Laellou, chanteuse du groupe Needle Sharp, nous a reçus au Black Dog le 8 juillet dernier pour la journée promotion de Dark Lies Effects. Un album fort bien emmené, qui se déguste en version amplifiée mais aussi en version acoustique sur YouTube. Un rock moderne, capable de mélanger des accents bluesy et métal, qui se vivra assez différemment selon que vous l’écouterez dans le confort de votre canapé ou depuis la fosse d’une salle de concert.
Pozzo Live : Bonjour Laellou ! J’avais noté « qui se colle à la présentation du groupe » dans mes questions, mais tu es venue toute seule !
Laellou : Bah je vais m’y coller alors ! (rires) On s’est formés fin 2011, il y a déjà quasiment 9 ans, mon dieu ! On était 5 au départ, 2 guitares, 1 basse, 1 batterie, 1 chanteuse. Notre style au départ était plutôt heavy, avec un premier EP/démo qu’on a sorti en 2014. En 2016, notre guitariste rythmique a voulu faire autre chose. Le fait d’avoir une guitare en moins nous a permis de prendre un virage un peu plus moderne, en introduisant des samples notamment. On a du coup mis un an à réadapter notre set amplifié et notre set acoustique. Ca a été aussi l’occasion de nous remettre à écrire, avec un premier single Feel It, qui a été suivi par le reste de l’album. Au final, Dark Lies Effects était prêt en 2018, mais j’ai eu des soucis de santé, et on a préféré attendre pour le sortir d’être capable de le défendre. Ce qui nous a amenés… à la crise sanitaire ! (rires) C’est pour ça qu’on est contents qu’il sorte enfin, car il représente vraiment notre son à l’heure actuelle, et on voulait prendre date.
Pozzo Live : Il y a une histoire derrière le nom Needle Sharp ?
Laellou : C’est un héritage que nous a laissé le premier bassiste, qui n’est pas resté très longtemps. Il était parti sur une idée d’aiguilles, car on est tous tatoués et fans de tatouages. A force de tourner autour, Needle Sharp est sorti et nous correspondait bien, avec ce double sens de « précis, carré, tranchant » et de « aiguille bien affûtée ».
Pozzo Live : Vous êtes surtout un groupe de scène, notamment toi qui est assez déchaînée ?
Laellou : Carrément ! Je bouge beaucoup sur scène, passées les 5 premières minutes de trac absolu. Bouger est un exutoire aussi! La scène est notre ADN. On fait attention à notre son, on veut quelque chose de propre, mais on est avant tout dans la volonté de transmettre une énergie et de partager avec le public. C’est un exercice d’ailleurs car on joue au click maintenant qu’on utilise des samples, ça nous force à être carrés. Dans l’EP on a essayé d’équilibrer plus, on joue moins à l’énergie et plus à la subtilité. Mais sur scène, on adopte un gros son rock, on envoie de l’énergie, on veut que le public en pleine plein la figure.
Pozzo Live : En 8 ans vous avez usé pas mal de scènes. Quel est le meilleur souvenir que tu en gardes ?
Laellou : C’est une petite date, lors d’une fête de la musique juste après l’arrivée de Nohan (batterie). On est à Arpajon sous une halle, on s’attend à peu de public, d’ailleurs les premiers groupes jouent devant une quarantaine de personnes. On s’installe dos au public, et quand on se retourne… la halle est pleine, il y a au moins 500 personnes. Le public a été hyper réceptif, il a bien bougé, et Nohan qui faisait sa première date avec nous n’en revenait pas. Et nous aussi, car on avait beau être un groupe de l’Essonne jouant en Essonne, on ne s’attendait pas du tout à ce qu’autant de monde vienne. Il y a eu un alignement des planètes ce jour là, ça reste un de mes meilleurs souvenirs de scène.
Pozzo Live : Votre line-up est prêt à conquérir le monde ?
