Lors du Printemps de Bourges 2022, nous avons eu la chance de découvrir des nouveaux talents grâce au programme des Inouïs. Parmi ces belles découvertes, nous pensons notamment à Calamine, artiste québécoise qui scande ses ambitions militantes à travers un rap doux et mélodieux. Retour sur notre échange avec Calamine, cette figure du rap keb !`
qui est CALAMINE ?
Lisa : Quand j’ai fait des recherches sur toi, à chaque fois on te définissait comme une rappeuse québécoise, queer, féministe, anti-capitaliste. Pour commencer, je voulais savoir comment toi tu te présenterais ?
Calamine : Je pense que les médias ont récupéré ce que je me fais plaisir à scander comme étiquette. Aussi parce que ça fait que dans les médias, on m’aborde sur ces questions-là, puis je pense que c’est dans mon approche artistique de vouloir mettre ces enjeux-là sur la table. Donc moi je célèbre ces étiquettes-là sans problème. Je sais que des fois ça peut être comme utilisé un peu comme token. Les gens veulent placer de la diversité dans les festivals et tout. Mais moi je pense que c’est en tout point bénéfique pour la cause, c’est bénéfique pour la diversité. Puis d’arriver avec des discours comme ça, un peu en porte-à-faux avec le mainstream, ça fait du bien. Puis t’sais moi j’ai pas de problème à ce qu’on utilise ces étiquettes-là.
Le rap, meilleur vecteur artistique POUR LE militantisme DE CALAMINE ?
Lisa : D’accord. J’ai vu que tu avais fait un baccalauréat en art, tu as fait de la peinture aussi, après tu as fait du rock. Est-ce que tu as trouvé que le rap était le meilleur moyen d’expression pour ton ambition militante ?
Calamine : A ce moment-ci dans ma vie, oui. J’en suis là parce que j’ai l’impression que c’est comme une manière de conjuguer. Puis surtout là cette année, je commence à faire plus du visuel, je commence même à faire mes propres vidéos clips. Je peux traiter de mon quartier comme si j’étais en train de peindre un portrait, un paysage. J’ai l’impression que c’est assez connexe. Avant, j’arrivais au point où je me disais que j’étais pas capable de dire tout ce que je veux dans une peinture. J’ai l’impression que c’est trop silencieux. Puis aussi, les institutions de l’art sont pour moi plus austères que le spectacle. C’est plus démocratique la musique, même si les personnes ne viennent pas aux spectacles, elles ont accès à la musique sur les plateformes, elles ont accès à la radio. Il y a une manière d’amener le message qui est moins élitiste, comme les galeries d’art et je me reconnaissais pas beaucoup là-dedans. Puis je suis pas quelqu’un qui fréquente beaucoup les galeries tandis que dans un spectacle, on dirait que tu reçois en pleine gueule le message.
Lisa : Donc tu voulais surtout créer quelque chose de plus accessible que la peinture…
Calamine : Exact, c’est plus difficile. On dit « une image vaut mille mots » mais c’est pas les mêmes mots pour tout le monde. Des fois t’as besoin de mettre certains mots que tu veux qu’ils soient dits t’sais.
L’univers visuel de Calamine
Lisa : Et tu disais que tu faisais tes vidéo clips. Par exemple j’ai regardé Mona Lise et je le trouve vraiment super beau. A quel point tu as participé aux idées ou à la réalisation du clip ?
Calamine : Celui-là, la réal c’était Audrey Nantel-Gagnon. En fait c’est la copine de Kèthe Magané qui fait les beats. C’est sûr qu’elle a pigé un peu mon rapport, le rapport avec l’histoire de l’art et tout. On a un peu abordé ça ensemble. Mais c’est plus elle qui a fait la réal’. Je suis pas certaine que j’ai envie d’aposer le gros sigle Canada sur tout ce que j’fais avec leur forme et fond. Pour l’instant j’auto-finance mes clips à petit budget. Le dernier clip que j’ai fait c’est le single qu’on vient de sortir Lesbienne woke sur l’autotune.
