Nous avons interviewé Raoul Kerr à l’occasion du concert de Bloodywood au Bataclan le mercredi 19 mars 2025. Retour sur un échange sympathique et passionné avant un concert à guichet fermé.

Pozzo Live : Bonjour, comment allez-vous ? Tout le monde va bien ? Comment se passe la tournée ? Il ne vous reste plus que deux jours en France avant de terminer par le Royaume-Uni.

Raoul Kerr : Tout va très bien et la tournée a été assez irréelle jusqu’à présent, dans le sens où elle fait trois fois la longueur de notre précédente. Pour remettre tout ça en perspective, la plus grande salle dans laquelle on a joué la dernière fois faisait 1400 personnes, c’était la plus grande de très loin, et maintenant un concert normal pour nous se fait dans une salle de 1500 places, c’est comme ça tous les soirs.

Le fait que les gens viennent et nous soutiennent de cette façon est incroyable mais je pense qu’on le ressentira vraiment quand on rentrera, parce que pour l’instant on surfe sur la vague, on joue tous les soirs, et beaucoup de choses se sont passées. Des gens sont tombés malades, je me suis blessés… Tout ça, ça s’est passé en coulisses, mais quand on est sur scène, que c’est le moment de jouer, la foule est là pour nous. Aujourd’hui, à Paris, je vous le disais tout à l’heure, c’est la première fois de cette tournée que je sens de l’électricité dans l’air avant. Et ce soir va en être un de plus.

Pozzo Live :  Je vous avais déjà vu à Paris, au Gibus.

Raoul Kerr : Vous étiez là ? Trop bien ! Le Gibus est un souvenir très spécial, surtout parce que c’est à ce concert que tout le groupe a fini en crowdsurf. Je crois aussi qu’en 2019, à Paris, ça a été la première fois qu’on a vu une file d’attente. Les gens attendaient dehors pour pouvoir entrer. On a vu ça à Paris et les gens nous disaient “vous savez, on a fait de la route depuis l’autre bout du pays pour venir vous voir”. Nous, on ne pensait même pas que nos concerts allaient se remplir, on ne savait pas à quoi s’attendre, on se disait peut-être 20-30 personnes… Et il y avait des gens qui venaient des quatre coins de la France pour voir ce concert. On s’est dit “bordel c’est réel”… Et puis le crowdsurf à la fin, c’était la cerise sur le gâteau !

Pozzo Live : On a pu voir dans votre documentaire que le public Européen vous a accueillis à bras ouverts dès votre première tournée. Vous les avez remerciés avec 30 jours de tournée sur celle-ci. Le plan était de visiter tout le continent ?

Raoul Kerr : Non, bien sûr que non. En fait, on trouve toujours de nouveaux endroits. Il y a les endroits qui sont spéciaux à nos yeux, comme Paris et la France qui ont toujours eu une place spéciale pour nous. L’Allemagne, parce que c’est le premier endroit où on a joué en live. Le Royaume-Uni, aussi, tous les endroits où on retourne. On y retourne parce que les gens nous y ont montré tellement d’amour et de soutien pour nos carrières, donc on y retournera toujours. Et puis on est allés à Oslo en Norvège et en Suède pour la première fois. Donc, s’il y a un nouvel endroit où aller, on ira voir… Mais on reviendra toujours aux endroits que l’on aime.

Pozzo Live : Pour votre première tournée Européenne, vous aviez joué pour le Wacken Open Air en Allemagne, qui est le plus gros festival de métal Européen. Vous avez ensuite battu le record de présence pour le concert de 11h40 en mainstage du Hellfest, le plus gros festival de métal français.

Raoul Kerr : Attendez… Vous pouvez me le confirmer de façon officielle ? Vous avez les chiffres ? On nous l’avait dit.

Pozzo Live : Je n’ai pas les chiffres, mais étant moi-même un spectateur régulier, c’était incroyable. Je n’avais jamais vu une telle foule à cette heure.

Raoul Kerr : Merci de me dire ça. En réalité, on l’a entendu tout le long, les gens nous le disaient. Pour nous, c’était une position assez unique et délicate où on se disait “ok on est sur la main stage, mais on passe en premier, donc il va falloir jouer un set de fou pour que suffisamment de gens viennent”. Sauf que cette année tout le monde a rendu son set spécial, je crois qu’ils essayaient de battre des records à tous les festivals.

Tout le monde nous disait, pas de façon officielle, juste des gens qui venaient régulièrement et nous disaient “je n’ai jamais vu autant de gens venir pour le premier groupe”, donc rien que ça c’était incroyable. Mais je dirais quand même que le Hellfest s’est démarqué parce que…. En vérité, c’est à égalité avec le Summer Breeze 2022 pour le public quasiment parfait qu’on ait jamais eu. Avec une foule à fond du début à la fin pour chanter les paroles, et danser. Donc le côté vocal, physique, tout ce qu’on pourrait demander en tant qu’artiste, parce qu’il y a un niveau qu’on peut attendre avec de l’entraînement. Mais il y a un autre niveau qu’on ne peut atteindre que grâce au public et le Hellfest nous a amenés à ce niveau.

