Interview Joris delacroix : Reperkusound 2023
Durant la 18ème édition du Reperkusound, nous avons pu avoir Joris Delacroix en Interview. Figure emblématique de musique électronique française, on aborde ses projets, tournée internationale, processus créatif… C’est parti !
Est-ce que tu pourrais te présenter pour des personnes qui ne te connaîSSENT pas ?
Joris : Alors écoute, je m’appelle Joris Delacroix, je suis français rire. Je suis un artiste de musique électronique. Je fais du DJ set, du live, de la prod, enfin je fais tout quoi. Et dans un style assez mélodique, on va dire, pour résumer le truc.
ES-tU PLUS dans une optique de single, plutôt que d’albums ?
Joris : Ouais, je fonctionne beaucoup par album, mais avant de faire l’album, faut faire du single, c’est-à-dire que l’un ne va pas sans l’autre format. Voilà, même si je raisonne en « album » à un moment donné, je raisonne « single » aussi, tu vois ? Je ne peux pas dissocier les deux en fait.
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Est-ce que tu as un album de prévu PROCHAINEMENT ?
Joris : Là, je suis en train de le faire, j’ai bien avancé, donc je suis là-dessus. Mais tu vois, c’est aussi par rapport au marché, la façon dont la musique est consommée aujourd’hui. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, tu peux faire un album. Mais tu ne peux pas sortir un album de nulle part en fait. Il faut l’annoncer avec des singles. Donc, là, en fait, j’oriente ma production en sachant que je fais un album, mais dans un premier temps, je me focalise sur les singles.
C’est-à-dire que les morceaux que je finalise en priorité, ce sont ceux qui pour moi sont adaptés au format single. Et après, je vais pouvoir me faire plaisir pour le format album. Et les singles que je produis en ce moment font partie de l’album qui sortira plus tard.
dans une ancienne interview, TU AS PARLé de ton souhait de t’internationaliser. Où en es-tu par rapport à ça ? Quels sont tes projets futurs ?
Joris : Écoute, ça avance bien. Il y a des territoires que j’avais depuis un moment, et où j’ai bien repris, comme l’Allemagne, Hollande, donc proche de la France, que je fais beaucoup plus qu’avant. L’Angleterre, je fais beaucoup plus qu’avant ça, c’est cool parce que j’adore jouer à Londres. Là, je reviens du Mexique. Donc Amérique latine, il commence à se passer un truc aussi, c’est vraiment cool. Je vais essayer de toucher les États-Unis, c’est pas évident, mais ça commence à se faire. Je sens que ça commence à intéresser les gens. Et on a peut-être un projet de tourner en Asie qui est en train de se poser.
Selon toi, qu’est-ce qui bloque au niveau des États-Unis ?
Joris : Je pense que c’est surtout une question de réseau. C’est-à-dire que je vois beaucoup d’artistes dans la même veine que moi, qui tournent beaucoup aux US, parce qu’à un moment donné, ils se sont retrouvés dans tel réseau. Mais aussi parce que la musique plaît, évidemment, il y a rien sans ça. Mais disons qu’on va dire qu’aujourd’hui, avec la musique que je fais et le profil que j’ai, je me dis, OK, pourquoi je ne jouerais pas aux États-Unis ? Honnêtement, je n’y vois pas de raison. Et c’est vraiment là-dessus qu’on est en train de travailler avec le management, le booking, etc. De développer ce réseau-là, et ça commence à prendre. Je commence à avoir des petits plans qui tombent. Donc voilà, on croise les doigts pour que ça continue.
Et au niveau de l’Asie, est-ce qu’il y a quelque chose de concret qui est prévu ?
Joris : C’est des premières pistes. L’Asie, j’ai déjà fait avec la Chine, la Thaïlande plusieurs fois. Et là, en fait, il y a un promoteur qui s’intéressait à ça et qui est en train de prévoir un tour à Singapour, Hong Kong, Tokyo et en Malaisie.
Tu as maintenant un peu plus de 10 ans de carrière, comment est-ce que tu dirais que ta musique a évolué ?
Joris : Disons que j’essaie de toujours garder le même credo. Enfin, c’est même pas que j’essaie… ça se fait naturellement. Moi, je suis dans un trip assez mélodique, c’est ma marque de fabrique. Et c’est comme ça que je fais de la musique, donc c’est cool. Après, ça évolue avec ce que je vis quand je vais à d’autres soirées où je ne joue pas, et aussi un peu avec les tendances. L’exemple que je donnais tout à l’heure, mais qui est vrai, c’est que ces dernières années, la tendance est beaucoup plus techno, beaucoup plus rave en tout cas. Et, là où au début de ma carrière, j’étais un peu plus dans la deep house, dans le groove, etc. C’est pas quelque chose que j’arrête de faire, parce que c’est quelque chose que je kiff toujours.
