Nous avons rencontré Ben et Nico du groupe Kyo pour la sortie de la réédition de leur album « Le Chemin ». Bilan des 20 ans, entre anecdotes et nostalgie.
Pozzo Live : Est-ce que cela fait longtemps que vous avez eu l’idée de cette réédition de l’album « Le Chemin » ?
Nico : Ça fait un moment en tout cas que l’idée germe tout doucement dans nos têtes. Depuis un an peut-être. Depuis qu’on se dit qu’en effet les 20 ans arrivent, et qu’il faudrait faire quelque chose. Parce-que c’est l’album qui a vraiment été la clé de voûte pour nous et aussi pour les fans. Des deux côtés, du public et de nous.
Donc c’était important pour nous de faire quelque chose. On ne savait pas au début si cela serait sous la forme d’une réédition, de retravailler des titres, parce-qu’on avait peur du côté remix. Il fallait vraiment être fin pour toucher à des chansons comme ça sans les dénaturer.
Ben : Et c’est vrai que si tu changes trop le morceau, tu as peur que les fans pètent des calmes en disant « c’est quoi ça ? ». Et en fait les retours sont vachement bons. Nos fans sont beaucoup plus ouverts d’esprit que nous l’avions imaginé.
Nico : Beaucoup plus flexible que nous.
Ben : Voilà, beaucoup plus souple que nous.
Pozzo Live : Vous avez sorti des démos de l’époque. Qui a fait le travail de spéléologie ?
Nico : C’est notre éditeur. C’est Jean-Christophe Bourgeois. Avec qui d’ailleurs on avait beaucoup travaillé sur l’album du Chemin, sur la sélection même des morceaux à l’époque. Il nous faisait beaucoup travailler sur tous les morceaux parce-qu’on en a écrit beaucoup.
Ben : Sur Le Chemin il y en a eu 80.
Nico : Il nous a aidés à l’époque à faire un show. Parce que c’était dur à mettre en place.
Ben : Et il nous a fait bosser les voix jusqu’à des heures pas possibles. A l’époque il y avait des studios qui appartenaient à Sony Publishing. Donc il suffisait de les louer, comme un terrain de tennis. On n’avait donc pas d’heure limite. Et il nous faisait chanter toute la nuit. Après on allait manger un Italien bon marché. Et ensuite on rebossait. Et c’est vrai qu’il a beaucoup participé à l’élaboration de ce disque.
Nico : Et lui il a tout gardé.
Ben : Il a gardé la moindre note qu’on a fait dans notre carrière. C’est lui qui a fait ce travail.
Pozzo Live : Qu’est-ce qui fait votre singularité par rapport à d’autres groupes qui ont également fait leur réédition récemment ?
Ben : Je pense que la singularité, de notre musique mais particulièrement de cet album, c’est justement ce mélange de chansons françaises et d’influences de ces groupes américains qu’on écoutait énormément. Donc ce mélange assez atypique a fait la singularité de cet album.
Nico : C’est marrant parce-que là dernièrement on a fait des répètes pour jouer cet album en concert. Et j’ai plus de recul aujourd’hui sur les influences qui nourrissent cet album qu’à l’époque. Là je voyais en réécoutant des parties, que ça sonne un peu comme telle chose qu’on écoutait avant. C’est marrant comme avec le temps tu comprends mieux quel a été le système de digestion des influences. Plutôt qu’au moment même ou tu ne sais pas trop.
Pozzo Live : Avez-vous retravaillé des musiques pour qu’elles correspondent aux invités ?
Ben : Bonne question mais je crois que c’est plutôt l’inverse. Je crois que toutes les musiques ont été faites et après on s’est dit, celle-là irait bien avec tel artiste et celle-là irait bien avec tel artiste.
Nico : Avec éventuellement des tout petits ajustements où on compose les voix et on se dit « ça serait bien de libérer de l’espace pour sa voix ». Je pense à Je Cours, à Théo [Marclay, Nuit Incolore]. Mais ça restait plutôt dans l’autre sens.
Ben : Oui la musique était plutôt faite avant.
Pozzo Live : Est-ce que vous écrivez vos chansons au quotidien ou uniquement en période de studio ?
