Nous avons échangé avec Patty Walters à propos du dernier album d’As It Is. I Went To Hell And Back est sorti en début d’année déjà mais nous avions profité de la sortie du clip de I Hate Me Too pour revenir sur la création de cet opus avec le chanteur.
Pozzo Live : Votre album est sorti depuis quelques mois maintenant, mais comment avez-vous réussi à l’écrire avec la pandémie que nous avons connu ? À quel niveau cela vous a-t-il changé de vos habitudes ?
Patty Walters : Pour être honnête, je crois que tout a changé. C’était clairement une expérience d’écriture et d’enregistrement unique et inattendue. On a commencé l’écriture de cet album fin 2019 quand le monde était encore normal et tel qu’on le connaissait. Ensuite, quand la pandémie et le confinement sont vraiment arrivés en mars, on devait enregistrer l’album à Los Angeles en 2020. Quand cela a bien entendu été annulé, on a pris la décision de continuer d’écrire et d’enregistrer avec Zoom et Dropbox respectivement. On s’appelait, on conceptualisait une chanson ensemble, pour avoir un début, que ce soit un riff, une idée vocale, des paroles un peu accrocheuses, une mélodie. On développait ça ensemble, on raccrochait. Chacun écrivait ensuite sa partie unique, puis on se retrouvait pour voir où la chanson en était. On a procédé de cette façon pour la majeure partie des 14 chansons de cet album. Lorsqu’on s’approchait de la fin de cette expérience d’écriture et d’enregistrement, on était plus détendus, plus habitués. Certaines chansons ont été enregistrées à Los Angeles avec notre producteur Zack Jones. Je crois que c’était à l’automne 2021. On a passé la plupart du temps à faire cet album dans nos maisons respectives, à des endroits géographiques différents, des continents et fuseaux horaires différents. C’était un véritable challenge, mais également un véritable plaisir, et je suis très fier de ce qui en est ressorti.
Pozzo Live : Est-ce que vous avez un endroit favori où vous aimez composer ?
Patty Walters : Ça dépend vraiment. Il y a certaines chansons qui sont vraiment le produit d’une collaboration, qui dépendent de qui se trouve derrière un écran d’ordinateur, ou au studio chaque jour. Là, il s’agit vraiment d’expériences collaboratives et certaines chansons existent uniquement parce qu’une personne en particulier était présente dans la pièce, un jour précis. Mais il y a d’autres chansons que j’essaie d’ajuster au fur et à mesure, une décision à la fois. J’aime les deux procédés pour ce qu’ils ont à offrir. J’aime être dans une pièce avec un groupe d’amis ou même d’inconnus, à créer quelque chose sorti de nulle part, que personne n’aurait pu prévoir ou anticiper. Mais parfois, c’est tout aussi satisfaisant de passer ce temps seul, de prendre du recul et de faire attention à chaque décision. J’aime beaucoup ces deux façons de faire. Je pense que ça ne serait pas un album de As It Is si les deux procédés n’étaient pas représentés dessus.
Pozzo Live : Qu’est-ce que vous écoutez comme musique ? Qu’est-ce qui vous inspire ? Chez Pozzo Live on est plusieurs à entendre du bon Bring Me The Horizon en écoutant « I Can’t Feel A Thing »
Je suis d’accord. On a été extrêmement inspirés par les albums Sempiternal et That’s The Spirit de Bring Me The Horizon. Et entre ces deux albums, il y a eu White Noise de PVRIS. Je crois que ce sont les deux groupes qui ont influencé cette chanson en particulier. Mais pour ce qui est de l’inspiration du groupe et de cet album en particulier, il y a vraiment de tout. Ça va du pop-punk, que ce soit la recrudescence actuelle du genre, mais aussi le style des débuts dont nous sommes tombés amoureux il y a 20 ans. Il y a beaucoup de pop et de hip-hop qui a inspiré l’album, beaucoup de lofi. Il y a tellement d’influences qui ont défini l’album. En ce qui concerne ce que j’écoute, c’est soit aussi lourd qu’on peut imaginer la musique, ou bien aussi calme et relaxant qu’on peut l’imaginer. J’adore plein de groupes hardcore et metalcore en ce moment, mais j’écoute tout autant des chanteurs compositeurs acoustiques. C’est un spectre très vaste. J’écoute tout ce qui peut être compris entre tout ça.