Laellou : On reste des gens qui ont une activité professionnelle à côté et qui en sont plutôt contents, donc on ne va pas forcément conquérir le monde ! C’est sûr qu’on a envie d’acquérir notre public, de jouer plus, de s’auto-financer, mais ça ne va pas forcément plus loin. A part si gros coup de chance et que quelqu’un vient nous chercher avec un gros contrat bien sûr !
Pozzo Live : Avez-vous prévu une tournée pour défendre l’album ?
Laellou : On aimerait, mais on attend de voir comment la situation évolue. On aimerait bien tourner en 2021, si les agendas des salles le permettent encore. On nous propose déjà des dates pour 2020, mais si c’est pour retourner sur scène et voir des gens séparés de 2 mètres… ce n’est pas vraiment l’ambiance qui convient à notre musique. Donc on préfère patienter un peu, attendre d’être sûrs de pouvoir jouer.
Pozzo Live : Il y a des dates qui te feraient particulièrement envie ?
Laellou : On aurait bien voulu faire une release party sur Paris au Klub ou au Bus Palladium, mais on est réduits en termes de choix. On a eu plusieurs propositions dans le Sud-Est, donc on va voir si on peut bouger un peu en France. On aimerait aller voir du côté des pays de l’Est, mais ça sera dans un second temps.
Pozzo Live : Parlons un peu de votre style. Vos sessions acoustiques ont un style presque jazzy. Pourquoi avoir 2 sets différents ?
Laellou : C’est vrai qu’on a beaucoup travaillé le set acoustique, qu’on a quasiment intégralement filmé. Tu mentionnes le jazz, il y a un morceau non filmé qu’on est en train d’arranger où on est carrément sur un blues. J’ai fait pas mal de jams, où tu tombes souvent sur des blueseux / jazzeux, donc cette palette-là a dû se développer aussi chez moi je pense. On a fait l’acoustique parce qu’on avait envie de retravailler nos morceaux, et on s’est dit que si le morceau sonne en acoustique, c’est qu’il tient la route mélodieusement. C’était un peu une épreuve du feu, et puis un set acoustique a l’énorme avantage, quand tu joues en Île-de-France, de pouvoir se monter un peu n’importe où. C’est donc beaucoup plus facile de trouver des dates et de jouer, ce qui est un peu notre motivation principale ! C’est drôle d’ailleurs, parce qu’on a tout un public qui nous a découvert en acoustique et qui vient ensuite à notre set amplifié sans avoir jamais écouté avant de rock ou de métal. On est sur un rock accessible, et on a eu plusieurs retours de gens comme ça qui ont découvert ce style en venant nous voir. C’est plutôt cool quand même, non ?
Pozzo Live : Parlons un peu de l’album, en commençant par cette jolie pochette. Pourquoi avoir choisi l’ambiance Tim Burton ?
Laellou : Déjà parce que Tate Shéol est très influencé par lui ! Il a réalisé la poupée qu’on a prise en photo pour la pochette, on aime beaucoup son univers et on voulait le faire connaître. On souhaitait vraiment travailler avec un plasticien en-dehors du monde de la musique, pour croiser les regards et s’apporter mutuellement quelque chose. Il travaille beaucoup autour de la couture, ce qui tombe bien quand on s’appelle Needle Sharp ! Les mélanges de matières qu’il utilise le rendent difficile à classer, ce qui là aussi nous rapproche un peu (rires). Le choix du montage a été fait par le notre bassiste Gus, qui a fait la photo. Les textes qui parlent beaucoup d’oppression et de manipulation lui ont inspiré l’idée de cette araignée qui terrorise la poupée.
Pozzo Live : Tu disais que vous êtes inclassables, et c’est vrai que votre registre va du Heavy au Prog en passant par le Black…
Laellou : C’est une variété qu’on cultive. J’ai conscience que ça peut être déroutant pour certains, qui peuvent penser qu’on se cherche. Mais pas du tout, c’est juste qu’on se fout des étiquettes, on aime avant tout faire de la musique qui nous parle, on joue ce qui nous plaît. On n’a pas vraiment envie de se garer dans un style, on apprécie que notre musique évolue avec le temps. Il y a un public qui est réceptif à cette démarche, et même si notre style évolue les gens reconnaissent notre « patte ». Tout en gardant un fil conducteur, on n’est pas prêts de s’arrêter de mélanger les genres !
