Après le diagnostic de son cancer du poumon à l’automne 2019, Ronnie Atkins a mis en pause tous les concerts et promos prévus. Lors de sa convalescence il s’est guérit par l’écriture. Cela donne One Shot, son premier album solo, il nous en parle :
Pozzo Live : La première question qui se doit d’être posée est : comment allez-vous ?
Ronnie Atkins : Eh bien, ça va. En ce moment, il y a des hauts et des bas. C’est surtout dans la tête que cela se passe, mais ces jours-ci, je me sens assez bien. C’est plus quelque chose de mental, vous savez. Il y a des jours avec et des jours sans. Mais physiquement, ça va, je suis en forme. Le diagnostic est ce qu’il est, la maladie est ce qu’elle est, mais pour l’instant, il ne se passe pas grand-chose. Je suis toujours en immunothérapie, et tout ça, donc je vais aussi bien que possible.
Pozzo Live : Avec la situation de stand-by actuelle mondiale et votre situation de santé, l’écriture de cet album solo vous a semblé comme un déclic. Il n’a jamais sérieusement été question de s’essayer à cet exercice auparavant ?
Ronnie Atkins : Vous savez, je ne pouvais pas vraiment faire grand-chose. En gros, j’ai utilisé cet album comme une sorte de thérapie, pour créer de la musique, me concentrer sur quelque chose de positif et mettre la maladie un peu de côté. Par-dessus ça, il y a eu le confinement, donc je n’avais pas grand-chose d’autre à faire. Je ne pouvais voir personne, parce que dans ma situation avec tous les traitements que j’ai subis, je devais m’isoler parce que le corona n’aurait pas été trop bon pour moi. Donc j’avais toutes ces chansons, j’ai écrit beaucoup quand j’étais malade, donc je voulais vraiment sortir ces chansons de mon esprit. Quand j’ai eu le dernier diagnostic indiquant que mon cancer s’était étendu, que c’était un cancer au stade 4, j’ai un peu paniqué, mais je me suis un peu calmé. J’ai parlé à Chris, le producteur de l’album, et je lui ai dit « J’ai plein de morceaux » et il m’a répondu « Envoie moi ça, on va les enregistrer ! », donc c’est ce que j’ai fait. A vrai dire, pendant un moment, entre janvier et mars l’année dernière, je ne pouvais plus chanter correctement parce que je prenais tous ces traitements. A chaque fois que j’essayais d’atteindre des notes aigues, je commençais à tousser. C’est seulement en mai, quand j’ai fait une chanson intitulée « We Don’t Need Another Hero » pour le projet des musiques des films des années 80 de Chris que j’ai su que je pouvais encore bien gérer. Eh bien, c’était une réponse très longue à une question très courte ! (rires) En gros, grâce à toutes ces chansons, je pouvais faire autre chose que rester dans un coin et m’apitoyer sur mon sort, donc je suis content de l’avoir fait.
Pozzo Live : C’est super que vous l’ayez fait car l’album est vraiment bon !
Ronnie Atkins : Merci, ça me fait plaisir d’entendre ça. Moi-même j’en suis très satisfait, car beaucoup de chansons de cet album ont été écrites au piano ou avec une guitare acoustique. Quand on pense qu’une chanson sonne bien, qu’on tient une bonne accroche et de bonnes mélodies et que ça rend bien avec une guitare acoustique ou un piano, c’est que l’on tient quelque chose de bon. Ensuite, on sait vers quoi on veut se diriger. Au départ, je ne savais pas trop ce que je voulais faire de cet album. Je savais simplement que j’avais toutes ces chansons, et Chris a fait une bonne part du travail pour que cela rende bien, pour le rendre un peu plus rock. Il est très old-school à vrai dire, une bonne partie de l’album sonne comme quelque chose venu des années 80. Je crois que beaucoup de chansons ont été écrites dans les années 80. Certaines des chansons de l’album auraient pu être acoustiques ou elles auraient pu être autre chose, je ne sais pas, mais l’album est tel qu’il est et j’en suis content. Je pense que c’est un bon album, avec des très bonnes chansons. C’est ce qui comptait le plus à mes yeux.
Pozzo Live : J’ai lu que vous aviez de multiples idées de côté prêtes à être utilisées. Chaque chanson est-elle composée avec une de ces idées au départ ? Ou bien du nouveau matériel s’est-il ajouté pendant le processus ?
Ronnie Atkins : La vérité, c’est que j’écris tout le temps. Enfin, pas tout le temps, cela vient par périodes. Et quand j’écris j’enregistre toujours tout sur mon iPhone. A l’époque, j’avais des dictaphones dans toutes les pièces, même dans ma voiture, pour pouvoir stocker les idées dès que je les avais. J’avais tout plein d’idées dans mon iPhone, mais j’ai écrit beaucoup de nouvelles choses. Environ 70% des chansons sont composées d’idées toutes nouvelles, et le reste a été inspiré de ce que j’avais dans mon iPhone. C’est à peu près comme ça que l’album s’est fait.
