Molybaron a sorti cette année son deuxième album The Mutiny. Le groupe est également retourné récemment sur les planches. C’est le guitariste Steven Andre qui nous en parle aujourd’hui.
Pozzo Live : Vous avez produit votre deuxième album, The Mutiny, vous-même tout comme le premier. Par conséquent vous n’avez pas de comparaison, mais est-ce une manière de se sentir libre ?
Steven Andre : Effectivement nous avons fait notre deuxième album en auto-production. Le fait de faire ainsi n’a rien à voir avec le fait d’avoir un label ou autre. Au moment où l’on a commencé à travailler sur le deuxième album on avait été approché par des labels, mais rien d’intéressant pour que l’on puisse signer quelque chose. Forcément lorsqu’on a commencé à faire l’album, nous avons démarré par nous même et « pour nous même ». Ce n’était pas par volonté de ne pas avoir quelqu’un au-dessus de nous, mais simplement parce-qu’il n’y avait personne à ce moment-là avec qui nous souhaitions travailler.
Par conséquent, comme pour le précédent album, nous avions un contrôle total de A à Z sur les morceaux. Parfois quelques jours seulement avant de partir en mix. Donc au final plutôt un mal pour un bien. Entre nous quatre et nos avis différents, ce n’était peut-être pas plus mal de ne pas faire rentrer une cinquième personne dans l’équation.
Pozzo Live : Inversement est-ce que ce n’est pas parfois lourd de tout porter soi-même ? Et de ne pas avoir un œil extérieur ? Ou plutôt une oreille.
Steven Andre : C’est sûr que c’est une grosse pression, mais d’un autre côté cela nous permet justement de faire la musique qu’on a envie sans essayer de plaire à d’autres personnes. C’est déjà un vrai travail d’arriver à nous plaire à nous même. On sait que dans le futur on voudra procéder et créer de la musique de la même façon parce-que finalement on se rend compte que c’est ce qui marche. Le deuxième album a été super bien reçu quasiment partout, les chroniques sont excellentes. Donc on se dit qu’on a peut-être trouvé la formule d’écriture qu’il faut continuer à garder, plutôt que de vouloir changer pour le prochain album et faire entrer des personnes extérieures. Cela dit on n’y est pas encore, on verra sur le moment. Nous avons rencontré notre manager Richard Gamba qui est un homme en or et qui s’occupe de nous. On sait que son avis et son oreille sont des choses qui nous tiennent à cœur. Forcément il fera parti du processus de création dans le sens où il nous aidera à faire évoluer les morceaux dans les meilleures directions possibles.
Pozzo Live : Vous êtes un groupe assez jeune, fondé en 2015, premier album en 2017. Est-ce qu’à notre époque pour un jeune groupe et de métal français, tu penses que l’auto-production est un peu une obligation afin de démarrer quelque chose ?
Steven Andre : Ce n’est pas nécessairement l’absolution. Je vais parler pour nous, mais je pense que plusieurs jeunes groupes vont surement se reconnaitre. L’auto-production n’est pas un choix de volonté, mais un choix de nécessité. Quand tu commences avec un groupe personne ne te connait, personne en t’attend, n’a pas spécialement envie de t’écouter. C’est déjà compliqué de demander aux gens de prendre 3 min de leur temps pour écouter un morceau, d’autant qu’ils ne se rendent pas forcément compte du temps et de l’énergie derrière un simple morceau. Nos ne sommes plus du tout à l’époque où les labels envoyaient des émissaires dans des caves pour voir des groupes qui jouent devant trois personnes en espérant trouver la perle rare et les faire signer pour les faire devenir les grandes stars de demain, cela n’existe plus. Les labels maintenant, en généralité, vous plus avoir envie de signer un groupe, une valeur sûre, qui a déjà 100 000 abonnés, 100 000 vues par clip. Ou bien un thème pour le groupe bien implanté, des histoires à raconter, etc .. C’est très compliqué, quand tu es un jeune groupe qui sort de nul part et qui a envie de faire de la musique, d’attirer l’œil des labels. Le choix de l’auto-production se pose là pour arriver à faire quelque chose. Ce n’est pas comme si, lorsqu’on a créé le groupe, il y avait 50 labels qui avaient toqués à notre porte en disant « on veut vous signer choisissez-nous ! » et qu’on leur réponde « Non non, on préfère s’auto-produire ». Tu fais ton premier album et ça se passe dans la sueur, avec des trous dans les poches. Et au bout d’un moment tu espères attirer des labels, un contrat intéressant qui permette d’essayer d’en vivre ou d’amortir un peu les choses et qui te permette de garder une liberté sur l’écriture sans être bridé.