Mais je t’avoue que ces derniers temps, je suis un peu plus sensible à ça. Parce que, comme je le dis toujours, moi je fais ma zik, mais après, le fait que j’en vive et que je fasse des concerts, c’est pas que basé sur moi. C’est aussi basé sur ce que les gens ont envie d’entendre. Ces derniers temps, cette tendance m’a ouvert un peu plus, enfin m’a réouvert parce que j’étais dedans il y a quelques années, aux côtés plus rave, plus techno, plus rapide, etc. Et là, je me dis “bah tiens, ça pourrait être intéressant de prendre cette veine mélodique et de l’amener là-dedans”. Et en fait, c’est cool parce que ça me fait avoir d’autres perspectives, ça me fait limite redécouvrir le son, et c’est vraiment l’aspect qui motive là-dedans. C’est le fait de renouveler l’exercice constamment, je trouve ça trop bien.
qu’est-ce que tu nous prépares pour ce soir ?
Joris : Ce soir, c’est un live set. Alors, c’est un live set que j’ai commencé à faire l’année dernière. Et la grosse différence de ce live set avec les autres, c’est qu’avant je faisais un live, je le jouais pendant un an et j’en faisais un autre. Là, ce live set, je me suis dit “ je garde celui-là, par contre je rajoute des tracks dedans« . Donc, là, j’ai rajouté 3 nouveaux morceaux dedans. Voilà pour l’aspect « pur nouveauté ». En gros, si je prends tout ce que j’ai en live, je pense que je peux jouer 2h30-3h faciles.
Là, je joue 1 h ce soir, donc je pense que je connais le festival, le reste de la line-up est quand même assez vénère, donc je vais quand même l’orienter un peu plus sur les morceaux qui tapent, on va dire. En termes de BPM, ça commence aux alentours de 124 125 et ça finit plutôt à 135. interview Joris Delacroix
Et en dehors de l’Album, est-ce que tu as d’autres projets que tu mènes en parallèle ?
Joris : Non, je suis vraiment focus là-dessus. C’est vraiment là-dessus que je suis en train de bosser et je mets toute mon énergie là-dedans et les résultats sont déjà cools, donc je suis assez enthousiaste et impatient de communiquer tout ça. Pour l’instant, c’est encore un peu tôt, mais en tout cas ça arrive, c’est en bonne voie.
Tu as pu dire par le passé que t’as besoin de communiquer au fur et à mesure sur ce que tu fais. Comment est-ce que tu vas entretenir ce lien que tu as avec les gens ?
Joris : Justement, comme on en a parlé, le fait de faire du single, ça permet ça. C’est-à-dire que si je me mettais dans un full process album, il faudrait que je m’arrête de tourner, de sortir des morceaux pendant un an, le temps de faire le truc, que ça sorte, etc. Et le fait de garder le format single, ça me permet de garder ce truc dont je suis originaire. Moi, je suis de la génération Soundcloud à la base. Je sais que ça commence un peu à dater, mais il y avait vraiment ce truc où je faisais un track, et hop, je le postais en ligne, et ça existait direct et je le jouais, tu vois. Et je veux vraiment garder ça.
Donc le fait de garder le single ça fait ça me fait finir un morceau… Maintenant, il y a un peu plus de latence qu’à l’époque Soundcloud. Il faut que ça sorte, faire la promo, tous ces trucs-là. Mais dès qu’il y a un nouveau truc que je fais, je vous le balance, et joue le track direct. Et, ça n’empêche pas que je garde un peu de trucs sur le côté que je balancerais à la sortie d’album. Mais j’essaye de trouver un compromis entre les deux.
Et pourquoi, c’est aussi important pour toi de maintenir ce lien ?
Joris : Parce que je viens d’une culture… je suis un DJ, à la base. Et quand tu es DJ, quand t’as un track que tu reçois, tu as envie de le jouer direct. Et, au même titre que t’as un truc que tu viens de faire, tu as envie de le jouer direct. J’ai vraiment envie de garder ça. Parce qu’en fait, même souvent, je fais un morceau, je fais une première version et je le joue. Et en fonction du ressenti que je vais avoir par rapport aux gens, là, je vais faire les modifs dessus. Et ça, c’est quelque chose auquel je tiens beaucoup. C’est pas quelque chose que je fais que pour moi. Même si la musique que je fais est très personnelle, à un moment donné, je la fait pour les gens qui ont envie de l’écouter aussi.