Pozzo Live : Appréhendez-vous la façon dont va être reçu ce premier album solo ? Avez-vous déjà eu des retours suite à son annonce ou ses deux premiers singles ?
Ronnie Atkins : J’ai juste regardé ce que les gens écrivent, ce que disent les commentaires, les trucs comme ça, et j’ai lu une ou deux chroniques et pour l’instant c’est très bon. Pour le moment, mes fans ont l’air d’apprécier. Bien sûr, cela n’a rien à voir avec un album de Pretty Maids, ce n’est pas un album de heavy métal, il n’est pas vraiment orienté sur les riffs. C’est plutôt un album de rock mélodique, et c’était mon objectif. De ce que j’ai vu pour l’instant, les réactions sont très bonnes. Je n’ai rien vu de négatif, en tout cas pas encore. Ce la viendra peut-être plus tard !
Pozzo Live : Le premier single Real sonne comme un hymne à la vie, très mélodique. Le second, One Shot, est un peu plus heavy sur son refrain. Tous deux sont très énergiques et représentent plutôt bien l’ambiance présente sur l’album. Vous sembliez avoir beaucoup de choses à nous faire partager et ressentir sur cet album.
Ronnie Atkins : A cause de ma situation, il est évident que cet album est beaucoup plus émotionnel et personnel que tout ce que j’ai pu faire jusqu’à maintenant. Cela ne se ressent pas seulement dans la musique, mais aussi dans les paroles. J’ai eu l’impression d’écrire ces chansons avec un pistolet pointé sur la tempe. Si on prend les paroles, des chansons comme Real et One Shot parlent de vivre dans le présent. Real est un peu une réflexion sur tout ça, sur ce que j’ai fait dans ma vie. Quand quelque chose comme ça vous arrive, on réfléchit différemment, je suppose. On devient plus mélancolique et sensible parce que les choses sont ce qu’elles sont : on ne sait pas combien de temps il nous reste. Avec cet album, ce que j’ai fait, c’est que j’ai envoyé tout ce que j’avais sur mon iPhone, j’ai fini les chansons et j’ai tout envoyé à Chris. Il en a fait une démo, a fait toute la partie instrumentale, il me l’a renvoyé, et j’ai fait le chant sur cette démo. Après avoir fait le chant, on s’est occupé de tous les instruments clairs avec des vraies guitares, des vraies batteries, parce que je ne savais pas combien de temps j’avais pour finir cet album. C’était un album assez bizarre à faire. Cela s’est fait tranquillement, mais c’était diamétralement opposé à la façon dont on fait habituellement les choses. Le diagnostic de mon cancer et ma maladie jouent un rôle important, donc il est beaucoup plus personnel.
Pozzo Live : Il y a beaucoup de personnes qui ont travaillé sur cet album. Était-ce une volonté de multiplier les horizons pour la création de cet album ou bien le hasard des calendriers a-t-il fait que tous ces musiciens étaient disponibles en même temps ?
Ronnie Atkins : Chris a ce projet intitulé ‘The Movies’, où ils vont sortir un album avec tous les hits des bandes originales de films de années 80. Comme je l’ai dit, j’ai enregistré ‘We Don’t Need Another Hero’ de Mad Max, une chanson de Tina Turner. Ils avaient déjà commencé ce projet. Quand on se demandait qui pourrait jouer sur l’album, Chris m’a dit «Bah, je bosse avec tous ces gars… » et j’ai dit « Ok, ça me convient parfaitement ! », parce que ce sont des mecs vraiment bons. Il y a par exemple Pontus Edberg qui a joué avec The Poodles, qui est bassiste pour King Diamond, et Pontus Norgren, le guitariste de HammerFall. Deux anciens membres de Pretty Maids, Morten et Allan à la batterie et au clavier. Ce ne sont que des bons musiciens. J’ai beaucoup d’amis, mais le seul qui est venu me rendre visite en août, c’est Ollivier Hartmann d’Avantasia. J’ai joué sur certaines de leurs chansons, donc la conversation a été à peu près comme ça : « Hey mec, dis-moi si tu veux jouer un solo ou chanter sur cet album », et « Oui, j’ai quelques chansons ! ». C’est comme ça que les choses se sont faites. Certaines guitares de l’album sont jouées par des amis de Chris qui voulaient faire partie de l’album, ça s’est fait très simplement. Mais le fondement de tout l’album est fait grâce aux personnes avec qui Chris avait l’habitude de travailler, parce que c’était la façon de procéder la plus simple. Ils sont tous basés à Stockholm, et on ne pouvait voyager nulle part, donc voilà.
Pozzo Live : Je voudrais parler de live… Après autant d’années de scène à votre actif, ressentez-vous les prestations live différemment ? Comment vivez-vous cette éventuelle évolution ? Tant par les aspects techniques que par le contact avec le public, ou votre façon de vous y préparer et de le faire.
