Demande à la Poussière sort ce vendredi 03 mai leur nouvel album Kintsugi. Cela a été l’occasion de rencontrer Simon, Neil et Vincent pour discuter de cette sortie.
Pozzo Live : Déjà votre troisième album, un tous les trois ans. Quand a commencé l’écriture de celui-ci ? Êtes vous parti de zéro après la tournée du précédent ou bien aviez-vous déjà du matériel en stock ?
Neil : Non on est reparti de zéro. D’autant plus que le line-up a changé. Simon est venu au chant, donc nouvelle donne. Du passé, faisons table rase. Donc, non, pas d’utilisation de reste, de chute d’album précédent. On est vraiment parti sur une écriture totalement nouvelle. C’est d’ailleurs ce qu’on cherche. Sur l’album, il y a plusieurs morceaux qui font référence directement à cela.
Pozzo Live : L’album s’appelle Kintsugi [du nom de l’art japonais]. Plusieurs morceaux y font référence rien que dans leurs titres (Fragmenté, Brisé, Partie). Est-ce que le concept de l’album et son titre étaient déjà prévu au départ ?
Simon : Ça s’est fait dans un second temps, parce que l’idée de base, c’était plutôt la Parabole des aveugles. C’est une peinture qui représente des aveugles qui se suivent tous pour tomber dans l’abîme. Ça collait un petit peu au contexte de l’année dernière. Et finalement, on est plutôt parti sur une logique de reconstruction après des événements plus ou moins traumatiques. On s’est tourné vers de la reconstruction pour essayer de revoir un petit peu la lumière au bout du tunnel. Déjà ne serait-ce que nous-mêmes.
Neil : C’est exactement ça. Nous étions partis pour tout à fait autre chose, mais la vie a fait qu’on a traversé différentes épreuves. On s’est mis à écrire au fur et à mesure, au fil de notre traversée, de ces moments un peu compliqués. Et la métaphore du Kintsugi nous a rassemblé, nous êtres brisés. Et de faire de nos blessures une reconstruction vers quelque chose de plus beau, plus fort, plus résilient. En tout cas, un moyen de passer cette épreuve. Et non pas se cacher, mais de montrer ces blessures.
Pozzo Live : Comment se passe les sessions d’écriture ? Est-ce que vous vous réunissez tous ou bien il y a une tête pensante majoritaire ?
Neil : Non, là ça a été encore différent. Simon a écrit des textes, et j’ai écrit des textes également. Pour des raisons justement de vie complexes, on ne pouvait pas être tous ensemble au même endroit.
Simon : Pas toujours en tout cas.
Neil : Voilà, donc eux se sont beaucoup rassemblés pour faire de la musique. Moi j’étais dans mes problèmes, j’écrivais de mon côté et Simon aussi. En fait, on a écrit les textes sans penser à la musique, parce-que simplement on n’avait pas le matériel et qu’on avait besoin d’écrire.
Là pour le coup, il y a eu une écriture autonome sur les textes qui se tenaient par eux-mêmes. Certains se voulaient être un peu de la poésie ou du « spoken word » ou ce que tu veux. Mais en tout cas c’était des textes qui sonnaient par eux-mêmes et qui n’étaient pas destinés à de la musique.
Tout cela a été donné à l’ensemble du groupe pour tout rassembler. Le travail a été ensuite de faire le tri, de voir les thèmes qui se dessinaient. Ce qui a été fait de façon collégiale. Et ensuite c’était le travail d’appairage de telle musique à tel texte, pour savoir quelle musique en fait porte mieux. Puis sont venus l’adaptation, l’arrangement, pour porter le propos. Tout cela a également été fait de façon collégiale.
Pozzo Live : Qu’est-ce que vous écoutez au quotidien et qu’est-ce qui vous inspire vos musiques ?
Simon : C’est large comme question, mais on est beaucoup dans l’éclectisme. Enfin pas celui qui est fatiguant, mais l’éclectisme vraiment. En fait, on écoute énormément de choses très variées. On peut écouter de la variété, on peut écouter du metalcore. Et du coup, ça joue pas vraiment dans nos inspirations, en tout cas dans Demande à la Poussière. C’est une écriture qui est plutôt collégiale.
