Pozzo Live a rencontré Sébastien Lussagnet, directeur et créateur du festival ODP Talence, qui tient du 8 au 11 septembre sa septième édition. Ce festival généraliste tourné avant tout vers l’Oeuvre des Pupilles Orphelins et Fonds d’Entraide des Sapeurs-Pompiers de France (ODP) met l’accent sur la dimension humaine, la générosité et le partage, le tout au son de la musique pop-rock.
PL : Bonjour Sébastien, peux-tu nous raconter comment le festival ODP Talence s’est créé ?
SL : Le festival s’est créé autour d’un raid sportif que j’ai initié avec des collègues pompiers en 2005 pour le Téléthon. J’ai rencontré sur la première édition une maman d’enfant atteint de maladie génétique, qui m’a dit que ça serait bien d’intégrer des enfants malades avec nous. On a trouvé comment les mettre en sécurité sur nos canoës, et on s’est dit qu’il faudrait y associer des gens un peu connus pour qu’ils puissent passer un bon moment. C’est à ce moment qu’Eric Jean-Jean [NDLR: l’un des deux parrains du festival] a été mis sur notre route. Il nous a dit qu’il pouvait nous aider par le biais de la musique, ce qui nous a fait intégrer des concerts dans certaines villes-étape au bout de quelques années. Des noms comme Michel Fugain, San Severino, Les Fatals Picards nous ont rejoints. En 2012, l’idée nous est venue de faire quelque chose pour l’ODP, qui nous touche plus particulièrement. Une organisation plus importante et inter-Girondine nous a permis de créer le festival, qui a tenu sa première édition en 2015.
PL : Combien espérez-vous récolter pour l’association ?
SL : Nous n’avons pas d’attentes financières. Même si l’association a évidemment besoin d’argent et de moyens pour soutenir ces orphelins, ce n’est pas ce qui nous anime. Le festival ODP Talence est plutôt tourné vers les bons moments que nos pupilles vont passer avec le grand public qui se réunit avec nous. Si on arrive à boucler, on est contents, s’il y a du surplus, encore mieux. Et il y en a : depuis la création du festival nous avons reversé plus de 140 000€ à l’association.
PL : Les pupilles sont donc au coeur du festival ?
SL : Oui, et on ne l’a pas mesuré tout de suite. L’ambition au départ était de faire connaître le travail de l’Oeuvre auprès du grand public. On savait qu’on ne gagnerait pas de l’argent tout de suite, mais on n’avait pas en tête que les pupilles viendraient en nombre sur le festival. Aujourd’hui, c’est un peu devenu leur pèlerinage !
PL : Vous avez d’autres actions en cours d’année, en-dehors du festival ?
SL : Nous avons diverses actions au niveau local, comme l’initiation de tous les élèves de CM2 de Talence aux gestes qui sauvent.
PL : Etant passé par là, quel conseil donnerais-tu à un jeune qui rêve de gérer un festival ?
SL : [rire] Pour être honnête, je ne sais pas si je donnerais tant des conseils, que des recommandations d’éviter cette voie ! Aujourd’hui, la cause qui nous anime nous donne la force d’avancer, elle n’a pas de prix. Mais, surtout depuis quelques années, le monde des festivals est très difficile. L’économie de ces événements n’est pas simple, et je l’ai déjà vu avec des créateurs avec qui j’ai été en contact. J’appelle à la prudence, car c’est un monde où l’on peut vite laisser des plumes. Et par les temps qui courent, je pousserais plutôt à mettre le pied sur le frein. Mais la folie manque aussi dans ce monde, et des fois il faut savoir y aller !
PL : Justement, depuis la reprise post-Covid on parle de festivals en difficulté ou de no-shows à des concerts. Est-ce que ça vous fait peur ? Comment ça impacte votre rentabilité ?
SL : Bien sûr que ça nous fait peur ! On connait les résultats des festivals amis, et d’autres festivals ailleurs en France. Personne ne s’en est caché, donc on a des craintes. On est quand même ravis d’observer les chiffres de notre billetterie. Nous sommes quasiment complets pour la soirée de samedi, donc on est rassurés. Notre mode d’organisation minimise aussi les risques, et nous avons à un mois du festival déjà une bonne visibilité. Ça nous permet d’attaquer sereinement les phases de terrain depuis une semaine.
PL : Devez-vous faire face à des arnaques sur les billetteries (marché du billet d’occasion) ?
SL : Nous avons la chance de n’avoir jamais eu à faire face à ces problématiques. Nous sommes accompagnés par des professionnels pour gérer cette partie, et tout s’est plutôt toujours très bien passé.
PL : Comment vous différenciez-vous au milieu des autres festivals ?