Pozzo Live : Parlons de votre nouvel album, qui sort vendredi. Vous avez toujours mis les racines de votre culture Indienne sur de puissantes musiques métal. Cela semble encore plus fort sur cet album, avec par exemple Halla Bol en introduction et Kismat et son chant. Est-ce quelque chose que vous aviez prévu depuis le début ou est-ce juste arrivé après avoir créé la chanson ?

Raoul Kerr : C’est un mélange des deux. Quand on a commencé, il s’agissait d’expérimenter et de trouver notre son. Ensuite, on a compris que les gens réagissaient très bien au mélange de musique indienne et de métal. Mais c’était aussi une idée où on se disait “hey, et si on essayait ça ?” parce que les chansons avaient un bon potentiel ensemble.

On y a pensé… Mais le fait que les gens réagissent aussi fortement nous a poussés à continuer sur cette voie. C’est comme ça qu’on a fait. C’est une partie de nous parce que c’est avec ça qu’on a grandi, c’est quelque chose qui nous a toujours entourés en Inde parce que c’est une grande partie de notre culture. Mais on a fait en sorte que le nu metal et le métal fassent partie de notre culture parce qu’on aime ces genres musicaux. Donc les mélanger est une parfaite représentation de qui on est en tant que personnes.

Pozzo Live : Après avoir clamé pendant longtemps que vous veniez de Nu Delhi, vous en avez fait un morceau puissant. Était-ce évident pour vous de faire cette chanson à propos de Nu Delhi ?

Raoul Kerr : La première fois qu’on a vu les mots Nu Delhi, c’était quelqu’un à Chicago qui avait partagé une story qui disait “Nu Delhi est dans la place ce soir” ! On a vu ça et on s’est dit… Nu Delhi, ça devrait être le nom du prochain album. On était tous immédiatement d’accord, mais on en parlait un peu pour la blague. Puis on a fini par sentir que ça devait réellement être ça. Si on était tous sur la même longueur d’onde c’est parce que nous sommes tous des garçons de Delhi. On est tous nés et on a grandi là-bas – Karan n’y est pas né, mais il y a grandi – et on a tous une connexion très profonde avec la ville. C’est notre foyer, ça a fait de nous qui nous sommes…

Et c’est aussi super métal ! Personne ne voit ce côté, dans le sens où c’est tellement extrême dans les deux sens. Très aimant, très violent. Toutes sortes de cultures dans un seul endroit. S’il y avait un endroit qui équilibrait ou capturait l’esprit de l’Inde toute entière, ce serait Delhi, parce que c’est la capitale et le cœur du pays. Tout le monde peut y trouver un morceau d’Inde mais aussi un morceau du monde. Donc on a décidé de parler de ce côté-là parce que ça nous semblait la chose naturelle à faire. Après avoir parlé de Rakshak, Nu Delhi vous montre qui nous sommes derrière tout ça, comme tout ce qu’on a déjà sorti, parce qu’on a toujours l’impression qu’il faut avoir un côté personnel dans la musique qu’on fait.

Il faut que ça vienne de quelque chose de personnel et d’authentique. S’il y a une façon d’être encore plus personnels pour nous, c’est Delhi. Le truc, c’est que nous sommes l’objectif. Tout ce dont on parle dans la chanson, dans l’album en tant que tel, ce sont des messages positifs, des choses à propos du monde en général, mais c’est écrit avec une perspective plus personnelle dans l’entièreté de l’album.

Pozzo Live : L’album est assez court, il ne contient que huit chansons, alors que les albums ont de nos jours tendance à faire le double. Est-ce que c’était ce que vous vouliez, avoir un impact avec uniquement quelques chansons ?

Raoul Kerr : Le truc, c’est qu’on passe beaucoup de temps, du moins, c’est ce que l’on a découvert, qui fonctionne pour nous, c’est le temps qu’on passe sur chaque chanson. On y passe du temps et on s’assure que chaque chanson soit à la hauteur de ce qu’on attend. Selon nos standards, celui-ci a été fait deux fois plus rapidement. Techniquement, on avait fait Rakshak en un an, mais on avait déjà sorti quatre chansons, et on en a fait cinq de plus, je crois, si je compte bien. Mais en fait, on a fait la moitié de l’album en un an.

