Le 4 décembre 2018, j’ai eu la joie de rencontrer Jon Harvey, bassiste solaire du groupe Monster Truck programmé en première partie la veille aux côtés de Black Stone Cherry à l’Elysée-Montmartre. Il a eu la gentillesse de répondre, avec franchise et simplicité, à quelques questions sur sa manière de créer. Voici retranscrite ici notre agréable discussion. Bonne lecture !

 

Pozzo Live : Tu as apprécié le concert ?

Jon Harvey : Oui, c’était exactement ce dont on avait besoin.

PL : Ah oui ? De quoi vous aviez besoin ?

Jon : On avait surtout envie de passer un bon moment ! En fait, à chaque fois qu’on joue, on essaie de capter ce qui se passe dans le public, les bonnes énergies de la foule, et hier c’était vraiment ça qu’on a eu, c’est ce qu’on voulait, c’était parfait.

PL : Une vraie fête.

Jon : C’est ça !

PL : Comment as-tu trouvé le public de l’Elysée-Montmartre ?

Jon : Génial ! Bel accueil, beaucoup de joie, d’amour et de bonnes ondes, il y avait pleins de sourires sur les visages, ça m’a fait me sentir encore mieux de voir les gens comme ça.

PL : Tu as aussi senti cette atmosphère dans Paris ?

Jon : Oui, assez ! En fait c’est toujours comme ça dans les villes européennes, ça vibre plus, tu ressens plus. A Paris, c’est un peu moins facile au vu de tout ce qui s’y est passé, mais on retrouve quand même ce côté romantique, passionné. La nourriture y est délicieuse, j’ai bu un peu trop de vin, mais c’est génial.

PL : Tu as été dans les bars, dans les lieux rock de Paris pour y rencontrer du monde ?

Jon : Oui, quelquefois, mais on a surtout été dans les restaurants. C’est ce que j’aime faire en fait, manger ! Tout est bon pour l’inspiration, et la nourriture l’est assurément.

PL : Qu’est ce qui est inspirant pour toi particulièrement ?

Jon : Ce sont les bizarreries qui m’inspirent, les petites choses aussi, ça peut être une couleur saisie sur l’instant, un arbre, ce mur… Tu sais, tout ce qui peut te toucher. C’est quelque chose que je ne peux pas expliquer, qui te prend ou que tu saisis. C’est comme être d’accord avec quelqu’un : là, je suis d’accord avec tel objet, etc… (rires)

PL : C’est très simple, finalement.

Jon : Exactement. Il s’agit de bien observer, de sentir, et parfois ça se passe à un niveau microscopique.

Monster Truck, Kafe Antzokia, Bilbao, 9/09/2017 – Photo par Dena Flows

« Une création en liberté »

PL : Quelle est la meilleure atmosphère créative selon toi ? Tu as des rituels, ou besoin de conditions spécifiques pour créer ?

Jon : En général, je travaille dans ma chambre. Souvent, je me lève, je me fais du café, je fume une cigarette, je me détend, j’écris une chanson, puis je peins, je fais tout ce que j’ai besoin de faire dans ma journée. C’est typiquement ma manière de bosser. Je fais plusieurs choses en même temps, parce que je me sens assez mal si je me focalise sur une seule tâche. Et puis il y a les bonnes ondes, encore une fois : ma chambre est merveilleuse, c’est là où je dors, où j’ai mes guitares, où il y a tout ce qu’il me faut. La chambre, c’est vraiment un lieu important : c’est le symbole d’une création en liberté. Un lieu pour se recentrer.

PL : En tournée, est-ce que tu arrives à retrouver ce fameux « lieu à soi », comme le pense Virginia Woolf, cet espace créatif ?

Jon : C’est plus que juste de la musique. Généralement, j’ai tout en tête. Je suis là, ici et maintenant, et la musique vient toujours. Ça marche quoiqu’il arrive. L’enjeu, c’est de canaliser ses pensées et ses idées pour qu’elles n’arrivent pas trop vite, et rester concentré.

PL : Monster Truck est parti en tournée durant deux ans, et une grande partie du dernier album a été créée durant cette période. Tu penses que c’est une façon de faire que beaucoup d’artistes partagent ?