Pozzo Live : Quels groupes de 2003 vous manque le plus ? Hormis New Found Glory et Good Charlotte ! [référence aux groupes cités dans la chansons « I Miss 2003 »]
Patty Walters : J’essaie de réfléchir à des groupes que l’on entend plus maintenant… Mais au milieu des années 2000, tous les plus gros groupes emo étaient géniaux à mes yeux. Il y avait My Chemical Romance, Panic ! At The Disco, Fall Out Boy et Paramore. Je pense qu’ils faisaient, et font toujours, partie des meilleurs groupes que le monde n’ait jamais vu. Et j’aimais l’ambition de tous ces groupes. L’ambition esthétique, musicale, et juste l’immense succès que ces groupes ont eu, pas juste en termes de notoriété, mais aussi pour les communautés que ces groupes ont créées. Je trouve que c’est génial. C’est la chose la plus importante et intégrante qu’on peut rêver d’accomplir quand on est un groupe, de rassembler une communauté de gens, une cause, comme une famille. Je trouve ça tellement inspirant. Ces groupes, plus que n’importe quels autres, ont réussi ça d’une façon si significative. On le voit bien à travers les concerts de réunion de My Chemical Romance qui se déroulent en ce moment au Royaume Uni. Je trouve ça tellement excitant. Et ces groupes, et cette époque de la musique, sont ce qui me manquent le plus de l’année 2003. Et aussi cette sorte d’explosion emo du milieu des années 2000 qui m’a vraiment inspiré, et défini en tant que personne.
Pozzo Live : Avez-vous réussi à voir My Chemical Romance depuis leur reformation ?
Patty Walters : Je ne les ai pas vus depuis les années 2000. Ma femme a été à leurs concerts à Milton Keynes il y a deux semaines et a dit que c’était incroyable. Elle m’a rapporté un t-shirt et je lui en suis très reconnaissant. Je les ai vus deux fois. La première fois c’était à Brixton Academy quand ils faisaient la première partie de Taking Back Sunday. Et la deuxième fois que j’ai vu My Chem’, c’était sur la main stage du Reading Festival. Ils se sont presque fait huer par la foule qui attendait le passage de Slayer. Donc c’était assez mémorable, ils étaient géniaux et ils ont géré cette situation mieux qu’aucun groupe n’a jamais géré quelque chose comme ça. C’était très inspirant.
Pozzo Live : Les débuts du groupe étaient tournés sur des sonorités pop-punk, The Great Depression tendait vers l’emocore. Cela s’est plus que confirmé sur I Went To Hell And Back. Diriez-vous que cette évolution est liée à une volonté de changement ? Une maturité ? De nouvelles influences ? Des collaborations ?
Patty Walters : C’est une manière de vouloir prédire où le paysage musical va se diriger par la suite, à quoi la scène va ressembler et quelles seront les sonorités du futur. De toute façon, on n’a jamais été le genre de groupe qui veut réécrire le même album sans cesse. L’une des choses que l’on a toujours voulu accomplir et dont je suis le plus fier, c’est de grandir et d’évoluer musicalement en tant que groupe, de repousser nos limites de compositeurs et de créateurs, en restant avant tout authentiques. Chaque album est différent du précédent, et c’est tout à fait intentionnel. C’est quelque chose qui a toujours été important pour nous.
Pozzo Live : À propos de collaborations, comment celle avec Set It Off et JordyPurp à vue le jour sur In Threes ?
Patty Walters : On connait Set If Off depuis huit ans maintenant. Ils nous ont emmenés sur leur toute première tournée en Amérique du Nord début 2015, et sont nos amis depuis ça. On a eu l’occasion de tourner ensemble, de jouer à des festivals ou des Warped Tours ensemble. Quand on était à Los Angeles pour finir l’album, on a demandé à Cody s’il pouvait passer au studio un jour, et il l’a gentiment fait. Et en l’espace d’une journée, on a écrit cette chanson qui s’intitule In Threes. Dès qu’on a commencé d’écrire les paroles du titre qui racontent que les tragédies arrivent toujours par trois, on s’est rendu compte d’à quel point cela serait plus conceptuel, et que cela aurait plus d’impact, si on avait trois artistes et trois voix sur le morceau. Jordy est un bon ami à nous, on adore tout ce qu’il fait, donc on lui a rapidement envoyé la chanson. Il a écrit sa partie, l’a enregistrée très vite. Et voilà, très rapidement la chanson a été terminée et mise sur l’album. Je suis très heureux qu’elle ait franchi la ligne d’arrivée avec toutes les autres chansons. C’est l’une de mes préférées, on adore la jouer.
Pozzo Live : La chanson est différente du reste de l’album. On dirait qu’elle est un peu à part.
Patty Walters : On la joue en ce moment en assurant la première partie de Mayday Parade au Royaume Uni. Je dis toujours quelques mots avant qu’on la joue, en indiquant que c’est une chanson plutôt pop. Elle est indépendante, c’est comme une île sur la setlist, qui n’a pas grand-chose à faire là, mais c’est pour ça que c’est fun de la jouer. Elle est autonome, et elle mérite sa place. C’est marrant de ralentir un peu la cadence, de jouer cette chanson pop bien vaseuse au milieu de tout le rock emo qu’on joue. C’est pour cette raison que j’adore le fait qu’elle soit sur l’album.
Pozzo Live : Certains pensent que le format album s’épuise avec l’arrivée des plateformes en ligne. Celles-ci mettent plus en avant des chansons seules. De plus en plus d’albums sortent avec beaucoup de titres déjà connus en amont. Pour le vôtre, 6 titres sur 14 étaient sortis en single. Pensez-vous que le format album s’arrêtera ou bien les nouvelles façons de faire, comme vous, suffiront ?
