Quelques jours après la fin de l’édition 2024 du festival Les Voix Sonneuses Sud de France qui affichait complet sur les 2 jours de l’évènement au travers d’une programmation alléchante (Les $heriff, Les Négresses Vertes, Sergent Garcia, Le Peuple De L’Herbe, 7 Weeks …), Frédéric Coux, le Directeur du « plus grand des petits festivals » a bien voulu décrocher son téléphone pour répondre à quelques questions. L’occasion était donc idéale pour faire avec lui un débriefing post festival, histoire d’en savoir plus sur son état d’esprit (et de fatigue) et de faire un point sur les objectifs à venir… Prêts à rentrer dans la p’tite famille des Voix Sonneuses Sud de France ?

 

Pozzo Live : Avant de commencer, un petit point sur la genèse du festival Les Voix Sonneuse dont tu as repris la gestion il y a peu. Pourquoi et comment tu en as pris les rênes ? 

Frédéric Coux : L’idée vient de Jérôme, mon barbier coiffeur !

Pozzo Live : Ton barbier ?!

Frédéric Coux : Eh oui… Comme tu le sais, quand on va chez le coiffeur on raconte un petit peu sa vie. En fait, Jérôme faisait partie d’une association, Unis Son, qui a décidé un jour de mettre en place un festival. Or, ils n’en avaient ni la capacité, ni la connaissance de comment ça fonctionne. Ils avaient fait certes une très belle programmation sur deux années, mais sans aucune communication ! En gros, peu de monde était au courant de l’existence de ce festival…

Bref, mon barbier savait que je m’occupais d’artistes via mon propre label 2K10 et que j’avais déjà bossé en festival. Il m’a donc demandé si ça m’intéressait de reprendre les rênes de cet évènement. Et comme cette année-là, je m’occupais de groupes comme Les Têtes Raides, j’ai essayé de faire une programmation en faisant appel à des artistes que je connaissais. On est parti comme ça…

Ensuite, l’association Unis Son a fermé ses portes car elle n’était financièrement plus viable. On a donc mis en place une nouvelle association, Les Voix Sonneuses, avec des nouvelles personnes et moi j’y suis en tant que Directeur.

Pozzo Live : Est-ce que tu t’es entouré de personnes pour t’aider dans cette aventure ou est-ce plutôt un projet individuel ?

Frédéric Coux : Mon barbier est devenu le trésorier de la nouvelle association, mon collègue Romain avec qui je travaille dans un bar à Foix s’occupe de la buvette, et parmi mes connaissances, j’ai fait appel à Mathieu qui s’occupe des loges et des artistes. C’est quelqu’un qui sait bien gérer les équipes. Dans cette nouvelle association on a pris toutes les expériences et les bonnes volontés qu’il y avait dans l’ancienne association. De mon côté, je suis arrivé avec mes équipes déjà toutes construites.

Pozzo Live : Comment est constituée l’équipe ? Y a-t-il des salariés ?

Frédéric Coux : Il y a 80 bénévoles et environ 20 techniciens sur le festival. Il n’y a pas de salarié dans l’association. Il y a Stéphane, le Président de l’association qui gère aussi la sécurité car c’est son métier (il est policier municipal et possède des diplômes en sécurité), Cathy qui est la secrétaire en gestion des bénévoles, Romain qui s’occupe de la buvette etc. j’ai fait en sorte de positionner des gens à chaque tâche clé. Et moi de mon côté, je supervise d’en haut. C’est ma manière de fonctionner (parfois elle plaît, parfois elle ne plaît pas…). En gros, je travaille sur le festival des Voix Sonneuses Sud de France toute l’année pour que vers le début juin, je dispatche toutes les tâches à réaliser aux responsables de pôle. Je fais en sorte de tout préparer en amont pour que personne ne soit dans le doute.

Les rouages sont plutôt bien huilés : je travaille énormément pendant 10 mois sur le festival pour que tout soit en place lors de l’événement. L’idéal, ce serait que moi je n’ai plus rien à faire pendant le festival…  (rires) Cette année, j’ai réussi à un peu traîner près des concerts, donc ça veut dire que ça s’est bien passé !

Pozzo Live : Récemment, le festival a été estampillé « Sud de France ». Pourquoi tu as choisi de rattacher le festival à cette entité ? Qu’est-ce que ça a apporté en plus ?