Il y a une chose importante à noter aussi par rapport à il y a quelques dizaines d’années. C’est que maintenant grâce aux ordinateurs, aux logiciels, il est complètement possible de faire l’album du siècle dans sa chambre. A l’époque il fallait entrer en studio, faire de la production, maintenant tu peux tout programmer tous tes instruments et tout faire tout seul.
Pozzo Live : Comment est-ce que vous vous organisez pour composer ? Est-ce équitable ou celui qui est le plus inspiré qui en fait le plus ? Est-ce chacun de son côté ?
Steven Andre : Il faut savoir que 90% de l’album a été composé par Gary [Kelly]. Dans son studio dès qu’il a une idée, il enregistre, il triture les sons et c’est comme ça qu’évolue les morceaux. Parfois ce sont des jam dans notre salle de répétition, qu’il enregistre, qu’il ramène chez lui, qu’il triture également. Le gros de l’album a été composé par lui. J’ai composé quelques morceaux pour l’album, je lui ai envoyé mes extraits et mélodies.
Une fois qu’il a fait une première ossature il nous envoie l’ébauche du morceau et à ce moment-là, on commence à donner nos avis. On essaye de faire pencher le morceau dans tel ou tel sens. Parfois on bataille pour garder ou enlever quelque chose, et on essaye d’avancer dans le même sens. On fonctionne beaucoup en démocratie dans le groupe, c’est un peu la parole du peuple contre le reste.
Mais voilà la majorité des écritures viennent de Gary et de sa patte. C’est d’autant plus drôle que Gary n’écoute pas de musique du tout. Il n’est pas forcément au courant des nouveautés et nouveaux groupes et très peu influencé lorsqu’il prend sa guitare. Cela permet d’avoir un œil très neuf, plutôt une oreille très neuve sur la musique et sur ce que va devenir un morceau de Molybaron.
Pozzo Live : Quel est ton endroit favori pour écrire/composer ?
Steven Andre : La plupart du temps c’est n’importe où quand j’ai une guitare sur les genoux. J’ai énormément d’enregistrements sur mon téléphone, je dois avoir 400 ou 500 enregistrements de riffs à la guitare. Parfois ça m’arrive dans la rue, j’ai beaucoup de dictaphone où c’est moi qui fait vocalement des imitations de guitare et batterie. J’ai un peu l’air d’un débile, mais mine de rien c’est parfois comme ça que pas mal de morceaux peuvent naitre. Généralement je rentre chez moi je les enregistre, je rajoute une guitare, une basse, une batterie. Si jamais c’est assez bon je l’envoi à Gary en demandant si on peut en faire quelque chose. Je n’ai pas vraiment d’endroit c’est un peu n’importe quand. Je n’ai pas envie de jouer au vieil artiste « l’inspiration me tombe dessus n’importe quand », mais c’est un peu l’idée. Tu peux marcher dans la rue et te dire « tiens ça ferait un putain de riff cette idée » et devoir l’enregistrer tout de suite.
Pozzo Live : Vous avez donner un concert à la Boule Noire le 15 novembre dernier. Comment l’avez-vous vécu ? Était-ce comme avant ou bien bizarre de remonter sur scène pendant cette période particulière sanitairement parlant ?
Steven Andre : C’était le premier concert en 20 mois, c’était assez particulier. On avait pas mal de pression avant de monter sur scène parce-que c’était complet, il y avait beaucoup de presse et de gens importants dans la salle. Nous avions envie de bien faire, nous revenions sur scène après tant de temps et cette période ultra bizarre. Habituellement je suis plutôt serein avant de monter sur scène, je trépigne, j’ai envie de foncer tout de suite pour jouer. C’est vraiment la première fois où j’ai ressenti un très gros stress à l’idée de monter sur scène.
Une fois que tu es sur scène tu as l’adrénaline, tu as les gens, c’est fabuleux. Tu n’a juste pas envie de partir. C’est sûr que ça nous a fait du bien. Une fois sur scène tu sais pourquoi tu fais tous ces sacrifices, tout ce temps, tout cet argent dans ce groupe qui pour l’instant ne nous rapporte pas vraiment. Mais ce n’est pas pour ça qu’on le fait, on le fait pour la scène, rencontrer des gens. Au final le concert a été génial et j’aurai aimé qu’il dure 3h de plus. On espère bientôt avoir de nouvelles actualités, une tournée, on croise les doigts pour que ça arrive.
Pozzo Live : Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment et/ou qui t’inspires le plus ?