Je suis un grand adepte des albums. J’adore les albums. Je pense qu’ils auront toujours leur place. Les concept albums, et juste ces recueils de chansons qui solidifient l’ère d’un artiste seront toujours pertinents, agréables, et évocateurs. Je comprends parfaitement les avantages stratégiques de la culture des singles et des EPs, et le côté pratique du streaming, qui permet d’avoir tous les albums du monde dans ta poche à tout moment. Mais les vinyles auront toujours un côté sentimental pour les gens, que ce soit les artistes ou le public. Les albums auront toujours leur importance, et seront toujours présents. Le truc, c’est que l’industrie de la musique va continuer de changer et d’évoluer, et d’être différente de ce qu’on connait actuellement. Mais je pense que les albums seront toujours là. J’écouterai toujours des albums autant que des singles. Je pense qu’il y a assez de place pour que les deux formats existent et prospèrent. On est très partisans des albums, c’est pour ça qu’on continue d’en écrire et d’en sortir.
Pozzo Live : Vous êtes actuellement en tournée du Royaume-Uni avec Mayday Parade. J’espère déjà que tout se passe pour le mieux. Est-ce que cela présage d’une tournée plus internationale à venir ?
Patty Walters : Je pense qu’on peut dire ça oui. On est en train d’organiser et de gérer les questions logistiques. Le monde est très différent de la dernière fois où on a tourné en dehors du Royaume Uni, et les groupes sont très différents aussi. Il y a beaucoup de villes et de pays qui nous ont manqué ces deux dernières années et on a hâte d’y retourner. La priorité de notre groupe c’est de retrouver ces villes et le public qu’on aime et qui nous ont beaucoup manqué.
Pozzo Live : Il y a quelques temps dans tes vidéos Youtube tu annonçais avec fierté être « Straigh Head » [Ne jamais avoir rien consommé de nocif (alcool, drogue, …)]. J’ai cru comprendre plus récemment que c’est toujours le cas, ce qui est tout à ton honneur. Est-ce aisé de maintenir ce cap dans une société où l’on est facilement tenté, parfois avec insistance, par ce genre de consommations ?
Patty Walters : C’est intéressant. Je suis toujours straight head. C’est toujours une grosse partie de mon identité et de ce que je suis. J’aime bien penser que le monde est devenu plus tolérant envers ce genre de choses, envers la façon dont on s’identifie et envers les choix qu’on fait. Ce n’est plus quelque chose qui apporte de la confusion autour de moi, comme ça a pu être le cas auparavant. Mais ça vient peut-être également du fait que je passe la plupart de mon temps dans un domaine très tolérant et très ouvert. Mais c’est toujours une grande source de joie pour moi de maintenir cette décision de rester sobre, de m’abstenir de toute drogue, alcool. Je pense que c’est l’un des meilleurs choix que j’ai fait de ma vie.
Pozzo Live : À ce-jour quelle est votre meilleure expérience de festival ? En tant qu’artiste sur scène.
Patty Walters : En y réfléchissant, je pense qu’en tant qu’artiste, la meilleure expérience de festival que j’ai eu c’était de jouer sur la main stage de Slam Dunk en 2019, et l’an dernier en 2021. De la même façon, jouer sur le tout dernier jour du Vans Wrapped Tour c’était extrêmement spécial pour moi, et voir Pennywise jouer le tout dernier riff du Vans Wrapped Tour qui a duré 25 ans, c’était vraiment spécial. Avoir fait partie de quelque chose d’aussi important et emblématique, d’une contribution aussi cruciale de la scène musicale, c’est quelque chose que je n’oublierai jamais. Je suis vraiment reconnaissant d’avoir fait partie du dernier Vans Wrapped Tour, et d’avoir été témoin de la toute dernière performance qui a eu lieu là-bas.
Pozzo Live : Quel artiste ou groupe vous conseilleriez à Pozzo Live d’interviewer ensuite ?
C’est fascinant comme question. L’un de mes groupes préférés, qu’on n’entend plus trop, mais qui est toujours actif de temps en temps, c’est un gars nommé Joe Boynton qui est le chanteur du groupe Transit. Maintenant il travaille sur un projet solo, ça s’appelle Narrowcast. Mais Transit était un groupe emo pop punk venu de Boston, et c’était vraiment un de mes groupes préférés de tous les temps. Leur dernier album s’appelle Joyride, je pense que c’est l’une des meilleures contributions jamais écrites dans le domaine pop punk et emo. Tout ce que fait Joe est si spécial. Il est parolier, vocaliste, chanteur, il est vraiment spécial. Je vous encourage vraiment à interviewer Joe parce qu’il est très intéressant. Il a écrit certaines de mes chansons préférées. Il a beaucoup inspiré ce groupe. Ça serait mon conseil, c’est sans doute un peu égoïste car j’adore écouter Joe parler de plein de choses, il est extrêmement intéressant et extrêmement éduqué sur ce domaine.
Interview réalisée par Gaël le 06 juin 2022