Nous avons eu l’occasion de discuter avec Annahstasia, artiste pluridisciplinaire dont la musique cherche à se libérer de la rigidité des genres. Nous avons parlé de son dernier projet, Revival, mais aussi de liberté, d’amour et d’exploration musicale. Pour lire l’interview, c’est juste en bas !
Pour les personnes qui ne te connaissent pas encore, peux-tu te présenter ainsi que ta musique ?
Je suis Annahstasia Enuke et je suis une musicienne de Los Angeles et je fais de la musique folk puissante. Je suis compositrice et interprète. La musique que je fais transcende la plupart du temps les genres.
Je voulais revenir sur ton dernier projet, Revival. J’ai lu que tu as ressuscité des chansons que tu avais écrites pendant l’université. Est-ce que ce processus de résurrection et de guérison t’a poussé à reconnecter avec ton enfant et ton adolescent intérieurs ?
Oui, totalement. J’ai passé beaucoup de temps à guérir ma partie adolescente, car elle a subi beaucoup d’harcèlement et d’ostracisation. Surtout dans le monde de la musique, je ne me sentais pas comprise par les gens qui soutenaient ma carrière. Revival m’a permis de retourner à la musique dont je suis tombée amoureuse et aux choses qui m’ont inspirée au début. Ça m’a aidé à guérir, non seulement en faisant ses chansons, mais aussi en étant soutenue par des amis qui aiment créer avec moi. Ça m’a permis de m’affirmer.
Quand tu as relu ces chansons que tu avais déjà écrites, quelles parties de toi-même y as-tu retrouvées ?
J’ai redécouvert ma partie poète et humanitaire. Des chansons comme « Power » ou « Evergreen », qui étaient les plus anciennes de l’album, m’ont rappelé que je n’avais peut-être pas la sagesse de comprendre ce que j’écrivais sur le coup, mais, des années plus tard, je comprenais enfin ce que je me disais. Mon écriture me transcende la plupart du temps et j’ai appris à me faire confiance sur le fait que mes paroles m’étaient destinées.
Quand j’ai écouté le projet, non seulement j’ai eu l’impression d’un retour à la vie mais aussi d’une liberté retrouvée. Peut-être parce que tes chansons ne sont pas lourdes en instrumentales et ta voix y règne. Est-ce que la liberté est un sentiment que tu as retrouvé et que tu cherches activement ?
Oui, c’est quelque chose que je cherche constamment. J’essaie toujours de comprendre ce que signifie la liberté et comment elle se ressent. Et un de mes objectifs en faisant Revival était de me sentir libre. C’est marrant, parce que le projet sur lequel je travaille actuellement, qui s’appelait originalement Tether, s’appelle maintenant I Just Want To Feel Free.
Justement, ma prochaine question en lien avec le thème de la liberté. Dans la chanson « Power », tu dis que des personnes ont pris ton pouvoir de façon mystérieuse. De qui tu parles exactement ? J’imagine que ça peut aussi être des structures, des institutions, et pas seulement des personnes.
J’imagine que ce sont principalement des institutions, ou des suppositions qu’on a faites sur moi à cause de mon corps. J’existe dans un corps politique et des stéréotypes m’ont suivi avant que je puisse même me présenter. Pendant mon enfance et ma vie de jeune adulte, j’étais souvent accusée de choses que les autres faisaient, seulement parce que j’étais noire. Ou quand je disais ce que je pensais, on me traitait de connasse, alors que je donnais mon avis sur mon propre travail. La raison pour laquelle les gens prennent ton pouvoir est parce que tu en as énormément. J’ai compris que je suis née avec ce pouvoir, ce pouvoir de création, de guérison et d’amour. Soit tu flanches et tu fais tout ce que les gens attendent de toi, ou tu portes ce pouvoir et acceptes que tu devras être seule pendant un certain temps.