Pozzo Live : Toi qui écrits les paroles, comment choisis-tu les thèmes que tu abordes ?
Laellou : Les 4 chansons amplifiées ont un même fil conducteur. On n’est pas sur des thématiques très joyeuses. Il y a une expression qui dit « Il faut être un peu fêlé pour laisser passer la lumière« , et mes textes parlent un peu de ces fêlures qu’on peut avoir. On parle de manipulation au quotidien qu’on peut avoir même avec des amis ou des proches, des instants qui ne sont pas toujours très agréables à passer. Ou de manipulation politique, d’oppression religieuse… L’idée directrice de Broken, c’est en gros « C’est tellement la merde qu’il faut tout casser pour que ça change« . Tu vois un peu l’ambiance ? On est dans un monde compliqué, mais peut-être qu’il y a une brèche quelque part, peut-être qu’il faut que ça change quand même.
Pozzo Live : Est-ce que ça se rattache à du vécu ?
Laellou : Certaines plus que d’autres. Sur Feel It je parle de rencontres vraiment malsaines que tu peux faire parfois, et de gens qui vont exploiter les faiblesses qu’ils sentent dans les gens un peu naïfs comme moi.
Pozzo Live : L’écriture t’a servi d’exutoire face à ces mauvaises expériences ?
Laellou : Oui. J’écris depuis que j’ai 15 ans et que j’ai joué avec mes premiers groupes. Il y a des choses qui sont plus faciles à dire par écrit que de face quand tu es jeune.
Pozzo Live : Comment mettez-vous en musique ces paroles ?
Laellou : C’est assez variable. Ca peut partir d’un petit riff autour duquel on va broder, comme on peut partir d’une trame incomplète qu’on va habiller. L’exercice est vraiment collectif, on aime tripatouiller ensemble autour d’une idée de base. C’est plus long, mais c’est quelque chose qu’on cultive. C’est aussi ce qui fait qu’on n’a pas un style posé, car chaque chanson est influencée par nos styles différents.
Pozzo Live : Par quoi a été guidé le choix d’enregistrer un live sur bande ?
Laellou : Cet enregistrement qu’on a fait au studio 180 à Paris, c’était un style en soi. On a eu beaucoup de retours sur le fait que l’album sonne un peu vintage, mais c’est un choix conscient qu’on a décidé avec l’ingénieur du son et le producteur. L’enregistrement live était possible, déjà parce qu’on a l’expérience de jouer beaucoup en live, et pour retrouver une forme de l’énergie qu’on communique en live. Ils ont utilisé une console SSL à l’ancienne, en pur analogique le plus longtemps possible. Ca permet d’avoir un son qui n’est pas sur-produit. Certes le son est moins gros que sur les productions modernes, mais on a réussi à avoir une balance où on entend bien tous les instruments, mixé un peu plus à l’ancienne, mais qui sonne plus authentique. Arnaud Bascuñana nous a beaucoup poussés dans cette direction qu’il aime bien, et on ne le regrette pas.
Pozzo Live : Merci d’avoir répondu à nos questions. Avant de nous laisser, qui pourrais-tu nous recommander d’interviewer ensuite ?
Laellou : Elle est dure ta question ! Comme on a rejoint Another Management il n’y a pas longtemps et qu’ils viennent de faire une date avec eux, tu devrais regarder du côté de Drop Dead. C’est un groupe un peu comme nous, qui est dans l’entre-deux, et qui a sorti son EP il n’y a pas longtemps.
Merci à Replica Promotion d’avoir organisé cette rencontre, et à Laellou pour son temps! L’EP Dark Lies Effects est sorti le 14 mai 2020 et peut être écouté sur toutes les plate-formes de streaming comme Spotify. Vous pouvez suivre le groupe sur son site internet ainsi que sa page Facebook.
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