer jusqu’au dernier, sans oublier le clin d’œil à Queen ! Hans le guitariste et Jarne le bassiste en profitent pour s’avancer cette fois un peu plus vers le public, eux aussi on veut les voir quand même ! Des hommages au cinéma, on en a ce soir, le morceau est suivi par Uruk Hai, inspiré par Le Seigneur des Anneaux et précédé par le discours samplé de Saroumane à son armée. Hodi a même prévu un casque marqué de la Main Blanche tandis que les miezen sont cette fois privées de leur baril de feu… Bon en même temps il faut dire qu’il fait bien assez chaud dans cette salle. Et là, c’est le solo de batterie de Rollo sur… Bah sur They’re taking the hobbits to Isengard. Non mais sérieusement ? Ah là c’est sûr, ils ne nous ont pas perdus ! On chante, on rie, on s’amuse. Ils savent sacrément bien garder le publique dans le creux de la main.

Et la suite ? « Mahia iiih ! Mahia oooh… ! » Eh oui, leur reprise de Dragostea Din Tei des roumains d’O-Zone qui a tant fait parler à sa sortie. Une des reprises les plus géniales et les plus loufoques que le metal puisse produire, c’est à la fois drôle et excellent, vraiment qu’est-ce qu’on adore ! C’est le seul morceau du groupe qui ne soit ni en allemand, ni en anglais, d’ailleurs il paraît que le public roumain a salué la prononciation de Hauptmann et Hodi. Pour cette partie, les huit membres portent des lunettes de soleil à monture colorées tandis que les miezen sortent leur plus beau chapeau de plage pour la version folk metal du tube de l’été de notre enfance, ou du moins la mienne.

Vient enfin une autre chanson issue de leur période pré-Napalm Records, et pas pour nous déplaire, Die Hörner Hoch, une chanson à boire entraînante plus rock que metal digne d’un Oktoberfest. Elle est issue elle aussi de l’album Methämmer, comme Schubsetanz. C’est la chanson à cadeaux du groupe, puisque les miezen jettent dans le public deux t-shirts issus du merchandising de la tournée. (Je n’ai pas pu en attraper un, dommage…) Après avoir levé nos cornes dans la joie à cet hymne à la boisson, le groupe s’éclipse en coulisses et la lumière s’éteint. Le public réclame alors vivement leur retour sur la scène, le temps des rappels est venu.

Les rappels s’ouvrent sur la troisième et la plus mythique reprise de ce concert, Warriors Of The World United, et je ne le répèterai jamais assez, leur version est tellement meilleure que l’originale de Manowar. Hodi est armé de sa cornemuse tandis que Johanna troque son violon pour un instrument original et peu commun dans le metal, la vielle à roue. Les miezen reviennent en brandissant les mêmes étendards que lors de l’introduction, comme pour marquer l’épilogue de ce concert d’anthologie, mais ce n’est pas fini.

Arrive un autre hommage de taille au Seigneur des Anneaux, Rohirrim. Une fresque épique et émotionnelle sur les farouches cavaliers du Rohan et leur roi Théoden rythmée par les mouvements des lances des miezen. Les deux guerrières déposent ensuite leurs armes pour former une pyramide humaine avec Johanna jouant un solo de violon au sommet de cette dernière. Un monument qui mériterait d’avoir sa version en statue quelque part dans les plaines de Nouvelle-Zélande. Le spectacle se clôt sur le morceau éponyme du premier album, Das Elfte Gebot et sur la danse endiablée des miezen, Myu vêtue de noir, Musch Musch de blanc, telles un ange et un démon. Enfin les adieux du groupe se font sur leur amusante reprise de The Final Countdown qui ne manque pas de nous motiver à les acclamer après une telle performance !

Tout y était. Malgré les contraintes imposées par l’étroitesse de cette scène, Feuerschwanz a su prendre possession du Trabendo et de tout son public sans la moindre difficulté. Pas de pyrotechnie, mais une ambiance à en faire craquer la salle par combustion musicale. C’était épique, festif, puissant. Le public français a enfin pu voir le phénomène allemand pour de vrai, on espère qu’ils reviendront nous voir dans une salle à leur taille cette fois.

Setlist :
  1. SGFRD Dragonslayer
  2. Memento Mori
  3. Death On The Dragonship
  4. Metfest
  5. Bastard Von Asgard
  6. Valhalla Calling
  7. Ultima Nocte
  8. Schubsetanz
  9. Wardwarf
  10. Berzerkermode
  11. Valkyren
  12. Highlander
  13. Uruk Hai
  14. Solo de batterie
  15. Dragostea Din Tei
  16. Die Hörner Hoch
  17. Warriors Of The World United
  18. Rohirrim
  19. Das Elfte Gebot

Orden Ogan – My Worst Enemy, de chanteur à coach de vie !

Feuerschwanz – Warriors, du folk métal bien bourrin bourrin.

Feuerschwanz : une première venue en France pour la formation allemande à l’ascension fulgurante

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