Toujours dans le cadre du dispositif Spécimens canadiens du Printemps de Bourges 2023, nous avons rencontré le jeune rappeur Maky Lavender. Retour sur notre discussion où nous avons parlé de son parcours musical, de ses futurs projets mais aussi de ruptures amoureuses.
Pour ceux qui lisent notre média et qui ne te connaissent pas encore, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Maky Lavender, Mackendal, né à Montréal de parents haïtiens. Je fais de la musique, des instrus, de la photo, des vidéos… Des vêtements aussi. J’ai une entreprise parce que je produis tout ce qui est autour de moi, j’ai mon propre label autour de ma musique.
Sacré CV ! Et j’ai lu que tu avais découvert un intérêt pour la musique à travers la danse, est-ce que tu peux m’en dire plus ?
Je faisais des spectacles de fin d’année avec des amis à moi. Les spectacles de fin d’année se sont transformés en talent shows. Je faisais toujours toutes les danses d’Internet, le soulja boy ou le crank dance (rires). J’ai décidé de m’enregistrer avec le micro du jeu vidéo Rock Band. C’est comme Guitar Hero. J’ai enregistré avec des amis à moi qui avaient des Macbook et je me suis transformé en un vrai artiste.
Donc t’as un peu délaissé la danse au profit de la musique ou tu gardes un lien avec ?
Ça s’est récemment rajouté à mes performances. Dans une de mes chansons, que je vais faire ce soir, je raconte que je fais des chansons, du rap et que je danse. Quand je fais ce son, c’est là où je sors tous mes moves : je fais un petit moonwalk par exemple. C’est au moment de mes concerts que je fais de la danse plus qu’autre chose.
Tes premiers projets étaient majoritairement en anglais. Mais t’as sorti un deuxième album qui s’appelle On Est Là!, où il y a plus de français. Quels étaient les défis, obstacles ou apprentissages que tu as fait avec ce deuxième album ? Ça peut aller au-delà de la langue bien sûr.
C’est vrai, ça ne se limite pas seulement à la langue, for sure. La langue était un des plus petits enjeux pour moi. Un des enjeux c’était de tout faire. Parce que dans cet album, j’ai rappé plein de paroles sans rien écrire. Parce que je voulais me prouver quelque chose, c’était plus de l’égo qu’autre chose. Je voulais montrer que j’étais capable, que j’étais là. « J’suis là », c’est une phrase que beaucoup d’anciens disent pour affirmer leur présence. J’ai pris cette expression et cette motivation pour tout l’album. J’ai enregistré tout cet album chez moi pendant la pandémie et il y a beaucoup de choses qui se passaient à ce moment-là. Les vidéos étaient difficiles à faire, il y avait beaucoup de restrictions. J’ai aussi mixé l’album moi-même, il y avait trop de choses en même temps. Je me suis rendu un peu fou mais c’était une expérience très artistique.
Quand t’as fini l’album, t’as eu l’impression d’être rassuré ou il y avait quand même un goût amer et une insatisfaction ou de la déception ?
Ouais, je pense qu’il y avait surtout de l’insatisfaction parce que j’étais pas vraiment connecté avec mes émotions quand je le faisais. J’étais connecté avec le personnage du rappeur que je voulais être. J’ai fait plein de trucs que j’ai regrettés après. Mais j’y pensais pas quand je le faisais. C’est peut-être bien en tant qu’artiste de ne pas penser quand t’es en train de créer. Mais c’est pas bien en tant qu’être humain. La prochaine fois, je ferai pas comme ça, mais je suis content d’avoir fait l’album.
Toujours par rapport à la France, t’as fait quelques collaborations notamment avec Lyon et le projet Latitude 45. T’as aussi fait une vidéo avec Le règlement radio, « Paranoiiia ». Comment t’es venu à collaborer avec eux ?