Ben : En ce qui me concerne c’est H24 ce qui rend ma vie extrêmement compliquée. Parce-que la dernière fois, pour une chanson que j’ai pas encore fait écouter aux gars parce qu’elle n’est pas terminée, je me suis réveillé à 3 heures du mat, j’avais la mélodie de couplet, la mélodie de refrain et je crois le début de texte du refrain. En fait, je réalise que ça s’arrête et jamais. Tu gamberge tout le temps. Alors évidemment, comme tous les artistes je note, dès que j’ai une petite phrase. Dès que je me balade dans la rue et qu’une petite scène de vie qui va me faire penser à un truc. Je comprends pourquoi j’ai des grosses cernes quand je me regarde le matin. Parce-que si j’écris la nuit et que j’envisage mes voix le jour, il y a un moment où je ne dors pas vraiment.
Nico : Oui, je pense qu’on est peut-être un peu différent sur nos manières de travailler. C’est vrai que Ben, sur les textes, c’est normal que tu aies besoin tous les jours d’avancer. Moi je sais qu’en musique, j’ai besoin de faire des pauses parfois. Pour recharger l’inspiration, et puis l’énergie que tu as envie d’y mettre. Quand tu te mets à bosser trop longtemps, au bout d’un moment, tu perds un peu en spontanéité. Il faut presque recréer artificiellement un manque. Et puis là, d’un coup, tu te remets sur l’ordi et tu as plein d’envie et c’est là que généralement tu obtiens des trucs sympas.
Ben : Mais t’es un peu nocturne, toi ?
Nico : Je l’étais beaucoup, je le suis beaucoup moins. Mais c’est bien aussi de bosser la nuit. C’est sympa.
Pozzo Live : Quels sont vos passions ou hobbies en dehors de la musique ?
Ben : Je reconnais ta tête [en parlant de Nico]. Je le connais il va y avoir une vanne !
Nico : Vas-y, tu vas répondre. Bon, ton vrai hobby.
Ben : Ah oui, parce que t’allais me donner un faux hobby.
Nico : Tu fais des petites constructions en allumettes [Rire général]
Ben : Non le gaming. Ça c’est un truc qui m’a jamais quitté. Cela faisait partie d’ailleurs des trucs qu’on avait en commun quand le groupe s’est formé. On s’est fait un trip récemment qui m’a permis de retourner à Tokyo. Pour toi Nico, c’était la première fois. Moi j’y avais été il y a 15 ans, donc c’était il y a très longtemps. Et tout cet univers japonais comptait vachement pour nous. J’avais pas envie de repartir parce-qu’on est resté très peu de temps, on est resté 3 jours. Il y a toujours ce côté animé, japonais, les trucs de quand on était gamin.
Par rapport à ce dont on est en train de parler, il y a moins de soirées de gaming. Ce qui pouvait être le cas à l’époque avec Jocelyn et Flo [Le batteur et second guitariste]. Comme on n’est pas des joueurs PC, on a découvert le multijoueur, avec la xbox 360. Cela existait déjà sur PS2, mais c’était pas trop développé, et sur la 360 on a commencé à jouer à Gears of War et Call of Duty etc. Avec le petit casque, on jouait la nuit en parlant pas trop fort pour pas réveiller la famille. Donc ça on ne le fait plus. Mais par contre je joue toujours beaucoup.
Pozzo Live : On le sait moins mais vous avez écrit pour d’autres artistes ou des comédies musicales. Comment écrit-on pour quelqu’un d’autre ? On change d’état d’esprit ou on garde notre patte ?
Ben : Et bien complètement de rester dans notre patte. La plupart du temps, il n’y a pas eu de changement d’adaptation pour une raison très simple. Les gens venaient nous chercher pour le son qui marchait, et le son qui marchait à ce moment-là c’était Kyo. Ce qu’ils voulaient c’était du Kyo. On ne s’adaptait pas, on faisait les mélodies et c’est ce que les gens nous demandaient. Donc aucun effort d’adaptation, rien du tout [Rires]
Pozzo Live : Pour cette tournée des 20 ans est-ce qu’il y a des chansons qui ont été difficiles à rejouer ?
Ben : Il y a des chansons qu’on n’avait pas jouées depuis pas loin de 20 ans. Après c’est clairement encré en nous, donc tu sens bien qu’il y a des réflexes
qui sont encore là. Pour moi les paroles, c’était chaud. Et notamment les textes que je n’ai pas écrits. Parce-que par exemple il y a une chanson qui s’appelle Sur nos lèvres, que Flo avait écrite à l’époque, et toutes les phrases se ressemblent un peu sauf qu’il y a un mot qui change à chaque fois. On a fait une première date de ce nouveau show et on a discuté avec les fans après. Je crois que c’est la seule sur laquelle j’ai fait une erreur. Sinon je ne me suis pas gouré dans mes paroles. J’étais quand même fier parce qu’il y en a beaucoup à apprendre.
