La dernière fois que l’on vous a parlé de Regarde les Hommes Tomber, c’était à l’occasion de la release party de leur dernier album Ascension au Stéréolux à Nantes pendant leur tournée ASCENSION TOUR ACT I. Une soirée qui ne nous avait pas laissés indifférents !
Un retour en force de Regarde les Hommes Tomber sur les planches, de quoi attiser notre curiosité ! Qu’a-t-il bien pu se passer entre la sortie de l’album Ascension en février 2020 et le début de leur tournée ? On a pu s’entretenir avec le chanteur et l’un des guitaristes du groupe, ils nous racontent tout !
Pozzo Live (PL) : Comment avez-vous vécu votre retour sur scène ? Pas trop difficile de se préparer avec le protocole Covid en plus à gérer ?
JJS (Guitariste de RLHT) : On a eu quasiment un an et demi entre la sortie de l’album et la première date debout car nous avions fait des dates assises en automne 2020. En soit ça s’est bien passé mais c’était assez compliqué de jouer devant des personnes assises sans réel partage. Les gens étaient vraiment contents d’être là mais le fait d’être statique sur une musique dynamique, c’est un peu compliqué à gérer.
TC (Chanteur de RLHT) : Et pourtant ça a fait débat au sein du groupe : certains étaient pour, d’autres ne voulaient pas forcement le faire, au final on en a fait trois pour tester et ce qu’on a ressenti, c’est que ça ne marchait pas. On partait de l’idée qu’on jouait un black metal assez “posé” et donc que ça pourrait s’y prêter mais en faite non, ça ne marche pas.
JJS : On est un groupe très dynamique, donc ça ne fonctionnait pas… Il manquait quelque chose.
TC : On avait super hâte de remettre le couvert en mode debout !
JJS : Le plus dur c’était l’attente et l’incertitude. Nous avons quand même continué à travailler de notre coté, faire des repets, des résidences, travailler le set. On a eu la chance d’avoir un accompagnement avec Trempolino, ça a permis de professionnaliser la partie scénique et du coup, d’être prêts pour attaquer les concerts debout. On était directement dans le truc, après un ou deux concerts de rodage c’était parti !
TC : C’est vrai que le point positif, c’est qu’avec cette concentration de concerts depuis début octobre, on en a fait une 15aine en 2 mois, tu répètes très souvent ton show, tu le mécanise beaucoup plus. On appréhendait un peu mais sur le coup on a pas tant galéré que ça, c’était hyper exaltant et hyper positif.
JJS : On a pu évacuer toute la frustration qu’on a accumulée pendant un an et demi, c’était un vrai bonheur de se retrouver sur scène.
PL : Suite à votre prestation au MAJOR ARCANA (Red bull Music Festival) en collaboration avec Hangsman’s Chair, qui a particulièrement touchée le public, est-ce que vous ça vous a donné envie de refaire des collaborations / guests avec RLHT ?
JJS : Suite à cette collaboration, on s’est dit qu’on avait fait quelque chose d’un peu culte (sans s’envoyer des fleurs). D’un coté on avait envie de refaire et d’un autre, c’est bien de garder ce truc un peu unique sans trop le répéter. Surtout que ça a demandé énormément de travail et de disponibilités avec Hangsman’s Chair, c’est pas évident de prévoir des événements comme ça donc garder ça un peu exceptionnel, ça nous va.
TC : Avec cette collaboration on a vraiment travaillé comme un groupe de rock, c’est à dire qu’on a bossé ensemble en répétition. On a commencé à répéter avec Hangman’s Chair juste après l’enregistrement d’Ascension, on était encore sur Paris à ce moment-là. On ne pensait pas mais c’était vraiment récréatif de sortir la tête des compos et de faire autre chose, c’était trop cool !
JJS : Quand nous nous sommes retrouvés tous les neuf la première fois en répétition, ça a tout de suite marché, on avait pleins d’idées… c’est sorti tout seul. C’était assez étonnant, comme si on les connaissait depuis des années, quelque chose de vrai s’est passé et quand on a joué au Trianon, la magie a opérée. Bien que nos deux univers soient complètement différents nous avons réussi à rejoindre nos deux groupes dans des atmosphères et ambiances très sombres, mélancoliques… C’était vraiment intéressant.
TC : Ça marchait bien, nous sommes très fiers de ce projet !