Jon : Je ne sais pas, je dirais simplement que nous concernant, c’est comme ça qu’on fonctionne, c’est ainsi que ça se passe la plupart du temps. Je me réveille, puis je joue de la guitare, je compose une chanson, j’ai toujours fait ça et je continuerai à le faire toute ma vie. C’est la vie normale, pour moi, et la tournée n’y change pas grand chose. Je sais qu’il y a des artistes qui se disent « Je vais prendre une semaine » ou « Je vais écrire pendant une heure », mais moi j’aime laisser venir les choses. C’est sans pression, et j’adore ça.

PL : Oui, l’idéal c’est de ne pas se préoccuper des pratiques des autres, ou d’appliquer un modus operandi précis, mais de se faire confiance. Tu as confiance en toi, en tes chansons ?

Jon : Oui, carrément. Enfin, je veux pas paraître arrogant, mais j’ai trouvé un vrai équilibre entre être fier de moi et être sceptique sur ce que je fais. J’essaie de rester sur cette ligne, et c’est cool finalement. J’ai pas tellement envie d’être un genre de Kanye West. (rires) Les doutes font toujours partie de l’équation, et tu as besoin de doutes pour créer. Je n’ai pas de réelles peurs, je ressens, et j’attend toujours de voir ce qui se passe. Je ne me préoccupe jamais trop de l’avenir, ce qui doit venir viendra de toute manière. J’ai peut-être tendance à avoir peur de l’échec, mais je pense qu’échouer est important aussi, alors ça va.

PL : Cette énergie positive qui vous caractérise, toi et les autres membres du groupe, je l’ai vraiment ressentie lors du concert à l’Elysée-Montmartre. On sent que chacun d’entre vous avance, regarde toujours plus loin. Hurricane, du dernier album, True Rockers, m’évoque assez bien ce que vous créez sur scène. Quelle est selon toi la chanson qui représente le plus l’état d’esprit de Monster Truck ?

Jon : C’est une très bonne question. Je dirais probablement The Lion. C’est à propos de la persévérance, une chanson qui a quelque chose du mantra, qui nous tient en éveil.

« Etre cool, ça demande trop d’énergie ! »

 

PL : Dans la chanson Being cool is over, il est dit « I must have missed the indie rock entrance exam« . J’ai trouvé ça assez marrant et intelligent, d’autant que je vous ai tous trouvés très cool sur scène. Mais qu’est ce que vous avez voulu dire exactement ?

Jon : (rires) Quand j’étais plus jeune, ma musique avait plutôt une couleur indé, alors qu’aujourd’hui le son est plus lourd, plus brut… Mais c’est plus une blague d’adolescent, en fait. Qu’est ce que ça veut dire, « être cool » ? On s’en fout ! Je n’ai jamais été cool, et je ne le serai jamais, je pense. Aujourd’hui, je m’en fiche totalement. Et puis, ça prend trop d’énergie !

PL : En tournée, vous avez rencontré un tas de groupes, vous avez partagé la scène avec eux… Est-ce que vous collaborez avec certains de ces artistes aujourd’hui ?

Jon : Evidemment, on bavarde avec un tas de monde… Mais c’est particulier, parce que les tournées réunissent des gens, oui, mais qui essaient tous de rester concentrés sur ce qu’ils font, et la plupart n’est pas vraiment prêt à s’engager sur autre chose. Le plus important, c’est que ça soit naturel, et que ça marche tout de suite. Tout est possible, dans ce cas.

PL : As-tu envie d’essayer de nouvelles choses, créativement parlant ?

Jon : J’essaie toujours de faire différent, et de passer de bons moments en écrivant chaque chanson. Mais ce qui est fondamental, c’est d’avoir du temps pour expérimenter. Une fois que tu as du temps, tu peux réfléchir à comment te renouveler.

PL : Tu sembles assez calme face au futur de Monster Truck, assez peu dans l’attente. C’est une manière pour toi de continuer à t’amuser, à écrire ?

Jon : Oui, je suis très calme effectivement, j’essaie de l’être le plus possible. En plus, on ne se prend jamais au sérieux. Il faut savoir rire de soi et du monde autour de soi, pour ne pas tomber dans une attitude trop intense par rapport à la vie. Et comme je n’ai aucune idée de ce que le futur nous réserve, je préfère me dire que tout peut arriver.

PL : Des projets ? Des voyages en vue ? Des envies pour la suite ?

Jon : A part les prochains concerts, pas vraiment. Je suis vraiment bien comme ça, à ne pas me poser de questions. (rires)

Vous trouverez le live report du concert ici !

Un grand merci à Replica Production, et à Jon Harvey. Belle route à tous !

Interview réalisée par Margot Ferrera.

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