Steven Andre : En ce moment je suis à fond dans Orelsan. C’est pas très rock’n’roll, mais mine de rien son dernier album est vraiment excellent. Sinon à côté de ça j’écoute beaucoup de Periphery, de Polyphia, de Monuments. Je suis dans une période un peu djent. C’est ce qui m’inspire et qui me fait vraiment kiffer. La découverte de Periphery a vraiment révolutionné ma vision de la guitare et de la musique. Cela va forcément m’influencer pour le futur.
A côté de ça je n’ai pas encore écouté le dernier Mastodon, il faut absolument que je m’y mette parce-que je suis excessivement fan de ce groupe.
Pozzo Live : Pour les plus connaisseurs, quel est ton set up de prédilection ?
Steven Andre : Pour l’instant je suis sur Kemper. J’ai eu la chance d’être endorsé Schecter. J’ai une superbe guitare Schecter Apocalypse qui est vraiment magnifique. J’étais tombé amoureux d’elle lorsqu’on avait fait notre tournée européenne. On s’était arrêté à Cologne au Grand Music Store et je l’avais essayé et j’étais complètement tombé amoureux de cette guitare. J’ai contacté Schecter en leur disant que je faisais parti de Molybaron et que j’étais intéressé par leur guitare. Ils m’ont dit qu’eux aussi et c’est comme ça que je me suis fait endorser.
Sinon là je suis sur Kemper, mais je vais passer sur Quad Cortex de Neural très bientôt. Nouveau set up encore. Pour l’instant je peux pas vraiment dire ce que c’est parce-que ça va évoluer dans les tous prochains jours.
Pozzo Live : Un petit mot sur la pochette de The Munity, fortement artistique. D’où vous vient le concept et la réalisation de celle-ci ?
Steven Andre : Gary est graphiste de métier. C’est lui qui a fait toute la pochette et l’artwork du premier album. Pour le deuxième album on a beaucoup discuté et on s’est dit qu’on voulait quelque chose de complètement différent. On aurait bien aimé avoir une peinture, quelque chose de dessiné à la main, qui change du côté photo-réaliste du premier album. Nous avons fait un Pinterest en commun et on a passé des heures à scroller et rajouter des images dans un dossier partagé. On a accumulé 500 ou 600 photos, images, dessins. Gary m’a dit qu’il allait faire un tour du côté des artistes russes, car ils ont une vision de l’art particulière et une patte bien à eux. Parmi plusieurs images il m’en a proposé une qui se trouve être la pochette de l’album, réalisé par un artiste nommé Oleg Smirnov. Et tout de suite j’ai beaucoup aimé l’ensemble, l’homme, le loup, le fait que ce soit centré. Nous savions déjà que nous voulions partir sur des dominantes de couleurs blanc, noir et rouge. Forcément ça tombait parfaitement. On a continué à chercher et quelques jours plus tard on se dit que finalement c’est cette image là qu’on veut. Nous avions déjà le titre de l’album, The Mutiny, et l’image faisait tout à fait écho à cela. On a contacté l’artiste et on a acheté les droits sur le triptyque d’œuvres dont faisait parti l’image. Ensuite Gary l’a un petit peu retravaillée, pour donner le côté un peu froisé, gratté, qu’on retrouve sur la pochette.
On est très fier de cette pochette. Les gens y ont très bien réagi. Cela va être dur d’en trouver une pour le prochain album qui soit aussi forte. Mais on va relever le challenge.
Pozzo Live : Vous avez eu un invité sur The Mutiny. Est-ce quelque chose que vous seriez ouvert à reproduire par la suite. Déjà des noms de personnes avec qui vous aimeriez faire une collaboration ?
Steven Andre : Sur cet album nous avons la chance d’avoir Whitfield Crane, le chanteur d’Ugly Kid Joe, sur la chanson « Twenty Four hours« . Ce featuring s’est posé très naturellement, on n’a pas cherché à avoir quelqu’un forcément. On essaye pas d’avoir un featuring avec quelqu’un de connu pour avoir une sorte de traction et se cacher un peu derrière ça. Nous avons complètement confiance dans les autres chansons et dans l’album. On a passé un super moment avec ce gars et la collaboration s’est proposée très naturellement. Nous sommes très content de l’avoir comme un souvenir de notre rencontre. Il jouait au Bataclan et il est venu nous voir la veille quand on jouait à la Boule Noire. Il est venu avec une amie à moi et à la fin du concert elle me dit « sort vite y a Whit qui veut vous parler ». On a commencé à discuter, il a dit qu’il a adoré le concert et on a prit un verre. Une semaine après c’était un dîner plus un verre, on a fini par faire un jam ensemble. De fil en aiguille, la proposition de faire un feat sur l’album s’est très vite proposée. De façon tout à fait naturelle et amicale, pas de façon business. On lui a envoyé le morceau et deux jours après il était en studio pour enregistrer sa partie.