JJS : D’ailleurs on sera amenés à remonter sur scène avec eux prochainement 😉 >>> Roadburn Festival
PL : Comment se déroule la création d’un album ? Sur l’écriture des paroles, la composition, la répartition des tâches… ?
JJS : Dans le groupe il y a un noyau de trois personnes qui vont se retrouver régulièrement pour travailler la musique. Pour le 3ème album, c’est plutôt A.M (guitariste) qui a apporté la matière principale et on a travaillé dessus pendant un an, un an et demi. Une fois que les morceaux étaient quasi finalisés, Thomas a commencé à poser sa voix.
TC : Sachant que les textes étaient écrits par notre parolier Enoch. Les textes des deux premiers albums relataient la chute de l’Homme dans la Bible tandis que dans le 3ème album, on s’inspire de ces mythes là pour les déconstruire un peu et en faire quelque chose de nouveau, une nouvelle histoire. Mon rôle est d’interpréter les textes qui me sont donnés, ça me va très bien de ne pas avoir à écrire pour me concentrer uniquement sur la performance et faire en sorte d’avoir un rendu qui sonne et qui marche bien.
JJS : Petite anecdote, tout l’album a été composé en répétitions, à l’ancienne, d’où le temps de composition aussi long ! Aujourd’hui, ça se fait de plus en plus par ordinateur. On se considère davantage comme un groupe live que studio c’est pourquoi il est important pour nous que tout ce qui soit enregistré sur l’album puisse être joué sur scène.
PL : Quelles sont les influences de la trilogie ? (Regarde les Hommes Tomber (2013), Exile (2015), Ascension (2020))
TC : Enoch a poursuivi la trame qu’il avait initié avec le premier album. A la fin d’Exile, Lucifer prend le pouvoir au paradis et marque le début d’Ascension. On rentre dans la bataille céleste des forces du mal au paradis, s’en suit le couronnement de Lucifer et de Lilith. L’idée, c’est de raconter une histoire.
JJS : Concernant les influences musicales, il y a eu une évolution sur les trois albums. J’ai davantage participé à la composition des deux premiers albums avec des influences provenant plutôt du post hardcore, post rock. Sur le 3ème album c’est Antoine qui s’est emparé du projet et ses influences sont plus dans le metal extrême, le black metal et c’est ce qui fait cette bascule entre les deux premiers albums et le dernier. Ascension est beaucoup plus frontal. Dans le groupe, on vient tous d’écoles un peu différentes ! Par exemple notre batteur, son truc, c’est le death metal, le bassiste continue de beaucoup jouer dans des groupes de hardcore/post hardcore, c’est son monde à lui. Pour Thomas, c’est le black metal et metal extrême en général. Et on a quand même réussi à tous s’entendre !
TC : Le 3ème album est plus épique, plus glorieux que les précédents.
PL : On va parler un peu de vous ! C’est parti pour quelques anecdotes 😉
• Tes médiators sont-ils bien rangés dans leur boîte ou c’est plutôt : «merde, où est-ce que je les ai mis déjà ?!» ?
JJS : Je trouve toujours mes médiators, soit ils sont dans ma poche soit dans l’étui de ma guitare donc ça va !
• Si vous pouviez décrire RLHT en un mot ?
JJS : Epique
TC : Furie
• Le premier concert en tant que spectateur ?
TC : Redrum, un groupe de death metal à la fête de la musique de La Roche sur Yon en 2002 je crois. Ça m’avait marqué ! Il y avait Sephiroth aussi, un groupe de black metal.
JJS : Le premier concert qui m’a marqué, c’était à l’Oasis au Mans, un concert de FFF (Féderation Française de Fonck). Rien à voir avec le métal mais il y avait une énergie de ouf et ce concert m’a vraiment marqué !
• Apprentissage de la musique : autodidacte ou cours suivis ?
JJS : J’ai toujours suivi des cours, j’estime que tu peux apprendre tout seul mais qu’au bout d’un moment tu vas stagner et être bloqué, tu as besoin d’un professeur pour apprendre de nouvelles compétences. J’ai même recommencé à prendre des 3 cours de musique il y a trois, quatre ans dans l’objectif de m’améliorer. La musique, oui, tu peux l’apprendre seul mais pour moi tu n’iras jamais aussi loin que si tu pratiques avec un/e prof ou en école de musique.