Ronnie Atkins : Pretty Maids existe depuis 40 ans. Ce qui est génial, c’est que l’on a toujours la même excitation quand on monte sur scène que lorsqu’on avait 16 ou 17 ans. Ce sont les mêmes papillons dans le ventre. Je trouve que c’est génial, j’aime jouer autant qu’il y a quarante ans. Je n’ai pas fait de concert depuis un an et demie maintenant. C’est l’un de mes plus grands rêves ; mon but c’est de pouvoir remonter sur scène un jour, je l’espère. En tant qu’artiste, on apprend en pratiquant, et on devient meilleur en grandissant. On gère mieux les choses et on prend mieux soin de soi maintenant qu’on ne le faisait il y a 35 ans.
Pozzo Live : Lors de votre dernier passage en France vous avez joué dans une salle de taille réduite, à Savigny-le-Temple. Vous qui êtes habitués et en mesure de faire de plus grosses salles, comme votre live Made in Japan, ou des festivals, comme le Hellfest en 2017; cela vous repose-t-il, d’une certaine façon, d’avoir ces dimensions plus intimes ?
Ronnie Atkins : Vous savez, c’est marrant car j’adore jouer devant 50 000 personnes. Mais j’aime aussi jouer devant deux cent personnes, parce que c’est plus intimiste évidemment. Généralement, jouer devant 50 000 ou 5000 personnes, cela signifie qu’on se fait plus d’argent. Mais je crois que j’ai toujours eu une philosophie ou je me dis que peu importe le nombre de personnes présentes au concert, ces gens-là ont payé leur billet pour venir voir un show, donc ils méritent un show ! Peu importe si c’est 200 personnes ou 20 000 personnes, ces gens ont payé pour venir et ils doivent en avoir pour leur argent. Ça a toujours été ma philosophie. Parfois, jouer dans les petites salles c’est vraiment marrant, c’est une peu comme organiser une fête dans son salon. Mais j’aime aussi faire des gros stades, et des festivals. J’aime les deux !
Pozzo Live : Une pensée, un espoir ou une recommandation pour le futur de nos concerts ?
Ronnie Atkins : Pour l’instant, c’est totalement impossible pour moi de prévoir quoi que ce soit. Je ne sais pas quand les concerts seront à nouveau autorisés. Peut-être à l’automne si on a de la chance, quand ce putain de virus sera enfin parti. Mais pour tout le monde, pour les musiciens, les équipes, et tous ces gens-là, j’espère que cela va reprendre bientôt. Je ne sais pas quand ça sera, ni comment cela se passera. J’en sais aussi peu que vous, à vrai dire. Et à titre personnel, comme je l’ai dit, j’aimerais remonter sur scène, que ça soit seul, avec Pretty Maids ou avec Avantasia. Mais dans ma situation je ne peux rien prévoir car avec ma maladie, je ne sais pas où je serai dans six mois. Je vis par intervalles, entre deux scanners, donc c’est vraiment difficile pour moi de prévoir les choses. Ça, c’est une chose. L’autre truc, c’est que comme je suis un patient atteint de cancer, j’ai besoin d’une permission spéciale de mon assurance pour voyager. Non seulement avec le coronavirus, c’est dur de prévoir et de mettre quoi que ce soit en place, mais ça l’est aussi à cause de ma maladie. Je ne sais pas quand les groupes pourront reprendre les routes, s’il y aura des restrictions, tout ce que je sais, c’est qu’il y a peu près 10,000 groupes qui veulent tous donner des concerts, parce que c’est aussi une source d’argent, et il n’y a pas assez de salles, ni assez d’argent pour tous ces groupes. Je pense qu’il y aura une période de transition, et qu’un certain temps va se dérouler avant un retour à la normale. C’est dur à prévoir, mais j’espère le meilleur.
Pozzo Live : Dernière question. Qui Pozzo Live devrait-il interviewer la prochaine fois selon vous ?
Ronnie Atkins : Je ne dis pas simplement ça parce que vous êtes un média français, mais je viens d’écouter les deux premières chansons de Gojira que j’aime beaucoup. J’adore leur album Magma. C’est un groupe français génial. Je sais que cet album est un album plus pop, un album de rock mélodique, mais à la base, j’aime vraiment tout ce qui est très heavy. Je pense que vous devriez interviewer Gojira parce que c’est un groupe génial. Parfois, quand je vais en salle de sport ou quand je vais courir, j’écoute des trucs très lourds ! J’ai vu Gojira à des festivals qu’on a pu faire dans le passé, mais je n’avais jamais vraiment écouté. Je suis plutôt à fond sur ces mecs, et j’ai écouté les morceaux qu’ils viennent de sortir récemment, et j’adore. Il y a de l’excellent chant, des bonnes guitares, des bonnes chansons, c’est vraiment bien.
Merci à Ronnie Atkins pour son temps et merci à HIM Media.
Découvrez ici notre review de l’album One Shot de Ronnie Atkins