Frédéric Coux : Il y a pas mal de festival qui fonctionne avec « Sud de France », comme c’est le cas pour Pause Guitare à Albi, Les Déferlantes d’Argelès, Montauban En Scènes, ou bien le Festival de Jazz de Marciac. Avec « Sud de France », il n’y a pas de subventions mais on met en avant les producteurs locaux. On a décidé de rentrer dans cette famille, on s’appelle maintenant Les Voix Sonneuses Sud de France Sud. Nous sommes vraiment le petit poucet parmi tous ces grands et solides festivals d’Occitanie mais nous avons une programmation plutôt rock qui se démarque des autres. L’idée initiale est de travailler avec « Sud de France » pour qu’on puisse s’installer en tant que festival et prouver qu’on existe…

Pozzo Live : Quel est le bilan de cette édition 2024 pour toi en termes de fréquentation mais aussi d’organisation ?

Frédéric Coux : Eh bien, je dirais que « le plus grand et petit festival » est arrivé à son taquet ! On veut absolument rester un petit festival avec un esprit familial. Quand on a un retour des festivaliers et qu’on lit tous les commentaires sur les réseaux sociaux, c’est vraiment ce qu’il en ressort. Pour moi, cette édition est celle dont j’avais rêvé ! On a eu une fréquentation de pratiquement 5000 personnes par soir et je n’ai pas envie qu’on aille plus loin. On a fait le choix de rendre le festival gratuit pour les moins de 15 ans, et au final, on accueille donc beaucoup de familles.

Du coup, il n’y a aucun souci, il n’y a aucune bagarre… le fait qu’il y ait des enfants qui s’amusent et qui courent au milieu du festival apaise tout le monde alors même que le style de musique est bien rock, punk etc. Les secouristes n’ont pas grand-chose à faire, car il n’y a rien à secourir ! (rires) Il n’y a pas eu une seule embrouille aussi bien dans le public qu’à la buvette. En fait, c’est le mélange des genres qui est chouette car on a un mélange de tous publics, peu importe la programmation.

Pozzo Live : Avez-vous eu affaire à un public d’habitués ou à un nouveau public cette année ?

Frédéric Coux : On a eu énormément d’habitués qui sont revenus avec environ 80% / 90% de personnes qui ont pris des billets 2 jours. La programmation 2024 avec des noms mythiques du rock français a fait venir de nouvelles personnes, mais la grande majorité est déjà venue lors des éditions précédentes. D’ailleurs, sur les réseaux sociaux, on m’a déjà demandé quand est-ce qu’ouvrait la billetterie pour l’édition de 2025 car pas mal de gens souhaite revenir l’année prochaine !

En fait, peu importe la programmation, le public sait que Les Voix Sonneuses Sud de France est un festival familial où on s’amuse et on mange bien. Par exemple, on porte un soin particulier dans le choix des food trucks. À la buvette, on a de la bière locale « Sud de France » d’Alaryk (Béziers) qui est très bonne. Pour le vin, c’est mon pote René de Château Guéry qui le produit… Bref, on est un festival local de rock « festif » ! Le but c’est vraiment de s’amuser…

Pozzo Live : Cette année, le festival a fait le choix d’ouvrir un tremplin pour permettre aux artistes émergents de se produire sur une grande scène. Comment est née cette idée ?

Frédéric Coux : Avant, c’est moi qui choisissais les groupes pour les premières parties. Je me suis dit que cette année on allait mettre en place un tremplin pour les artistes d’Occitanie. Certes, c’est un peu compliqué de faire ça sur les réseaux sociaux (il y a plein de gens qui ont voté plusieurs fois sur Facebook pour les groupes en lice …) et on va faire en sorte que pour l’édition à venir ce soit un petit peu plus carré.

On tient vraiment à faire en sorte que les groupes émergents puissent se faire connaître et jouer sur une grande scène. Je suis content car les nouveaux groupes de cette année (Lyssa M et Soa  – NDR) ont bien matché avec les spectateurs et la programmation. Ce sont vraiment des découvertes qui ont certes un univers assez éloigné des têtes d’affiche du festival, mais le public a joué le jeu : il s’est arrêté et a écouté.

Pozzo Live : Encore une fois la programmation a été très éclectique et plutôt séduisante, avec notamment Les Sheriff, les Negresses Vertes, Sergent Garcia, Le Peuple de L’Herbe, La P’tite Fumée qui sont des groupes qui fédèrent. La prog se fait plutôt par choix personnel en raison de tes goûts ou bien est-ce une « stratégie » pour plaire au plus grand nombre ?