SL : On ne cherche pas à se mettre dans une case particulière. Nous nous voulons un festival grand public, à tendance pop-rock, mais nous avons joué des IAM, NTM, Aya… plein d’artistes au sensibilités différentes. Notre premier critère est d’arriver à faire une programmation, ce qui n’est pas facile sur une place bordelaise riche en artistes. Nous ciblons 8000 à 9000 personnes, il faut donc des artistes en mesure d’attirer autant de monde. Nous visons donc une programmation qui fasse plaisir au plus grand monde.
PL : Vous avez quelques artistes internationaux à l’affiche. Vous cherchez à développer cet aspect ?
SL : Oui, nous avons envie d’attirer des artistes internationaux. Mais nous avons aussi une économie à respecter et une prise de risques à limiter. Nous jouons cette année en septembre, mais on reviendra probablement en juin l’an prochain, ce qui n’est pas idéal pour programmer des artistes internationaux.
PL: Pourquoi programmer des show-cases gratuits le dimanche avec RTL2 ?
SL : Notre volonté est d’ouvrir la culture au plus grand nombre, et nous avons conscience du budget que représente la venue à un festival. Notre partenariat avec RTL2 s’est construit après la rencontre avec Eric. Ils ont accepté de nous suivre dans notre démarche de proposer une journée gratuite et on les en remercie. Et ça nous permet aussi de proposer une quatrième soirée qui amortit un peu plus toute la structure mise en place.
PL : Vous avez été bien accueillis par les riverains ?
SL : Nous avons d’excellents rapports avec la municipalité, qui nous accompagne avec son équipe et nous met à disposition un site magnifique. Nous prenons d’ailleurs toutes nos précautions pour le préserver. Néanmoins, nous avons conscience qu’un festival en milieu urbain, même finissant à 0h15 au plus tard, génère des nuisances. Il y a bien quelques râleurs, mais dans l’ensemble tout se passe bien. Nous respectons tout ce qu’il y a à respecter, mais nous avons envie de vivre et de partager avec nos pupilles !
PL : Du coup, quelles seraient les 3 raisons pour lesquelles il faut absolument venir vous voir ?
SL : D’abord, parce qu’on va y trouver beaucoup de chaleur humaine, c’est vraiment quelque chose qui nous anime. Ensuite, parce que venir, c’est aider les orphelins des sapeurs-pompiers, et ça n’est pas rien : il y a une vraie utilité. On prend en charge plus de 1400 orphelins ! Et puis, c’est venir faire la fête de manière simple et sans devoir faire trop attention à son portefeuille. Certes, il y a un billet à payer, on connaît les coûts d’une production aujourd’hui. Mais on s’est attachés depuis 7 ans à ne pas augmenter les tarifs des consommations sur place, tout en misant sur des produits de qualité et locaux. Et les retours de nos festivaliers sont positifs là-dessus !
PL : Comment les parrains sont impliqués dans le festival ?
SL : Aujourd’hui, les parrains du festival sont Eric Jean-Jean et Gaëtan Roussel, et Thomas Hugues qui est le parrain de l’association. Ils nous aident à avoir de la visibilité, à mettre en lumière l’Oeuvre Des Pupilles sur site, notamment pendant les interludes où ils font un gros travail. Ils nous aident aussi à approcher des artistes, à finaliser des signatures de contrat. Et surtout, surtout, c’est du temps passé en off avec les pupilles, des choses qui ne sont pas du tout vues mais qui comptent pour nous. Quand un Gaëtan Roussel sort sa guitare autour d’un brasero pour 20 orphelins, je te garantis qu’il y a des sourires et de l’émotion !
PL : Qu’avez-vous réalisé avec l’argent collecté ?
SL : La mission de l’ODP, c’est de prendre en charge les pupilles depuis le moment du drame jusqu’à ce qu’ils deviennent des adultes autonomes et heureux. Donc notre action est très diverse : ça peut aller de remplir le frigo quand le papa ou la maman n’est plus là pour subvenir aux besoins de sa famille, à l’achat d’un ordinateur pour l’entrée au collège, financer des vacances, de l’accompagnement psychologique… Quand on a créé le festival, en tant que pompiers on connaissait l’association sans vraiment la connaître, et on a appris à mesurer tout le travail qu’ils font tous les jours.
PL : Quel artiste ou groupe nous recommandes-tu d’interviewer après toi ?
SL : Eric Jean-Jean, le parrain du festival.
Merci à Sébastien de nous avoir accordé de son temps et à l’agence Suzette pour la mise en relation. Vous pouvez suivre et soutenir l’ODP sur son site internet. Pour suivre le festival, c’est par ici. Et pour voir nos autres interviews, c’est par là !