Pour celui-ci, on l’a fait du début à la fin, tout neuf, en un an. Donc deux fois plus vite. Même si c’est plus lent que le rythme d’autres groupes, ça montre nos progrès en termes de temps qu’on prend pour créer des chansons. C’est notre processus : on essaie toujours de s’assurer que c’est à la hauteur de nos standards et que ça plaît. Je pense que la différence avec cet album c’est qu’on savait qu’il fallait qu’on évolue après Rakshak, il fallait qu’on aille plus loin, il ne pouvait pas être aussi bon. Donc avec ces attentes en plus en tête et les standards qu’on s’impose, huit chansons en un an c’est… Ouais, c’est assez rapide. Donc on est très fiers de comment il est sorti, surtout en connaissant la période de temps sur laquelle ça s’est fait. On favorise la qualité à la quantité, il n’y a pas de morceaux “filler” dans cet album.

Pozzo Live : De la même façon, comme pour cet album, vos setlist de concerts sont assez courtes. Le public pense souvent que ce n’est pas assez long, mais j’imagine que vous faites exprès afin de pouvoir rester en forme ?

Raoul Kerr : Oui, pour rester en forme et préserver la santé de tout le monde. Je pense que ceux qui se plaignent se plaignent depuis le balcon, leurs dos leur dit que ce n’était pas suffisant. Parce qu’après s’être tenu debout et avoir sauté et dansé, c’est vraiment l’heure de musique parfaite. Et puis, en plus, ce nouveau set contient les cinq meilleures chansons du dernier album et les cinq meilleures chansons du nouvel album, et c’est littéralement deux fois plus hardcore qu’avant. Donc si vous nous avez vus avant, ce sera une nouvelle expérience, encore plus que la dernière fois. Si vous nous voyez pour la première fois, vous allez être épatés !

Pozzo Live : Est-ce que vous avez des passions ou des hobbies en dehors de la musique ? Si on en croit Aaj ou Tadka je dirais les jeux vidéos et la cuisine… Ou manger ?

Raoul Kerr : En vérité, les jeux vidéos font définitivement partie de la liste. Le football, aussi, c’est mon truc perso. Je n’ai même pas envie de dire “soccer”, mais j’ai l’impression qu’il faut le dire pour clarifier les choses. Le football et les jeux vidéos !

Pozzo Live : Y a-t-il un endroit dans le monde où vous n’avez pas encore joué, qui n’est pas prévu, et que vous adoreriez faire ?

Raoul Kerr : Le Brésil, ce serait fou. Le plus vite possible, ce serait bien !

Pozzo Live : En général, les groupes nous disent que l’Amérique du Sud est l’endroit le plus incroyable.

Raoul Kerr : Tout le monde le dit ! Pour nous… J’ai l’impression que ce sera un peu comme une seconde maison, parce que je pense que la culture d’Amérique latine est… Enfin, il y a de bons parallèles entre ça et la culture Indienne en terme de style de vie, donc ce sera cool. Je me suis toujours senti connecté au Brésil, même sans y être jamais allé. Donc j’attends ça avec impatience. Le Brésil, l’entièreté de l’Amérique latine, mais le Brésil en particulier.

Pozzo Live : Dernière question, la même pour tout le monde : qui conseillez-vous à Pozzo Live d’interviewer la prochaine fois ?

Raoul Kerr : Oh, c’est difficile… Calva Louise ! En réalité, on n’avait pas de première partie prévue hormis Demonic Resurrection… Vous devriez faire les deux en réalité. Demonic serait super intéressant parce que leur fondateur, qui s’appelle Sahil, a été le premier metalhead d’Inde. Il faisait du métal avant qu’internet soit aussi répandu et que tout le monde puisse l’entendre. La viralité n’existait pas à l’époque, c’était il y a 25 ans. Donc il faisait du métal juste pour l’amour de faire du métal. Il a une sacré histoire à raconter et maintenant il est en tournée, à jouer ses propres chansons.

Il y a une vraie histoire là. Mais Calva Louise aussi, parce qu’on n’avait pas… On savait que Demonic venait avec nous et on avait besoin d’une personne de plus, mais c’était la première fois qu’on entendait parler de Calva Louise… Du moins pour moi, et ce sont des gens vraiment cool, mais leur musique est aussi… Même sans y penser. Tout à l’heure j’étais dans la salle de bain en train de me préparer pour le concert et j’ai entendu la ligne de basse à travers les murs et une partie du chant. Je sais aussi que Jayant a des standards très élevés pour le chant et il était là à s’éclater sur scène, j’entendais qu’une version filtrée moi. Bon, depuis j’ai entendu le vrai set – pas en entier malheureusement, mais tout ce que j’ai pu – et ils sont vraiment bons. Donc vous devriez vraiment leur parler, à nos deux premières parties.

Merci à Raoul Kerr pour son temps et merci à Concord Records

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