Calamine : Ce clip-là, c’est tout qui a été fait chez moi. *rire* C’est vraiment aucun budget mais je suis vraiment contente parce qu’y a comme un tranchant, il y a une approche un peu de la question du genre, puis une espèce de nonchalance que j’ai de la misère à déléguer. J’ai de la misère à trouver une réalisatrice ou un réalisateur qui a la même réflexion, a la même place sur la question queer. Puis là je me suis dit : je veux essayer. Je veux faire mon truc. Puis je pense que ça donne qu’est-ce que je voulais que ça donne.
Lisa : Donc pour celui-là, c’est toi qui l’a réalisé ?
Calamine : C’est filmé dans ma chambre *rire*. J’ai acheté cinq perruques et un green screen, puis des costumes, mais c’est moi qui ait tout fait. Puis ma copine qui filmait là. Mais on a tout fait ça chez moi. *rire* Littéralement.
calamine, un rap qui apaise et qui démange ?
Lisa : Je me suis renseignée sur ton nom, Calamine. C’est une lotion que tu mettais pour calmer ton eczéma.
Calamine : *rire* Exact.
Lisa : C’est aussi une métaphore pour ton art.
Calamine : Complètement.
Lisa : Et à la fois t’as une revendication révolutionnaire. Je voulais savoir comment tu fais pour essayer de combiner ces deux aspects ? L’aspect révolutionnaire et le côté où on calme les démangeaisons, quelque chose de plus doux on va dire.
Calamine : J’ai l’impression que c’est l’espèce de balancier entre les trucs qui sont un peu des manifestes politiques et des chansons d’amour un peu plus r&b plutôt. J’ai l’impression qu’il y a un heureux mélange et j’pense que c’est comme ça que j’arrive à rester saine dans ma vie. Autant j’me sens révoltée puis frustrée de l’état des choses, de l’état du monde, puis de ce qui se passe avec la politique partout dans le monde. Mais j’ai l’impression que la dernière chose qui me garde, c’est d’être heureuse puis d’être amoureuse. Je pense que c’est important sur mes albums d’avoir des chansons d’amour vraiment convaincantes et senties, en même temps de dire « tout ça c’est de la merde » *rire*. Mais il y a encore des raisons de se battre. Je trouve ça important de tempérer, que ce soit pas juste fâché et que ça reste musical. L’humour aussi a une grosse partie à jouer là-dedans, j’ai l’impression que si c’était pas un peu drôle, ça serait assez difficile à digérer. Certains propos font mal, comme les politiciens, les agressions sexuelles, le sexisme dans le rap, comment on est en train de détruire la planète. C’est pas très drôle mais en y mettant un petit emballage d’humour, ça passe mieux et ça donne envie de se révolter activement, pas juste passivement.
Des paroles féministes enrobées de mélodie
Lisa : Oui, personnellement j’ai beaucoup de mal avec ce qu’on appelle le rap conscient.
Calamine : Oui, je trouve que ça fait un peu hostile et accablant. C’était vraiment un objectif pour moi que ce soit digeste. Depuis le début, on fait de la musique pour passer un message mais on veut quand même faire de la bonne musique. On veut pas juste, au détriment de l’instrumentale, passer un message comme de force. C’est quasiment sournois, mais j’ai envie que même les personnes qui sont pas d’accord avec qu’est-ce que j’dis aiment ma musique. C’est un peu ça qui m’étonne, la si bonne réception au Québec. Je pense pas que ce soit si mainstream ces discours-là. Mais c’est glissé d’une certaine manière, c’est assez bien amené. Je souris assez que ça passe comme dans le beurre. *rire* J’aime ça comme ça, je trouve ça bien. Puis même mes parents qui sont vraiment pas de gauche écoutent ma musique et sont capables d’approve. Ils viennent à mes concerts, ils sont vraiment contents même si je sais bien qu’ils sont vraiment pas d’accord. *rire*
Lisa : *rire* Ça veut dire que la forme est bonne alors. Justement tu as dit que t’étais assez surprise de te rendre compte que t’avais pas autant d’opposition que ça au final, qu’on t’avait plutôt bien accueillie dans le milieu du rap.