Pour revenir à la question, bien sûr qu’on aimerait avoir des collaborations parce-que c’est toujours plaisant d’avoir quelqu’un de doué, qu’on apprécie ou même une idole de jeunesse. James Hetfield ou autre [rires]. J’adorerais avoir Spencer de Periphery ou Michael Poulsen de Volbeat. Mais encore une fois c’est pas quelque chose qu’on va rechercher. Si cela doit être fait, cela se présentera spontanément et comme une marque de respect pour quelqu’un qu’on apprécie. Pas « s’il-te-plait pose sur la chanson comme ça on sera plus connu ». Si demain on part en tournée avec Metallica [sourire] et qu’au détour d’un couloir James Hetfeild nous dit qu’il aimerait enregistrer sur une de nos chansons forcément on dirait oui. Cependant on ne veut pas qu’un feat avec quelqu’un de connu éclipse tout le reste et tout le travail qu’il y a sur l’album, ce qui arrive parfois. Ce dont on est fier c’est que les gens n’ont pas l’air de trop mettre en avant le featuring. Ils trouvent l’album très bon et que la collaboration est la cerise sur le gâteau. Un bonus de kiff sur déjà beaucoup kiff.
Pozzo Live : Un featuring avec Orelsan peut-être bientôt ?
Steven Andre : Cela serait rigolo. Je ne suis vraiment pas sûr, mais ça serait drôle [rires]
Pozzo Live : Quel serait votre objectif à court à terme et celui à plus long terme ? Une case que vous aimeriez cocher ?
Steven Andre : L’objectif à court et long terme sera un peu le même. A court terme on aimerait vraiment partir vite en tournée. On avait eu la chance de faire une tournée européenne il y a deux ans, 14 pays, le rêve c’est de repartir. J’en connais des groupes qui font France-Belgique-France et appellent ça tournée européenne.
Pozzo Live : Comme les groupes internationaux qui font l’Allemagne et le Royaume-Uni et appelle ça tournée européenne.
Steven Andre : Oui exactement ! Nous on se levait en Bulgarie, le soir on était en Roumanie, le lendemain on était en Autriche et deux jours après on était en République Tchèque.
L’objectif à court terme ça va être vraiment de tourner. Et à plus long terme ça va être de continuer à créer notre musique, de faire en sorte que plus de gens écoutent, nous suivent. Que ça fonctionne tout simplement, même si ce n’est pas très original. Au niveau des évènements, des cases à cocher, je rêverais de jouer au Hellfest, au Graspop, en première partie d’une de mes idoles de jeunesse si ça se présente.
Mais sinon tourner, qu’importe où. Je pars d’un principe que la tournée nous a appris : il faut avoir confiance quand tu monte sur scène, et se dire que même si la salle n’est pas de notre côté on va tout faire pour le changer. On va se donner à fond pour qu’à la fin du concert les gens headbang, bougent et soient super content. Finalement tu peux nous mettre au Lollapalooza ou a Solidays on sait qu’on va se donner à 500% et qu’à la fin du concert on arrivera à faire bouger les gens. Même si à la base ce n’est pas forcément des festivals où tu nous attends.
Pozzo Live : Molybaron, Solidays 2022 !
Steven Andre : Parfaitement ! [Rires]
Pozzo Live : Quel groupe ou artiste tu conseillerais à Pozzo Live d’interviewer ensuite ? Il faut d’ailleurs savoir que Molybaron est le conseil de Bukowski.
Steven Andre : Je les remercie et j’en profite pour dire qu’on pense très très fort à eux. On est de tout cœur avec eux dans cette difficile épreuve. [Ndlr : référence au récent décès du basiste Julien Dottel, frère du chanteur et guitariste Matthieu Dottel]. On les avaient croisés et joués avec eux plusieurs fois. A chaque fois il avait un sourire jusqu’aux oreilles, à avoir un mot gentil. Pendant les balances il passait sa tête depuis les coulisses, en plein morceau pour nous dire « putain ça sonne ! ». Un mec génial.
Concernant mon conseil je vais plutôt parler des groupes un peu émergeants, qui mériteraient vraiment qu’on en parle. Je pense principalement à Nord, qui est un super groupe. Et aussi à Maps and Foils qui est aussi un super groupe. Une espèce de hardcore français en français, qui mériterait complément sa place sur une scène à côté d’un Pogo Car Crash Control.
Après il y a d’autres groupes français géniaux qui cartonnent comme Dropdead Chaos. Avec Renato au chant, qui est un des meilleurs chanteurs français actuels et qui est un homme adorable.
Merci à Steven Andre pour le temps qu’ils nous a accordé.