Pour tous les amateurs de DSBM (Depressive Suicidal Black metal), nous avons fait la rencontre du One Man Band Trëma. Un projet qui ne manque pas d’ambition et produit avec les tripes !
POZZO LIVE : Bonjour, merci beaucoup pour l’interview que tu m’accordes aujourd’hui. Pour ceux qui ne te connaisse pas, comment définirais-tu Trëma ?
TRËMA : Pour moi Trëma est un projet à la fois musical, visuel et textuel. J’accorde de l’importance à tout et essaie d’allier mon amour de la photo au travers de Black Opale Photo avec la musique et de mélanger tout ça.
Trëma c’est aussi du texte car j’aime la littérature depuis tout petit. La poésie est très importante, il faut que ce soit bien écrit. Malheureusement dans le metal ça passe souvent à la trappe.
POZZO LIVE : Dis-nous, qui se cache derrière Trëma ?
TRËMA : Physiquement, il n’y a que moi qui compose mais dans l’idée je ne suis pas certain que ce soit vraiment moi. Je dirais plutôt que je suis un vecteur, un médiateur, les mains qui mettent en place les choses… En général, je ne suis pas pleinement conscient pendant la composition que ce soit pour l’album, l’EP, les photos, les textes… J’ai du mal à en éprouver de la fierté car je n’ai pas l’impression d’en être vraiment le créateur. Le prochain album va en parler.
POZZO LIVE : Quand est né ce projet ?
TRËMA : Depuis que j’ai commencé à jouer de la musique il y a une vingtaine d’années, je savais que je voulais composer un album. Trëma a toujours été là mais j’avais besoin d’expériences que ce soit d’un point de vue musical ou expériences de vie pour que le projet naisse. Au départ ça devait s’appeler Fataliste mais le nom ne me plaisait pas.
Le projet était de parler de la dualité entre le cœur et la raison, ce que je ressentais au quotidien entre mes rêves et la réalité d’accomplissement. Ce n’est pas toujours facile d’assouvir ses rêves, je pense que c’est la même chose pour tout le monde. C’est aussi métaphorique dans la dualité entre ce que pense le cœur, ce qui est raisonnable de faire ou ce qui est acceptable de faire. Certains réussissent très bien à les concilier, pour ma part c’est plus compliqué. J’ai beaucoup de mal entre le raisonnable et l’envie. Ça fait un mélange à la fois sentimental et mathématique.
POZZO LIVE : Donc ce projet est un peu comme un exutoire pour toi ?
TRËMA : Oui clairement. Il me fallait un mode de communication différent alors que je n’avais plus d’instruments à ce moment-là. Le guitariste du groupe a pris les devants et m’a mis sa guitare entre les mains, sa carte son et m’a laissé me débrouiller avec tout ça. J’ai branché la guitare, installé un logiciel de son et les compositions étaient sorties 3 semaines après.
POZZO LIVE : La composition d’un morceau te prend combien de temps en moyenne ?
TRËMA : C’est aléatoire. Je vais avoir un début d’idée, peut-être m’arrêter pendant 3 ou 4 mois, mais quand je reprends j’y consacre une trentaine d’heures. Pendant ce temps là je ne fais rien d’autre : je ne réponds pas au téléphone, je ne sors pas, je ne discute pas… Je reste focus.
POZZO LIVE : As-tu des influences particulières ?
TRËMA : Oui, Madonna « rires ». J’ai assez rapidement arrêté le « vrai » black. Autrement, toute la scène post black, blackgaze, black atmosphérique et en grande partie Alcest qui a été un marqueur même si je fais tout pour ne pas leur ressembler. Ça a trop été fait et surtout je veux avoir ma propre identité. On peut également citer du DSBM avec Silencer, Gris, Miserere Luminis, Sombre Forêt qui sont des dieux du genre.
POZZO LIVE : As-tu un thème de prédilection ?
TRËMA : C’est plutôt le thème qui s’impose à moi. Plus j’y réfléchis et moins je trouve. Il y a un coté très spontané, en général si ça sonne trop logique ça dégage. Je ne fais pas de concept album mais dans la philosophie de l’album, je m’efforce de garder un fil conducteur.
POZZO LIVE : Pourquoi le nom Trëma ?
TRËMA : Je cherchais un nouveau nom toujours dans ce concept de dualité et on m’a rappelé que beaucoup de groupes de Post utilisaient un symbole comme nom, comme Sunn O))), qui utilise des parenthèses. J’ai eu l’image en tête du tréma avec ses deux points : le cœur et la raison.