S’il y avait un artiste qui était très éloigné de ton style musical, avec qui tu aimerais faire une collaboration ?
Joris : Kendrick Lamar. Parce que… pour le côté éloigné, c’est très loin de ce que je fais. Et c’est clairement mon rappeur préféré. Pour beaucoup de raisons. Parce que c’est quelqu’un qui a ce truc, qui fait de la musique qui est assez intelligente, assez sensible. Et en même temps, c’est du vrai pe-ra quoi, tu vois ? C’est sans concession, en fait. Je me reconnais un peu là-dedans, dans le sens où j’essaie de faire quelque chose qui est assez sensible, assez personnel, mais à un moment donné, c’est la musique qu’on joue en soirée, il faut que ce soit sans concession et que ça tape en fait, tu vois ?
Et c’est ça que je reconnais chez Kendrick. C’est quelqu’un pour qui j’ai une certaine vénération. Et je pense que jamais de la vie, j’arriverai à atteindre le niveau de faire un truc avec Kendrick Lamar, mais mon rêve ultime, ça serait ça, on va dire.
Tu parles de sensibilité, le fait de véhiculer certaines émotions, peut-être ? Quelles sont les émotions que tu souhaites véhiculer dans tes morceaux ?
Joris : Bah écoute, ça dépend des périodes. Je pense que c’est en fonction de ce qu’on vit. Voilà, je suis dans une période… Je me livre un peu, mais… Sentimentalement, qui est un peu compliquée.
Et là, à travers cet album, à travers la musique que je fais en ce moment, j’ai besoin de raconter ça, mais sur tous les aspects en fait. Pas juste l’aspect “ouais, je suis triste” ou “ouais, je suis heureux”, parce que la vie pour moi n’est pas fait que de “je suis triste ou je suis heureux” et j’essaie de faire une synthèse de tout ça. À travers le fait qu’à un moment donné, je vais être dans tel état, je vais être de telle humeur, et je vais faire un morceau qui va être de cette humeur. Et des fois, je vais avoir envie de sortir de ma tristesse et faire des trucs, et le morceau, il va sonner comme ça ! J’essaie vraiment de prendre ce ressenti que j’ai chaque jour, qui me donne envie de produire quelque chose, d’exprimer quelque chose et de le mettre dans la musique. Et de faire danser les gens dessus, accessoirement *rire*.
Donc c’est un morceau qui va être évolutif, qui va véhiculer plusieurs émotions en même temps ?
Joris : En-tout-cas, de ce que j’ai pour l’instant, là, je suis à 11 morceaux sur l’album, donc en gros, l’album est plus ou moins déjà là. À la fin, j’essaie d’en avoir une quinzaine, pour justement avoir le choix. Mais en tout cas, sur les 11 tracks que j’ai fait jusqu’ici, là où je suis assez fier, c’est que pour moi, il n’y en a pas deux identiques. Chaque vibe est différente. Après, à voir s’il faut que je réadapte le truc, pour remettre une vibe un peu plus commune. Après, c’est des décisions de management, de DA, etc. Donc, c’est pour ça qu’il faut que je vois un peu large.
Mais en tout cas, le thème de l’album que je suis en train de faire, c’est “je vis des trucs, mais je les vis de différentes manières, en fonction des périodes et je veux le raconter de différentes manières à chaque fois”. Parce que pour moi, la vie est comme ça, elle n’est pas faite que d’une chose, mais de plusieurs.
On a une dernière question qu’on aime bien poser chez Pozzo Live. Si on devait interviewer un artiste dans le festival, selon toi, qui est ce que ça serait ?
Joris : La réponse est un peu biaisée, j’ai envie de te dire Popof parce que c’est mon pote et que je kiffe et que j’ai envie que vous alliez lui parler *rire*. Mais au-delà du fait que c’est mon pote et que je kiffe, c’est quelqu’un qui est là depuis très longtemps. Pareil, qui a traversé les époques, qui a fait Heretik (collectif Heretik System), qui a fait des trucs techno, qui a fait des trucs un peu plus deep, qui a fait de la mélodique. Et qui ce soir fait un set “hardtek”tu vois ? C’est quelqu’un qui a une culture musicale, hyper riche, il a beaucoup de choses à raconter.