Calamine : Vraiment.
ET LE PUBLIC MASCULIN ?
Lisa : Est-ce que c’est la même chose aussi avec ton éventuel public masculin ?
Calamine : Vraiment, mais même considérant que le milieu rap au Québec est extrêmement masculin. Ça me sidère, ça me fascine qu’il y ait des rappeurs qui fassent de la musique super sexiste puis vraiment pas mon verbe, mais qui m’écrivent « Yo, c’est trop bon ce que tu fais, j’aimerais trop faire une collab’ ». Puis j’pensais que le milieu rap allait vraiment me repousser, mais je pense qu’il y a une espèce de confort masculin à penser que c’est pas vraiment d’eux que j’parle, premièrement. Parce que c’est dommage qu’ils se remettent pas nécessairement en question. J’ai l’impression que mon respect du craft fait qu’on me donne du crédit en tant que rappeuse, peu importe de quoi je parle. J’ai été rapidement reconnue par les rappeurs comme une bonne plume, j’pense que c’est ça qui m’a donné du crédit même si j’suis vraiment super féministe. J’pense que j’suis rentrée dans le game parce que c’était bien fait. J’suis quand même contente pour ça, j’ai réussi à me placer puis j’ai accédé rapidement à des grosses tribunes puis on dirait que personne ne s’en est rendu compte. J’avais un micro, j’avais plein de monde pour dire des choses super radicales mais parce que c’était bien fait, on me laissait faire.
« ON DOIT BRASSER CES IDÉES »
Lisa : T’as réussi à te glisser entre les mailles du filet. *rire* J’aime beaucoup tes paroles notamment parce que je m’y retrouve en tant que femme, mais est-ce que tu voudrais dire quelque chose à ton public masculin ?
Calamine : Mon dieu, que j’ai beaucoup de gratitude par rapport à leur ouverture. Je trouve ça bien que ça rebute pas nécessairement le public masculin, puis j’ai l’impression au contraire que ça amène le côté festif à ces revendications. Pour moi, il faut qu’il y ait des gars dans mon band, c’est important aussi de dire que les hommes aussi vont dans le sens du féminisme. Pour moi le féminisme va pas se faire sans les hommes, je trouve ça très important que les hommes viennent à mes concerts, que ce soit quelque chose qu’on fasse ensemble. Puis je trouve ça bien qu’ils se sentent pas juste attaqués. Je pense qu’on doit brasser ces idées-là, tout le monde ensemble pour aller dans le même sens.
La beauté des petites choses
Lisa : Dans tes chansons tu mentionnes aussi les petites choses du quotidien et qui peuvent paraître un petit peu banales. Est-ce que c’était une volonté pour toi de parler à plus de monde ?
Calamine : J’pense que ça a toujours été mon approche artistique. Dans ma peinture j’ai jamais inventé de choses, je peins qu’est-ce que j’vois. C’est la même chose dans mon écriture, j’écris mon quotidien. C’est un peu pour moi une manière de célébrer l’idée de la décroissance, l’idée de pas vouloir aspirer à toujours avoir plus, mais de juste célébrer ces petites choses là. Pour moi y a même plus de poésie dans les petites choses que dans les trucs trop glamours, pour moi c’est important de marteler un peu cette nouvelle esthétique-là dans le hip hop. J’ai l’impression aussi que ça devient presque un pastiche, les gens qui débutent dans le hip-hop ont tendance à utiliser l’esthétique un peu bling bling à tort et à travers.
« Tout le monde n’est pas dans ce lifestyle là »
Calamine : Moi-même je me pose la question de si je suis légitime d’être blanche et de faire du rap, j’suis toujours en train de me le demander. Puis de me dire qu’au moins j’étudie mes messages inclusifs et diversitaires, mais de voir des p’tits gosses sortis de nowhere, arriver avec des « ouais les bitch »… Tu te dis mais qu’est-ce que tu fais ? *rire* C’est trop emprunté. Ma plus grande crainte c’était d’emprunter des choses qui sont pas à moi, c’est pour ça c’est plus confortable pour moi de parler du quotidien et des enjeux qui m’importent.