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En parlant de retrouver ton pouvoir, je voulais te parler de la chanson « Evergreen ». J’ai lu que le thème était l’amour qui se transformait en obsession. Mais quand je l’ai écoutée, j’ai eu l’impression que tu te libérais des chaînes. Sans doute à cause de l’instrumentale qui se déchaîne à la fin, avec ta voix qui devient plus puissante. Comment as-tu composé cette musique ?
« Evergreen » a toujours été une chanson en deux parties. Je voulais qu’elle représente la paix mais aussi la souffrance, je voulais explorer ces deux aspects. Dans une relation, tu penses au début que tout est beau et que ce sera toujours le cas. Mais quand ça se termine, et c’est la deuxième partie du morceau, on repense à la relation avec nostalgie, ce qui peut devenir une véritable torture lorsqu’on se perd dans ce sentiment-là. Dans la première partie, ma voix est très douce et retenue, parce que, la relation dans laquelle j’étais à ce moment me donnait l’impression que je devais fournir du réconfort et m’assurer que l’autre allait bien. Et lors de la deuxième partie, je m’enfuis loin de tout ça. Dans la composition, mais aussi personnellement, j’explore. Je pars à la découverte, je deviens libre. Avec Itai Shapira, Matthew Jamal et Mutalo Jones, on a brainstormé sur la progression du son et comment arriver à cette deuxième partie. On s’est aussi inspiré de certains morceaux de Bill Withers. Je voulais aussi montrer mon éventail musical et rappeler aux gens que j’ai aussi un bagage rock.
Ta musique cherche plus à exprimer des émotions qu’à représenter un genre. D’ailleurs, j’ai lu qu’à 14 ans, tu avais accompagné ton oncle en tournée et il t’avait donné un iPod avec du rock, du disco et d’autres styles. J’imagine que c’est la première grosse expérience qui t’a aidé à construire ton rapport à la musique. Est-ce qu’il y a eu un autre moment important qui a modelé l’artiste que tu es aujourd’hui ou que tu voudrais être ?
La pandémie. Parce que pour la première fois, je me suis retrouvée vraiment seule avec ma guitare. Il y avait tellement d’incertitudes, je ne savais pas si je pourrai être sur scène à nouveau. En plus, être une femme dans l’industrie de la musique, c’est comme se jeter dans la gueule du loup. Tu dois constamment surveiller tes arrières. J’étais épuisée et je ne savais pas comment continuer. Et puis il y a eu le Covid et je me suis dit que c’était la fin, que j’allais tout arrêter. J’ai commencé à lâcher prise sur mes ambitions et sur l’idée que je me faisais de ma carrière. Ça m’a permis de m’exprimer avec authenticité et me concentrer sur l’amour que j’avais pour la musique. Je ne serai pas l’artiste que je suis aujourd’hui sans tout ça.
J’ai lu que ton prochain album aurait des influences beaucoup plus rock. Tu peux nous en dire plus ?
C’était le cas quand j’avais fait l’interview. On avait beaucoup de demos qui étaient bien plus rock, on a beaucoup expérimenté sur les instrumentales. Mais je trouvais que le message des chansons se perdaient et on a repris du début, avec une approche plus délicate. Si ça se transforme en chanson rock, c’est parce qu’on a naturellement évolué vers ce point et parce que cela fait sens dans la narration de la chanson. En plus, je rencontre beaucoup de musiciens lorsque je voyage ou quand je suis en tournée et je sais qui appeler pour exprimer telle ou telle idée. Je sais aussi qui peut collaborer avec qui. Je pense que les bons albums se créent lorsqu’il y a une bonne énergie et de l’amour : je préfère avoir quelqu’un de passionné et qui aime expérimenter que quelqu’un qui est très technique.
C’est l’heure de conclure l’interview avec notre question signature : tu nous recommanderais d’interviewer quel artiste ?
Lau Noah et Elliot Skinner.
Merci pour cette interview Annahstasia ! On a hâte d’écouter ton nouveau projet et de te voir en live en France.
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