Frédéric Coux : Je dirais qu’il y a une stratégie pour plaire à notre public même s’il est vrai que le mot « stratégie » est assez moche… En fait par le passé, on a eu une prog très éclectique avec des groupes comme Tryo ou bien Cali, mais on s’est aperçu que ce qui marchait bien c’était de mettre en avant des noms connus du rock alternatif…

Pozzo Live : Je me suis aperçu que dans les éditions précédentes qu’il n’y avait pas de groupes étrangers… c’est un parti pris volontaire ?

Frédéric Coux : Non, ce n’est pas un choix. Il y a toujours la question du budget qui se pose. Nous sommes un petit festival et en général quand une organisation veut faire jouer un artiste étranger le tarif n’est pas le même que pour un groupe français car il y a des frais inhérents qui sont de plus en plus chers. Ceci étant, je peux te dire que l’année prochaine il y aura peut-être un ou plusieurs groupes étrangers… mais je ne peux pas t’en dire plus ! (rires)

Pozzo Live : Avec ces beaux noms en tête d’affiche, comment se passe la prise de contact avec les groupes que vous voulez programmer ? Est-ce que la négociation financière peut s’avérer parfois difficile ?

Frédéric Coux : Mon métier c’est de travailler pour des artistes et des tourneurs. Je n’ai donc aucun problème pour la prise de contact lorsqu’on veut programmer des groupes. Ensuite, en ce qui concerne les cachets il y a en général une marge de manœuvre pour négocier. On a un budget qu’on ne peut pas dépasser et on fait en sorte que la programmation colle avec ce budget… Quand on voit ce que certains artistes prennent sur des gros festivals pour à peine une heure de concert, c’est aberrant !

En fait, il n’y a pas véritablement de juste milieu entre les petits festivals et les grands. Nous, on est dans une tranche où on est à moins de 30 000 € de cachets par groupe, mais pour les grands festivals on passe tout de suite à 100 000 € et plus ! Il n’y a pas de juste milieu, ça n’existe pas. Ce n’est pas le genre d’artiste qu’on vise. Nous on cherche à faire jouer des groupes de rock alternatifs qui fédèrent. On fait en sorte que les musiciens soient bien reçus et qu’il soit content quand ils repartent. Dans les loges, on fait très attention à eux. Il y a tout ce qu’ils demandent et même plus !

Pozzo Live : J’imagine que les groupes qui sont à l’affiche des Voix Sonneuses Sud de France collent à l’esprit du festival…

Frédéric Coux : C’est exactement le cas. De toute façon, à partir du moment où ils sont dans nos tarifs c’est que ce sont des artistes qui ne pètent pas plus haut que leur cul ! (rires) Plus sérieusement, je dois t’avouer qu’on essaye d’avoir des têtes d’affiche féminines mais c’est assez compliqué car les tarifs plutôt élevés…

L’idée principale est qu’on veut faire en sorte que dès que le public entend le nom du groupe ça lui rappelle quelque chose. On veut qu’il se dise : « tiens, je n’ai jamais vu ce groupe, c’est l’occasion ou jamais » ou bien « ce groupe je l’ai vu il y a 20 ans ! Il faut que je le revoie car ça me rappelle ma jeunesse… ». Alors bien sûr, parfois on dit de nous qu’on a une programmation de rock alternatif digne des années 90, mais on l’assume… et ça marche plutôt bien ! (rires)

Pozzo Live : Quels sont les objectifs futurs pour ce festival ?

Frédéric Coux : On ne compte surtout pas grossir ! Moi, je ne veux pas qu’on dépasse une jauge de 5000 personnes par soir. En gros, avec les pass 2 jours, si on arrive à en vendre 7000, il faudra s’arrêter là. Le but c’est que le festival reste toujours familial. Il faut que les festivaliers puissent circuler, qu’ils ne soient pas serrés, qu’il n’y ait pas une queue énorme quand ils veulent manger aux food trucks etc.

Je ne veux pas qu’on dépasse 5000 personnes par soir car si c’était le cas, le festival deviendrait autre chose et le public de fidèles ne s’y retrouverait pas. À la limite, le plus grands des objectifs c’est qu’en décembre, Les Voix Sonneuses Sud de France soit complet !