L’anti brag-rap
Lisa : C’est peut-être ça aussi qui fait que ça marche bien, parce que t’essaies pas de te donner un genre. Tu fais ce qui a du sens pour toi.
Calamine : Je pense que c’est ça qui transparaît aussi et c’est peut-être pour ça que je suis bien reçue de la scène rap. Y avait un gars dans les bancs à Montréal qui m’avait dit « en ce moment tu lèves une roche au Québec il y a dix rappeurs en-dessous, il y en a trop des p’tits rappeurs de fin de semaine là t’sais » *rire*. Et il me disait : « toi t’as quelque chose dans ta plume ». Mais c’est vrai, j’ai l’impression qu’on est comme des têtes d’affiche qui font leur retour promotion et qui ont une approche brag rap. Puis c’est ça qui est devenu dominant et qui a enfanté tellement de hip-hop médiocre, de personnes qui vont emprunter cette esthétique-là. Tu vas écouter leur album et tu te dis « à part que t’es cool, que t’achètes des choses et que tu respectes pas les femmes, y as-tu quelque chose que je dois retenir dedans ? » C’est étrange.
Le cliché du bling bling
Lisa : Est-ce que c’est pas aussi lié à la vision de la société capitaliste, l’argent, le bling bling ?
Calamine : Complètement. C’est pour ça que je me mets en porte-à-faux anti-capitaliste. Il y a aussi quelque chose de sociologique et il faut comprendre d’où ça vient. Ça vient des Etats-Unis et des communautés qui ont fuckin strugglé, qui sont venus à célébrer leur réussite en disant « moi je suis parti du fond, contre un système qui m’a fuckin oppressé, mais là maintenant j’ai réussi ». Et j’ai pas de problème avec ça du tout, mais les p’tits gars de région et de bonne famille qui disent qu’ils ont de l’argent et tout… Le pire exemple que j’ai, c’est le fils de Céline Dion qui a fait un album de rap.
Lisa : Je savais pas du tout.
Calamine : C’est ignoble ! *rire* Il est là « J’suis cool avec mes dollar bills », mec t’es né dans un château, c’est pas intéressant, t’avais déjà des billets de 100 pièces dans ta couche. *rire*
Lisa : J’irai écouter ça, merci pour la non-recommandation ! *rire*
Calamine : Ça va te faire rire !
La thérapie
Lisa : Dans ton morceau 1420, tu dis à un moment « J’ai fait de la thérapie pendant une couple d’années ». Est-ce que la thérapie a eu un impact sur ton processus créatif ou les paroles que t’as écrites ?
Calamine : Vraiment, ou plutôt le contraire. Je pense que l’écriture était partie prenante de mes processus de thérapie. J’ai beaucoup fait de thérapie dans la vie à différents moments et ça a toujours été intimement lié à mon écriture. Pour moi, écrire c’est la survie. C’est ma raison d’être au monde, de faire sens du monde. Il y a quelque chose d’extrêmement thérapeutique pour moi. En même temps pour être honnête, c’est pas facile pour moi de faire de la scène. Parce que l’écriture c’est une place pour me réfugier, faire de la scène c’est une place où t’es vraiment vulnérable. Ça fluctue quand même, j’ai parfois des épisodes dépressifs où j’trouve difficile d’être toujours au top niveau. Mais j’pense que pour moi c’est une manière de m’assurer de toujours pouvoir continuer à écrire. On dirait que j’fais les trucs à l’inverse, y a beaucoup de gens qui vont devoir écrire des albums parce qu’ils veulent vraiment faire de la scène. J’adore faire la scène et le contact avec les gens, mais j’pense que j’ai pas nécessairement un tempérament pour ça. C’est très énergivore pour moi mais j’ai plus l’impression que je fais de la scène pour me permettre d’écrire. C’est un peu à l’inverse mais ça me rend vraiment heureuse dans ce sens-là aussi.