POZZO LIVE : Quel est ton parcours musical ?
TRËMA : J’ai eu en tout 6 ans d’apprentissage de guitare et je me suis débrouillé seul après ça. J’écoutais déjà un peu de rock à l’époque et lorsque j’ai découvert le metal tout est parti en cacahuète. Tout de suite à la recherche d’accords, sonorités, arpèges, je me suis mis à la composition dès que j’ai su gratter.
Le chant est venu bien après, mes parents s’en souviennent. Au départ je voulais faire la batterie, mes parents m’ont dit non ça fait trop de bruit. Ensuite j’ai fait du metal et ils m’ont dit que ça faisait toujours trop de bruit « rires ».
J’étais bassiste dans un groupe de funk et guitariste dans un groupe de rock. Sur Poitiers j’ai eu un groupe de blues avec qui on a fait une 30aine de dates.
POZZO LIVE : Quel est le premier CD que tu t’es acheté ?
TRËMA : J’ai honte « rires ». Le premier CD que je me suis acheté c’est Techno Invasion, vol 5. C’était une compile, je me rappelle que la numéro 5 m’avait marqué car elle avait un côté très atmosphérique, aérien. Dans la techno je n’aimais pas la transe ou les rythmes bourrins, j’avais 8 ans je voulais juste tripper.
POZZO LIVE : Le premier concert que tu as vu ?
TRËMA : Dagoba pour la sortie de Poséidon. C’était à Niort au Camji en d’octobre et c’était fou. J’ai pris une photo avec le batteur et je me me suis rassuré qu’on pouvait être à la fois petit et réussir « rires ».
POZZO LIVE : Un groupe que tu aimes hors musiques extrêmes ?
TRËMA : J’aime bien Aurora.
POZZO LIVE : Les groupes qui te tiennent le plus à cœur ?
TRËMA : Alcest et ceux qui suivent sont plutôt liés : Sombre Forêt, Gris et Miserere Luminis.
POZZO LIVE : Ta dernière découverte musicale ?
TRËMA : Griefloss, du black metal shoegaze, j’ai découvert l’album Ruiner sorti récemment et ça déboîte. La chanson III est émouvante, elle me fait quelque chose à chaque fois que je l’écoute.
Entre une saturation black metal et des sonorités propre au shoegaze, il a une voix extraordinaire, très candide, naïve et d’une autre part un côté très adulte et conscient.
POZZO LIVE : Peux-tu décrire Trëma en 3 mots ?
TRËMA : Ésotérisme, dépression, artistique.
POZZO LIVE : Le texte de la chanson Les Rêves de l’Alb-Atroce est mis en avant dans l’EP, une raison à cela ?
TRËMA : Cette compo que j’apprécie particulièrement a été composée après la sortie de l’album et je ne voulais pas la perdre. Dans mes recherches de son, je me rappelle avoir testé avec un vase, une bougie puis j’ai commencé à taper dessus. Le rendu était trop claquant alors j’ai essayé avec une chaussette, puis du sopalin histoire de mater le son.
Il faut lier le coté dépressif, dualité, sentimental du premier album avec des sons plus ésotériques, rituels, cérémonieux qui seront davantage présents dans Onirisme. Ce dernier morceau parle d’un rêve dans lequel on est enfermé. Le morceau se termine sur la phase de réveil en se rendant compte qu’on aimerait y rester.
Les textes sont mis en avant parce que j’aime ça, j’aime la vielle calligraphie, trouver des vieux textes dans les mairies, de vieux actes de naissance…C’est du passé et je ne me sens pas de cette époque là et pourtant cela me permet de me reconnecter avec ce que j’ai l’impression de connaître d’avant.
POZZO LIVE : Est-ce toi qui écris les textes ?
TRËMA : Je fais tout de A à Z dans Trëma.
POZZO LIVE : Peux-tu nous parler du 1er album ?
TRËMA : La composition de A L’aurore du Crépuscule a commencée le 1er mai et s’est terminée le 15 juin en 2022. Il est sorti le 24 juin en total indépendant.
J’ai fait un rapprochement avec le côté nature, primitif, le désir de retourner à son coté animal et surtout ressentir et exprimer ses sentiments. Aujourd’hui on cherche beaucoup à donner une définition aux sentiments comme l’amour, la haine, la peur… Pour moi, toutes ces émotions primitives doivent d’abord se ressentir au point de ne plus pouvoir être exprimées.
POZZO LIVE : Tu es également photographe. Depuis quand fais-tu de la photo ? Est-ce toi qui as conçu le visuel de l’EP ?