TC : J’ai commencé avec la guitare en prenant des cours quand j’avais 15 ans puis je suis passé au chant en autodidacte. J’ai commencé le chant en 2006 et la même année je me suis inscrit à la chorale universitaire. Faire un an de chorale m’a vachement aidé à prendre conscience de mon corps, comment ça fonctionne, à l’appréhender, doser l’effort… Je suis resté en autodidacte avec quelques cours pris de temps en temps depuis 2006. Le chant extrême, c’est un instrument qui est en toi. Il faut le pratiquer pour pouvoir le déchiffrer, le lire et savoir l’utiliser. Et c’est pas simple ! La première année est compliquée parce que tu essaies, tu te fait mal car tu ne sais pas comment t’y prendre. Au fur et à mesure, tu trouves la bonne technique et une fois que ça marche, c’est bon. Je pense que c’est moins compliqué que la guitare ou tout autre instrument, tout comme le vélo, une fois que tu as pigé le truc tu le gardes.
• Le premier album acheté ?
JJS : C’était un single ! Au moment du décès de Freddy Mercury, le single de Bohemian Rhapsody a été réédité et mes parents me l’ont offert. Quand je l’ai écouté pour la première fois c’est tout un monde qui s’est ouvert devant moi ! J’avais trouvé ça incroyable. L’album qui m’a vraiment donné envie de faire de la guitare, c’était le Live at Donington d’ACDC.
TC : Le premier album metal que j’ai écouté c’était…Storm of the Light’s Bane de Dissection. Je l’avais emprunté à la médiathèque de la Roche sur Yon quand j’avais 15 ans et c’est l’album qui m’a renversé, qui m’a roulé dessus. C’est là que j’ai capté que c’était ce que je voulais faire. Sinon le premier que j’ai acheté c’est soit October Rust de Type O Negative soit Master Of Puppets de Metallica.
• Votre dernière découverte musicale ?
JJS : Rien à voir avec le metal, c’est de l’électro : Thylacine. Ça fait quelques années que je m’intéresse à l’électro et je suis tombé sur cet artiste. J’ai trouvé dans sa musique une vrai sensibilité, c’est hyper riche, fouillé avec de belles mélodies. Petite parenthèse, depuis quelques jours je m’intéresse à la discographie de Madonna, c’est complètement dingue !
TC : J’ai adoré le dernier Wolvennest, génial !
• Meilleure destination de voyage ?
TC : Pour moi le choix est très simple, c’est la France. Il y a tellement de choses à voir : les Pyrenées, les Alpes, la Bretagne… tout l’hexagone !
JJS : Honnêtement celle qui m’a le plus marqué c’est l’Islande. On a plus l’impression d’être sur Terre, c’est incroyable. Mais quand même un petit n°2 : le Sénégal où j’ai une partie de mes origines. Découvrir ce pays-là, c’était fantastique, vraiment très beau.
• Avez vous un rituel avant de monter sur scène ?
TC : C’est un moment où il y a une tension, pas négative, mais on est tous focus chacun de notre coté. C’est quelque chose que l’on partage tous les 5 comme des jeux de regard ou autre… On est tous déterminés pour tout casser !
JJS : Je fais les 100 pas comme un lion en cage, des allers-retours pendant 15/20 minutes et toujours un ou deux shot(s) de rhum !
PL : Comment avez-vous ressenti les retrouvailles avec le public ?
TC : C’était vraiment super fort. On a eu un super accueil sur toutes les dates qu’on a fait, c’était parfait partout. On avait hâte de retrouver cette vibe qu’on transmet aux gens et qui nous la renvoie.
JJS : De manière générale, je suis très surpris de l’accueil du public, que les gens se déplacent à nos concerts. On a toujours joué devant des salles blindées avec un public vraiment à fond, même à l’étranger. Ça m’a fait dire qu’au-delà de tout ce qu’il se passe avec la pandémie, il se passe vraiment un truc pour Regarde les Hommes Tomber.
PL : Suite à cet album, y-a-t-il eu des évolutions au sein du groupe ?
JJS : La plus grosse évolution c’est l’aspect scénique. Nous avons travaillé avec un metteur en scène qui vient de l’Opéra, notamment sur celui de Faust. Avec lui, on a fait une refonte du spectacle, repensé les lumières, le positionnement sur scène… Il nous a aidé à créer un vrai spectacle professionnel, théâtral, voir dramatique.