L’écriture et la scène, deux formes différentes de vulnérabilité
Lisa : Tu considères pas que le fait d’écrire c’est aussi une forme de vulnérabilité ?
Calamine : C’est clair, parce qu’après tout le monde peut chercher dans toutes les petites virgules qu’est-ce que t’as dit. Et ça reste, toutes les entrevues ça reste, tout ce que t’écris. Mais je trouve qu’il y a quelque chose de plus posé dans le sens où mes textes, j’ai le temps de les retravailler. Il y a quelque chose qui sort mais qui est assumé. Alors que dans le live il y a quelque chose de silencieux dans le vide, devant 200 personnes. J’adore ça aussi. Mais j’aurais pas pensé avoir ce tempérament-là dans la vie. J’aurais pas pensé être la personne qui serait devant. J’ai toujours fait de la musique et je me suis toujours imaginée jouer tous les instruments. J’aurais pu faire autre chose. Ca me fait drôle d’être la personne qui tient le micro. Mais au final c’est ça qu’il fallait que je fasse j’imagine.
Une collaboration franco-québécoise ?
Lisa : Et est-ce qu’il y a une scène ou un festival que tu rêverais de faire ?
Calamine : Franchement, on a une bookeuse en France et elle a un peu seize mon credo queer féministe, puis là on risque de revenir à l’automne faire une petite tournée. J’ai l’impression qu’elle est en train de me chercher des petites occasions, des festivals plus queer. Je connais pas encore tout ce qui va se passer, mais j’ai l’impression qu’elle est dans le bon filon. J’ai vraiment hâte. J’ai l’impression qu’à Paris ça bouge, la scène queer et tout. J’ai vraiment envie de faire le pont avec la France. Je connais plus les milieux à Montréal et à Québec. Mais en France l’idée de faire des collaborations puis de créer le pont entre les communautés militantes, c’est vraiment quelque chose qui m’intéresse.
LA PRODUCTION MUSICALE
Lisa : Je voulais également de te demander par rapport à ton beat maker Kèthe Maganè, comment vous collaborez ensemble ? J’ai lu qu’il avait une bibliothèque de sons et tu piochais dedans. Ou alors est-ce que tu écris les paroles avec une rythmique en tête et il crée ?
Calamine : C’est vraiment dans les deux sens. Mais c’est bien parce que j’écris tout le temps et lui il fait tout le temps des beats. *rire* Personne ne court après personne, ça se fait presque tout seul. Mais lui il m’envoie toujours plein de beats et des fois j’en tombe sur un et j’écris directement dessus. Parfois je vais sur Internet et je prends des type beats juste pour avoir une mélodie, le rythme. Souvent en commençant je change le tempo, je change la note. Puis après on refait un beat dans le même genre. Et quand la chanson est à mon goût, il retravaille le beat dans le sens inverse puis souvent avec le band aussi. Amazone est un son que j’avais fait sur un type beat et qu’on a entièrement refait avec le band sur l’album. C’est vraiment le band qui joue chaque partie. Ça c’est vraiment le fun dans le sens où t’as vraiment le mood de jouer avec la formule band. Tandis que d’autres chansons c’est complètement Kèthe Magané qui a fait toute l’instru. Puis en spectacle c’est différent, ça change la formule un peu. J’ai l’impression aussi que ça bouge comme ça, que ça fait vivre les chansons différemment.
ARTISTES ET INFLUENCES
Lisa : Super. Lors d’un passage sur France 24 tu dis que tu as été influencée par le hip-hop américain notamment. Quels sont les artistes qui t’ont influencé ou qui t’ont donné envie de faire du rap ?
Calamine : Plus jeune, Missy Elliot, Eminem. Avec du recul je me dis que c’était tellement violent. Je parlais pas anglais mais j’ai capoté quand le film 8 Mile est sorti. Je voulais être Eminem. Puis à 11 ans je voulais faire du rap. Mais on dirait que j’avais tellement pas de modèle, j’avais l’impression que je pouvais pas. C’est toujours un rêve qui est resté au fond de ma tête, l’idée que j’étais sûre que je pouvais écrire du rap. Y avait une fascination du texte, c’est comme faire des mots-croisés : rentrer des flows, découper des trucs et ça arrive à la bonne place. J’adore faire ça ! Je suis super occupée et quand j’ai une journée de congé, qu’est-ce que j’ai envie de faire ? J’écris une chanson. C’est ça que j’ai le plus envie de faire, c’est comme une fascination.