Le Réglement m’a contacté parce qu’avant, je travaillais avec Mahdi Ba, un Youtubeur. Les deux m’ont contacté en même temps après ma vidéo « Bloom ». Le Réglement m’a contacté pour une première vidéo qui s’appelait « When Macky Gets Hot », encore mon truc avec mon égo. Je pense qu’il commençait à peine sa radio et il m’a contacté pour avoir une vidéo.
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Justement, tu parles de « Bloom » et j’ai remarqué que tous tes clips étaient soignés. À quel point tu participes à la conception ou la réalisation de tes clips ?
Avec le temps j’ai essayé de prendre plus de recul plutôt que d’énerver les gens avec les idées. Avant, j’avais aucun recul. Avec une vidéo comme « Bloom », c’était la première fois où je me calmais un peu. Je me suis concentré sur mon rôle d’acting dans la vidéo. Mais j’ai aussi édité la vidéo avec le réalisateur. D’ailleurs, « Paranoiia » c’est avec le même réalisateur. J’étais là pendant la colorisation. Souvent, je suis présent, souvent ce sont mes idées et j’en parle beaucoup, je me plains (rires.) A Montréal, il y a beaucoup de vidéastes qui sont très forts, ils sont très conceptuels. J’avais donc beaucoup d’amis là-dedans. Je suis aussi allé à Vanille en communication, qui est un programme de vidéo/radio/audiovisuel. J’ai rencontré beaucoup de monde là-dedans mais je faisais aussi mes propres projets.
Dans une interview, tu as dit que quand tu faisais des shows à Montréal, tu te sentais jugé. Est-ce que t’as l’impression d’être plus libre quand tu fais des concerts à l’extérieur ?
Oui, absolument ! À l’extérieur, les gens sont surtout là pour découvrir un artiste qu’ils ne connaissent pas. Alors qu’à Montréal, ils se disent « ah oui, je connais ce gars Maky, il sortait avec la fille qui travaillait là-bas » (rires), au lieu de simplement apprécier la musique. En extérieur, ça m’arrive beaucoup plus. Même en tournée canadienne, dont les prochaines dates sont à Calgary, après Winnipeg et Toronto, on ne me connaît pas. C’est plus apaisant de faire des spectacles là-bas. Alors que quand je suis à Montréal, je peux croiser quelqu’un du secondaire qui veut savoir si j’ai réussi ou pas.
Je voulais parler de ton compte Twitter où tu partages souvent des sons et des paroles que t’aimes bien. J’ai retrouvé un post que t’as partagé il y a quelques jours avec les paroles de « From Time de Drake » : « And influence a generation that’s lacking in patience ». Est-ce que tu as l’impression d’être dans l’urgence, que ce soit dans la manière que tu fais ta musique ou de manière générale ?
Oui, t’essaies d’influencer les jeunes, tu veux faire plus que les délires que les jeunes gars veulent avoir. Ils veulent être là, avoir de l’argent. Mais quand tu grandis, tu voudrais peut-être avoir un rôle de professeur, d’intellectuel ou de révolutionnaire. J’essaie. Je suis entre les deux, parfois j’ai juste envie de party et des fois j’ai envie d’être important. Je me bats entre les deux.
Concernant ton actualité, tu as sorti « Think About Me Still » en mars 2023 avec Kenan Belzner. Le son est étonnant car il est plus électro. Comment est née cette collaboration ?
On était en Ontario avec un ami à moi qui avait un pickup truck, vous avez ça ici, vous voyez ce que c’est ?
Désolée pour la référence, mais c’est la voiture qu’on voit dans Twilight ? (rires)
(rires) Ouais, comme dans Twilight, c’est vrai, c’est très campagne. Il est venu me chercher avec une voiture comme ça. On voulait partir en campagne et produire plein de morceaux. D’ailleurs, je vais performer un de ces sons qui s’appelle « Subvention » de tous les titres. « Think About Me Still » fait aussi partie de ces chansons. Kenan Belzner fait beaucoup d’EDM et on a fait la chanson. À ce moment-là j’étais en pleine rupture et je me demandais « est-ce qu’elle pense encore à moi ». C’est vraiment émotionnel, mais avec une vibe de festival d’été. On a capitalisé sur ça.