Pozzo Live : La place du Champs de Mars est donc toujours le terrain parfait pour Les Voix Sonneuses Sud de France ?

Frédéric Coux : Exactement. La place est centrale, elle est magnifique et on n’embête pas trop les gens autour. On n‘est pas impactant sur la ville car tout le monde peut y vivre et y circuler sans problème. Cette année, on avait fait un plan pour permettre aux festivaliers de se garer. En plus, on a la mairie qui est avec nous, les employés de mairie nous soutiennent beaucoup aussi. Vu qu’on est au centre-ville de Saverdun, les commerçant sont contents car certains triplent leur chiffre d’affaires, les gîtes environnants sont complets, de même pour les hôtels, les Airbnb, etc. C’est bien pour la ville de Saverdun mais aussi pour tout le département dans un sens.  Pour les festivaliers, c’est aussi le point de départ pour des vacances en Ariège pour certains qui vont faire de la rando, du canyoning, des visites… L’année dernière, je crois même que Didier Wampas s’était fait une sortie à vélo le lendemain de son concert du côté du Prat d’Albis ! Les gars d’Inspector Cluzo s’étaient aussi régalés il y a deux ans…

Je me verrai mal sortir de cet endroit car si c’était le cas, ce serait pour grossir et ça ne me conviendrait pas. Moi, je veux que les bénévoles puissent lever le pied un moment pour aussi profiter des concerts. Il faut qu’ils puissent lâcher un peu leurs missions et se faire plaisir. Il faut que ce soit humain. On tient vraiment à ça. Je connais tous les noms des bénévoles et ça me tracasserait si un jour je devais ne plus les connaitre par ce qu’on aurait grossi et qu’on aurait 400 bénévoles sans savoir qui est qui… Ça ne m’intéresse pas de faire grossir le festival. Je veux que Les Voix Sonneuses Sud de France perdurent (même si un jour je ne suis plus là) mais sans perdre ce côté humain. Cette année, on a pu rentrer un peu d’argent – c’est la première fois qu’on est à l’équilibre -, et je compte faire un vrai repas avec un concert pour remercier tous les bénévoles.

Pozzo Live : Ce repas et ce concert, c’est le Before des Voix Sonneuses Sud de France, comme l’année dernière avec Fabian Ordonez ?

Frédéric Coux : C’est ça. Ce sera un repas avec un concert pour les bénévoles qui sera aussi ouvert au public. Le but c’est que les bénévoles puissent en profiter… et qu’ils ne fassent rien d’autre, même pas servir une bière ! (rires) Ils s’assoient, ils mangent, ils boivent, ils regardent le concert et c’est gratuit…

Pozzo Live : Quels axes d’améliorations vois-tu pour Les Voix Sonneuses Sud de France ?

Frédéric Coux : Tous les ans on a des pistes d’améliorations pour l’année suivante. Cette année, il y avait la queue aux caisses pour acheter des jetons. Je pense qu’on mettra des distributeurs en plus des caisses pour la prochaine édition, par exemple. Tous les ans, on cherche à faire mieux que l’année précédente. Cette année, on a vu ce qu’il se passait quand le festival était complet. On va analyser les points noirs pour travailler dessus…

On va aussi peut-être travailler sur la déco, mettre plus de rappels vidéo pour que les spectateurs puissent voir ce qui se passe sur scène, trouver des occupations pour les enfants comme des manèges etc. Il y a toujours de nouvelles idées qui vont fuser ! En plus, on a la chance de n’avoir maintenant que des soucis mineurs !

Pozzo Live : Si tu te projettes dans deux ou trois ans, quel serait le festival des Voix Sonneuses Sud de France idéal pour toi ?

Frédéric Coux : Dans 2 ou 3 ans on a toujours 5000 personnes par soir. On a gagné un peu de sous et on se fait plaisir en faisant peut-être venir un artiste national ou international. Et on ne change surtout pas le prix d’entrée pour le public. On reste toujours en dessous de 40€ pour les 2 jours. En ce qui me concerne, ce seuil de 40€ est un seuil psychologique à ne jamais dépasser ! Et il en est de même pour la gratuité pour les moins de 15 ans et ce, même si on me dit que mon schéma économique n’est pas bon et que je me ferai plus d’argent en faisant payer les gosses. Ce n’est pas le but ! En plus, ça permet aux enfants de vivre leur premier festival et de se régaler !

 

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