Nico : Sinon c’est revenu assez vite. Mais au contraire on ne les avait pas jouées depuis longtemps. C’est un plaisir de les jouer, ce qui fait que ça va plus vite aussi. Parce-qu’il a fallu réécouter deux, trois parties. On ne savait plus trop comment on avait fait ça à l’époque. Mais ça allait assez vite. C’est assez chouette, le rendu est bien.
Ben : On est contents, il y a plein de choses à ajuster mais c’est un beau show, on est contents.
Pozzo Live : Vous avez mis en place une grosse scénographie ou plutôt quelque chose de plus terre à terre ? Plus humain ?
Ben : Non, on est plutôt sur le gros show.
Nico : Je dirais que c’est du gros show en toute simplicité [Rires]
Ben : A chaque fois qu’on fait une tournée, je regarde le show, je regarde les gars jouer avec l’éclairage et tout. Là on était un peu short sur le timing donc je n’ai absolument pas vu le show sauf sur les images que les gens ont filmées ou que notre équipe a filmées. J’ai découvert l’ampleur du show à ce moment-là et je n’avais pas calculé que c’était quand même assez big. C’est notre plus grosse scénographie je crois.
Nico : Après le premier concert qu’on a fait le samedi dernier, comme à l’accoutumée, il y a des gens qui sont venus me parler d’abord du show lumières. C’est vraiment un show à part entière. Tu pourrais couper le son, les gens seraient déjà contents.
Ben : Un peu déçu probablement quand même.
Nico : Le gars qui s’occupe de nos lumières, il s’appelle Fred Piauly. Il travaille avec nous depuis super longtemps. C’est vraiment un génie de la mise en scène des lumières.
Ben : Il est archi-geek de sa passion.
Nico : On sent qu’il fait ça avec un plaisir non dissimulé. C’est vrai que c’est super réussi à chaque fois. Il complète hyper bien ce qui se passe sur scène. Il arrive à trouver la transcription lumière dans la salle.
Pozzo Live : Est-ce qu’il y a un endroit dans le monde où vous adoreriez jouer ?
Ben : Les trucs qui me viennent en tête, c’est justement qu’on n’a jamais joué au Canada, au Québec. Visiblement, il y a des francophones qui aimeraient bien nous voir jouer. Et puis Tokyo aussi.
Nico : On en profiterait pour passer une semaine là-bas.
Ben : Bien sûr !
Nico : Tokyo, ce serait vraiment super d’arriver à monter un concert là-bas.
Ben : Après, tu as des artistes français qui cartonnent à l’étranger comme Zaz dans tous les pays de l’Est. Des artistes qui cartonnent en Amérique du Sud. Voyager avec sa musique, c’est un truc qui est trop cool. On pourrait découvrir une culture et en même temps faire découvrir sa musique.
Nico : Ce qui est sûr, c’est qu’il y a des coins …
Ben : Où je n’ai pas envie d’aller !! [Rires]
Nico : Non il y a des coins où les gens ont moins le droit à des concerts parce-que l’organisation fait que c’est moins faisable. Tu sens quand tu y vas qu’ils sont à fond parce-que ça n’arrive pas tous les jours. Ils ne sont pas blasés de la musique, de voir plein de concerts. Tu sens qu’il y a vraiment un truc. C’est toujours super d’aller dans ces endroits.
Pozzo Live : Est-ce qu’il y a un groupe ou artiste que vous conseilleriez à Pozzo Live d’interviewer ensuite ?
Nico : Je te conseillerais d’interviewer Vincent Léoty.
Ben : Moi, j’aurais envie de dire Pomme. Est-ce que vous avez déjà fait Pomme ?
Pozzo Live : Pas encore, effectivement, ce n’est pas arrivé.
Ben : Je suis assez sensible à sa musique et son univers.
Merci infiniment a Ben et Nico d’avoir pris le temps de répondre à nos question et un très grand merci à Sony RCA.
Interview réalisée à Paris le 20 novembre 2023.