En parlant du prochain projet, t’as sorti le single “Why You Gotta Be Like That” qui fera partie du projet Merçi 2 You. Et ce projet est lié à une rupture amoureuse. Est-ce que t’as des choses à me dévoiler sur ce futur projet ?
Merçi 2 You, c’est une manière de remercier les relations qui n’ont pas fonctionné mais aussi le public qui m’écoute, en français et en anglais. Que ce soit en France ou en Angleterre. Parce que j’ai enregistré cette chanson en Angleterre, à Londres. C’est une histoire londienne, où j’ai cherché quelqu’un pour me sauver de ma rupture. Mais c’était pas ça. Et moi j’étais jamais content, je me demandais « pourquoi t’es comme ça, pourquoi t’es pas comme ça ». Donc, pour revenir à la chanson de Drake, j’essayais d’être une meilleure version de moi-même plutôt que de retourner vers les anciens délires du jeune gars. Dans Merçi 2 You, il y a des chansons qui ont été enregistrées à Vancouver, Calgary, Montréal, Londres. C’est la première fois que j’ai commencé à faire des chansons en français. Y a aussi une chanson que je vais faire ce soir qui s’appelle « L’argent du govy« , le govy c’est le gouvernement. L’argent du govy, c’est les subventions. J’en parle beaucoup parce que j’ai réussi à avoir une subvention pour financer mon art et cet album-là. Ça m’a ramené dans la musique mais plein de choses m’ont influencé, comme le fait de tomber en amour ou d’avoir de l’argent. Donc je remercie tout ce qui m’est arrivé pendant cet album.
J’ai entendu une petite anecdote dans une interview. T’écris beaucoup et apparemment tu aurais écrit deux saisons d’une émission dramatique, « It’s women’s fault ». Est-ce que c’est toujours d’actualité ?
Je suis encore dans l’écriture. Pour faire une émission, il faut avoir une équipe d’écriture, c’est très long. J’ai écrit deux saisons, oui (rires). Dans mon ancienne relation, quand on se chicanait… Attends, vous dites pas « chicaner » ici, donc quand on se disputait (rires), au lieu de continuer, je sortais mon ordinateur et j’écrivais la scène. C’était ma façon de dealer les choses sans être toxique ou me fâcher. Parce que je suis le genre de personne qui retourne sans cesse sur le même sujet, je suis super rancunier. Au lieu d’être comme ça, j’ai préféré écrire une émission qui parlait de toutes mes histoires. C’est ma façon de m’enfuir. C’est pas fini encore, peut-être que je ferai une saison complète mais j’ai fait que cinq-six épisodes. J’étais trop pressé. Je pense que je vais mettre plus d’informations sur mes épisodes et les exagérer, puis faire un bon pilot. L’idée vient de me venir pendant qu’on se parle maintenant. C’est à propos de toutes les expériences qui n’ont pas fonctionné. Mais aussi mes relations avec les femmes, les tantes, Steffi aussi qui est emmerdante (rires) (ndlr : Steffi est l’attachée presse et el fidèle soutien de Maky Lavender). Le succès d’un homme, c’est grâce aux femmes qui l’ont influencé. D’où Merçi 2 You.
Et enfin notre question signature, quel artiste vous nous recommanderiez d’interviewer ?
Je dirais Choses Sauvages. C’est cool, c’est comme du funk, rock et new age.
Un grand merci à Maky Lavender pour cette entrevue pleine de sincérité, d’humilité et de bonne humeur. On remercie également les Spécimens Canadiens de nous avoir donné l’opportunité de découvrir cet artiste et on attend la suite !
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