TRËMA : Je me suis vraiment mis à la photo en 2018. Je fais surtout du live et du paysage mais depuis Trëma, je me pousse à faire d’autres types de photos en repoussant les limites de ce que je me sens capable de faire. Comme le reste, les photos me viennent assez spontanément. Le plus dur est de reproduire ce que j’ai en tête d’un point de vue logistique. Le résultat n’est jamais exactement le même mais j’essaie de m’en rapprocher le plus possible. Je conceptualise absolument tout même si je suis bien aidé par l’Ordalie Noire maintenant, c’est important pour moi de garder une identité et une cohérence visuelle, musicale, textuelle.
POZZO LIVE : Comment tu as réfléchi la mise en scène de l’EP ?
TRËMA : Ça représente bien l’état d’esprit dans lequel je suis quand je compose. Les cranes servent de fascination pour la mort. On me les a donnés car ils prenaient la moisissure dans un jardin. Je me suis dis qu’ils seraient plus en paix chez moi, sans servir à des rituels. L’ésotérisme et la sorcellerie passent aussi par les plantes qui ont un certain attrait visuel. Je pense que dans le metal nous sommes beaucoup attirés par ces choses-là en bien ou en mal.
POZZO LIVE : Beaucoup de travail manuel derrière cet EP, comment as-tu procédé ?
TRËMA : Je pensais déjà et depuis longtemps à une belle écriture manuscrite typée 17ème/19ème siècle et le format carré est très intéressant pour ça. Je voulais mettre en avant le texte car c’est un gros travail qui peut être oublié des auditeurs. Un texte peut être davantage source de travail que la composition, d’ailleurs, certains textes me touchent parfois davantage que l’instrumental. Contrairement à beaucoup, l’instrumental supporte le texte que je travaille en profondeur dans Trëma.
Pour cela il fallait une belle écriture et du papier. Le papier blanc, trop moderne, ne me suffisait pas alors j’ai détrempé des feuilles dans du thé et laissé sécher, un processus sur 3 jours. Le sceau rappelle le 17ème/19ème siècle j’ai donc décidé de m’en faire fabriquer un.
POZZO LIVE : Tu fais écho à l’Ordalie Noire, un label français que tu as rejoint récemment, qu’est-ce que ça a changé pour toi ?
TRËMA : Après la sortie de A l’Aurore du Crépuscule, je sentais qu’il fallait que ça aille plus loin qu’un simple Bandcamp. Le truc c’est qu’une œuvre musicale, textuelle et visuelle ne peut vivre sans support physique et le problème c’est que je manquais de moyens. Je me suis mis en quête de potentiels mécènes et je me suis renseigné sur la scène nantaise car je voulais du local, même pour la production. En label nantais on pense aux Acteurs de l’Ombre mais je n’en avait pas spécialement envie, je ne m’y serai pas retrouvé dans un si gros label. On m’a parlé de Frozen Records qui m’a renvoyé vers un nouveau label fraîchement arrivé de Nantes qui s’appelle l’Ordalie Noire. J’ai envoyé un mail, on s’est rencontré et visiblement le projet leur a plu. Ça m’aide à voir les choses en grand et surtout ils m’apportent un cadre. Ils me permettent de trouver un financement pour un album physique ce qui est exceptionnel. Cette équipe est vachement humaine avec des gens que j’adore. Ça permet de poser les milliards d’idées que j’ai et d’amener à quelque chose de concret. Je peux voir plus grand et à la fois plus raisonnable.
POZZO LIVE : Quels sont tes projets ?
TRËMA : Concrètement le 2ème album est en cours de composition, j’ai déjà deux morceaux pratiquement finalisés pour l’instrumental. Bizarrement, le concept d’ésotérisme et d’onirisme est encore assez flou, je dois trouver le déclic. J’ai mis un p eu de temps à trouver les musiciens et nous avons déjà bien entamé le travail ensemble. D’ici la fin de l’année il devrait y avoir un premier concert en tout cas je l’espère.
Mon côté perfectionniste voudrait l’achat de tous les visuels et costumes avant de monter sur scène. C’est pour ça que le groupe est cool au même titre que L’Ordalie Noire : ils m’aident à me focaliser sur ce qui est essentiel c’est-à-dire se bouger un maximum en répétition pour après se bouger sur scène.
Merci beaucoup à Trëma de nous avoir accordé cette interview, n’hésitez à suivre ses actualités sur les réseaux, de belles choses s’y passent!
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Live Report / Interview : ViolentNuggets
Photographie : Black Opale Photo