Neil : Après, on est forcément influencé par ce qu’on écoute, ce qu’on lit, ce qu’on écrit et ce qu’on traverse. Pour répondre un peu plus précisément à ta question, moi ces derniers temps, j’ai beaucoup écouté de black metal atmosphérique. Des trucs obscurs, mais qui me parlent à fond. Comme des morceaux de 20 minutes, avec des bruits de forêt, des choses comme ça. Des groupes obscurs que personne ne connaît.
Simon : C’est toi Vincent, qui avez parlé de LNNN ?
Neil : Ah oui LNNN, un groupe de Copenhague. On a été les voir au Glazart, c’était très bien. Pour le coup on n’est pas dans Black Metal. C’est quelque chose qui est tout aussi apocalyptique, beaucoup cette recherche de son, très froid. Moi, les trucs qui m’inspirent beaucoup en ce moment, ce sont des groupes qui sont indé, où il y a une signature sonore qui est particulière. Je ne suis pas un mec très sensible à des concepts de fous, ou de la technicité. En revanche, un groupe qui a une signature sonore, qui va tirer ce fil là, et dans lequel il y a une cohérence, un beau truc, ou une violence qui me parle, pour moi ça match direct.
Pozzo Live : Votre album possèdera 11 morceaux, alors qu’aujourd’hui beaucoup de groupes ont tendances à tirer vers la vingtaine de titres. C’était une volonté de faire efficace ? Cela s’est-il suffit au moment où vous aviez fini ces morceaux ?
Neil : Non, parce-que cela s’est fait en entonnoir. On avait plus de matière et on a fait un choix.
Simon : On a dû trier un peu.
Neil : On a trié, on s’est demandé si on aurait pu mettre seulement 10 morceaux d’ailleurs. Mais effectivement si on avait tout mis pour aller au bout de chaque morceau qu’on aurait fait, on pourrait peut-être pu arriver à 15, 16, 17 morceaux. Mais on est voulu rester sur une matière cohérente.
Simon : La tendance c’était une vingtaine de titres ? Après c’est sûrement pas des titres de la même longueur que nous aussi [Rires]. Parce-que le morceau le plus court fait un peu moins de 3 minutes. En revanche on en a qui sont très longs. Inapte, le plus long, je crois qu’on est sur …
Neil : 43 minutes et 55 secondes [Rire général]. Plus sérieusement je pense qu’une heure de Demande à la Poussière c’est suffisant pour un album. Au-delà je pense que ce n’est plus écoutable.
Après, c’est peut-être parce que je suis vieux, mais j’aime beaucoup l’album, le format album. J’aime bien c’est simple, beau, cohérent, un peu comme un bon livre.
Pozzo Live : J’aimerais m’arrêter sur la pochette, dont on parle de moins en moins en musique. D’où vous vient ce visuel démoniaque, avec un clin d’œil au Kintsugi justement ?
Simon : Alors c’est signé VADERETO. Ils nous ont fait plusieurs propositions parce-qu’on voulait partir sur une représentation animale déjà initialement. Après plusieurs propositions, une copine à moi du nom de Clarisse Guillemin me suggère une chimère. De ce fait on a proposé ça à VADERETRO, ils nous ont tendu le visuel qui est maintenant sur la pochette. C’était ça qu’il nous fallait.
Neil : Ça matchait totalement avec le thème d’une espèce d’animal plus que démoniaque, plus une chimère. Un truc improbable avec des morceaux d’animaux avec trop de pattes, pas assez d’œil. Un truc un peu difforme, mais qui est un petit peu une métaphore de ce que tu deviens en te reconstruisant à chaque fois. En devenant notre propre mouton à 5 pattes à force de se prendre des claques et de se reconstruire.
Pozzo Live : Une question maintenant plutôt tourné chant. Quels seraient vos conseils pour prendre soin de sa voix et tenir la musique.