L’ARRIVÉE DES FEMMES QUEER DANS LE RAP
Calamine : C’est sûr que j’ai écouté toute l’époque américaine mais pour être honnête, ce qui m’a le plus accroché c’est quand y a eu plus de femmes et a fortiori des femmes queer qui sont arrivées plus récemment dans le rap. Comme Princess Nokia qui arrive avec des gros trucs. Puis y a beaucoup de rappeuses qui ont pas encore énormément de visibilité. Mais il y a un duo Gifted Cab et Blimes, c’est vraiment bon. Elles sont arrivées avec une proposition trop intéressante.
Calamine : Il y a une rappeuse Vel the Wonder qui est genre américaine-latine. Elle rappe un peu en espagnol sur des prod’ old school, un peu jazz/rap. Sinon dans le jazz/rap j’adore Mick Jenkins, Saba. Plus smooth, j’aime pas les grosses prod à l’américaine, en mode rentre-dedans. J’aime du rap à texte. J’adore Isaiah Rashad aussi qui est plus smooth. Au UK aussi il se passe des gros trucs dans le r&b, moi je capote IAMDDB. J’ai brûlé tous les albums en boucle. Je trouve que c’est quelque chose qui manque cruellement à la scène du Québec, le r&b.
« Où est le r&b au Québec ? »
Calamine : Il y a quelques noms mais qui accèdent pas du tout à autant de visibilité. Puis j’ai l’impression que le rap keb est posh parce qu’on a amputé le r&b du rap. Mettons Josman, il y a vraiment des chansons r&b, il chante, il fait des grosses ballades, des grosses chansons d’amour. Il est capable de faire des chansons badass et la chanson d’après c’est « j’ai le vaccin pour piquer ton coeur ». J’adore cet album. Je trouve que c’est ça qui manque cruellement au Québec. On dirait que tous les rappeurs veulent se prouver qu’ils sont d’emblée badass. Personne est capable de chanter des si beaux refrains. Personne va dans le côté émotif. Sur mes albums, j’essaie de faire le plus possible de collab’ avec des chanteuses r&b. Sur le prochain album justement, il y a une couple de chansons où il y a des bonnes voix qui ont pas encore assez de visibilité. Je rêve de voir dans les prochaines années plus fleurir la scène r&b.
Lisa : Oui, on a besoin d’un peu de mélodie !
Calamine : Vraiment !
La programmation du printemps de Bourges
Lisa : Du coup tu iras voir Josman pendant le festival ?
Calamine : Oui oui oui ! J’en rêve. Parce que j’avais vu qu’il venait à Montréal à l’automne mais je pense que nous on sera en France et quand j’ai vu qu’il était ici… C’est sûr que je vais aller le voir.
Lisa : Est-ce qu’il y a d’autres artistes sur la programmation de Bourges que t’as envie de voir ?
Calamine : Moi j’adore Eesah Yasuke, je l’avais croisée dans d’autres vitrines, elle est dans les Inouïs aussi. Il y a un autre rappeur qui est dans les Inouïs, Le Lou, qui est un rappeur trans qu’on m’avait chaudement recommandé d’écouter et il est vraiment intéressant. L’idée de faire des collab’ avec des rappeurs/rappeuses de France, ça m’intéresse trop. Ça va peut être donner lieu à une tournée avec des artistes ici ou le contraire, mais j’en rêve.
Envie d’en savoir plus ?
Calamine est donc une figure du rap keb à suivre de très près. Son respect du craft, ses paroles, son univers visuel et ses mélodies sont autant de choses qui lui promettent un avenir radieux dans la musique. Il ne reste plus qu’à attendre son prochain album et sa tournée !
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