TC : Il a beaucoup bossé avec notre ingénieur lumière pour amener une évolution au fil du set, pour quitter ce côté très metal avec du stroboscope qui tabasse. On est sur quelque chose de progressif au fil des morceaux.
PL : Comment se passent vos concerts à l’étranger ? S’exporter en dehors de la France était un but dès le début ?
JJS : Clairement, l’objectif du 3ème album était d’assoir notre présence en Europe. Malgré la pandémie, notre booker a fait un super boulot, reprogrammé les shows, il y en a de plus en plus à l’étranger. Quand on se déplace il y a du monde, un super accueil, la plupart des gens nous reconnaissent, ce qui est important, et d’autres sont contents de nous découvrir. On aimerait que Regarde les Hommes Tomber soit prochainement identifié comme groupe européen.
PL : Vous pensez déjà au nouvel album ?
JJS : On commence à y penser, mais c’est encore trop tôt 😉
TC : Pour le moment on est complètement focus sur le live, nous voulons faire de bons concerts. Au-delà de ça, on est un groupe qui compose relativement lentement. On ne veut pas être sur un rythme d’une sortie d’album tous les deux ans, on préfère avoir un rendu de qualité, que ce soit bien fait même si ça prend 5 ans.
JJS : Ce qu’on s’est dit pendant la pandémie, car Ascensison est sorti 4 jours avant le premier confinement, c’est qu’on en voyait pas le bout et qu’au final on a sorti un super album et que quoi qu’il arrive on allait le défendre. On avait la possibilité de commencer à composer d’autres morceaux, profiter du confinement et au final non. On allait défendre cet album, travailler le live et être patients car quand ça reviendra, on sera là et on sera prêts.
PL : Votre pire et meilleure anecdote sur une tournée ?
TC : Le plus “cocasse” : sur la fin de la tournée avec Der Weg Einer Freiheit au départ de Berlin en tour bus. On fait la fête avec les gars jusqu’a 2h du matin et je décide d’aller me coucher. Je m’allonge et 30 secondes après je sens mon corps dériver sur le côté et se plaquer brusquement contre la paroi suivi d’un gros bruit. J’arrive à me lever, je descends et en bas c’était le chaos : les bouteilles cassées par terre etc… Le chauffeur sort de sa cabine et nous dit “Bon, on a évité un cerf”, le cerf n’a rien mais l’avant du bus est fichu. C’était rigolo car on était tous très éméchés ! Le chanteur de Der Weg Einer Freiheit, qui était aussi le tour manager sur cette tournée, est redescendu d’un seul coup et a tout géré : la police, le constat… Retour à Nantes après 19h de van et une gueule de bois pas possible, super souvenir c’était génial !
JJS : Pour moi, c’est un vieux souvenir au tout début du groupe et ça va rejoindre ta question sur le médiator ! C’était à un concert où j’étais tout seul à la guitare car Antoine était malade. On se retrouve à quatre sur scène et à l’époque on jouait quasiment dans le noir avec juste deux ou trois néons par terre. Le concert commence et dès le premier accord je perds mon médiator, impossible de le retrouver vu qu’on était dans le noir et j’en avais pas d’autres…Du coup je fais trois morceaux aux doigts et fini par trouver une pièce dans ma poche, c’est comme ça que j’ai fini le concert. C’est un de mes pires souvenirs de concert et depuis ce moment-là, pour revenir sur ta question sur les médiators, quand je monte sur scène j’ai toujours dix médiators dans chaque poche tellement j’ai été traumatisé. Je me vois encore par terre à le chercher tout en jouant c’était HORRIBLE ! Ça devait être le 3ème ou 4ème concert du groupe.
PL : Qui est-ce-que vous aimeriez qu’on interview après vous ?
JJS : Je pense à un groupe de potes avec qui on a partagé la scène la semaine dernière que j’ai trouvé absolument génial, c’est Worst Doubt, un groupe de hardcore parisien. J’ai pris une grosse claque !
TC : Et moi je pensais à Anna Von Hausswolf, elle aurait plein de trucs à dire suite à sa venue en France qui a un peu mal tournée la pauvre…
Un grand merci aux membres de Regarde les Hommes Tomber pour leur bonne énergie et leur patience pour répondre à toutes nos questions !
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Interview : ViolentNuggets
Mise en page & photos : Newsålem