Simon : Alors déjà, pour tenir dans la durée, très important de bien maîtriser sa respiration. Parce-que c’est facile à dire comme ça, mais finalement c’est assez difficile de respirer correctement entre deux lignes de chant. C’est-à-dire bien gérer la quantité d’air qu’on peut absorber puis relâcher. C’est tout un exercice en fait. Notamment quand on est sur scène, qu’on est entre deux phrases, qu’on ne sait pas trop si on doit respirer entre deux mouvements de médiator. Il faut se détacher du jeu de scène, et également si on pratique un instrument en même temps. La concentration sur la respiration c’est le plus important. Et dans ce cas-là, on peut commencer à tenir sur la durée au fur et à mesure. Sans pour autant avoir des poumons d’une contenance incommensurable.
Et pour ce qui est de garder sa voix. De base, je n’utilisais jamais de scream avec des notes. Ce n’était quasiment que du scream black metal, un petit peu modulé de temps en temps pour faire illusion qu’il y avait une note. C’est ce que je pratiquais avant de rentrer dans Demande à la Poussière. Et ce scream-là n’utilise quasiment pas les cordes vocales. Donc ça me permettait de pouvoir faire 10 000 concerts d’affilée et de parler comme je vous parle maintenant. Sauf qu’entre temps, j’ai appris à mettre des notes dans mon scream. A partir de là j’ai commencé, pour la première fois, à vraiment me casser la voix après les concerts. Et pour ça, je n’ai pas encore trouvé d’astuces. Si ce n’est de ne pas trop monter dans les aigus et d’alterner avec le scream classique.
Pozzo Live : Est-ce que vous avez déjà eu l’occasion ou l’envie de jouer à l’étranger ?
Neil : Oui, on a déjà eu l’occasion.
Simon : Ils ont déjà joué à Dubaï et j’étais pas là. Mai j’aurai bien aimé.
Neil : Alors sinon dans les envies, Pyongyang [Rire général].
Simon : Moi, en Australie, je kifferais de ouf. Mais bon, après, il faut le public là-bas.
Pozzo Live : En dehors de la musique, quels sont vos hobbies, vos passions ?
Simon : En ce qui me concerne, les sports de voile, le bricolage, la rando, le cyclisme.
Neil : Mes enfants. Ça me prend du temps. L’écriture, mais j’aimerais bien écrire un peu plus. La BD aussi, j’adore ça.
Vincent : Moi, ces derniers temps, je suis assez porté sur le snowboard et la montagne. Et Edgar, c’est le vélo. Je réponds pour lui comme il n’est pas là.
Simon : Edgar, c’est un in-VTT-ré du VTT.
Pozzo Live : Quel groupe ou artiste vous conseilleriez à Pozzo Live d’interviewer ensuite ?
Neil : Oh, c’est une bonne question, ça !
Simon : Moi, je dirais Anthropovore.
Neil : Donc, t’es dans l’auto-promotion.
Simon : Pardon [Rires]
Vincent : Nature Morte. Des supers albums qui sont très cool.
Neil : Je dirais White Ward. Le groupe ukrainien avec lequel on aurait dû partir en tournée il y a deux ans, malheureusement. Pour le coup, t’es face à un groupe qui a un propos qui est très intéressant. Une façon de composer qui casse beaucoup de codes, et qui réussit à perdurer malgré ce qui se passe là-bas et qui part en tournée. Malheureusement leur saxophoniste, qu’on avait eu en invité sur le deuxième album, est mobilisé. Donc, ils sont partis sans lui.
S’ils passent par la France et que tu réussis à leur mettre le grappin dessus, tu verras que ce sont des mecs adorables. Des mecs intéressants avec une grosse culture musicale. Ensuite ce sont des mecs qui réussissent à tenir une carrière avec leur post-black moderne, je ne sais même pas comment on peut définir ce qu’ils font, dans un contexte de pays en guerre. Donc, je pense que ce sont des mecs qui auront des choses à dire.
Simon : En ce qui me concerne, un peu plus sérieusement, je recommanderais Hellgate comme groupe à interviewer. Ils sont dans un espèce de black metal qui est vraiment assez énervé. Leur batteur, c’est un monstre. Ils ont un super bon guitariste. Ils sont vraiment tous extra. Musicalement, ils sont incroyables. Ils sont du nord de la France il me semble [Ndlr : de Lorraine]. Si jamais un jour, tu les croises en concert. Humainement, ils sont super !
Interview réalisée à Paris le 18 avril 2024
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