Vous avez aimé le nouvel album d’Enter Shikari? Ça tombe bien, Rou Reynolds, le chanteur du groupe, a pris le temps de répondre à quelques questions sur leur sixième opus, Nothing is True & Everything is Possible.
Pozzo Live: Bonjour Rou! Merci beaucoup de prendre le temps de répondre à quelques questions.
Rou Reynolds: Aucun problème, merci à vous !
Pozzo Live: Comment vas-tu pendant cette période un peu étrange?
Rou Reynolds: Ça va, je vais bien, et je suis en bonne santé donc je ne peux pas me plaindre. Et évidemment je suis très occupé avec la sortie de l’album !
Pozzo Live: Justement, parlons-en ! Nothing is True & Everything is Possible, vient de sortir. Peux-tu nous en dire un peu plus sur le procédé de création de ce sixième album ?
Rou Reynolds: J’ai commencé à l’écrire en début d’année dernière et le projet s’est développé tout au long de l’année 2019. On l’a enregistré dans plein d’endroits. Une bonne partie de l’enregistrement s’est faite chez moi. On a utilisé deux studios en Angleterre et également enregistré une chanson au Texas quand on était en tournée. On a aussi enregistré un orchestre à Prague. C’est le premier album que j’ai entièrement produit moi-même, il y a donc des choses que l’on a faites différemment. On a surement mis plus de temps et d’effort sur cet album-là. La production a vraiment pris le dessus sur ma vie pendant un an ! On en est vraiment contents et très fiers, et on a hâte de savoir ce que tout le monde en pense.
Pozzo Live: Maintenant que tu t’es essayé à la production tout seul, est-ce que c’est une expérience que tu aimerais renouveler ?
Rou Reynolds: Oui, absolument. C’est très intense. Ça représente beaucoup de travail, mais pour être honnête, je pense que c’est le meilleur album qu’on ait fait jusque-là. Avec le temps qu’on a passé et les efforts qu’on a fournis, c’est vraiment la meilleure production qu’on ait accomplie. On a appris énormément de choses au fil de années. J’ai eu la chance de travailler avec des producteurs géniaux pour Shikari, et en dehors de ça. Mais là, c’était vraiment comme un soulagement d’être enfin aux commandes et d’avoir le contrôle de tout ça.
Pozzo Live: Est-ce que tu es satisfait des critiques de l’album jusqu’à présent, que ça soit celles de la presse comme celles du public ?
Rou Reynolds: Oui, je pense. C’est dur à dire car j’essaie d’éviter de lire les commentaires sur Youtube, les threads sur Reddit et les choses comme ça. Mais si on m’identifie dans quelque chose, je le vois. Et généralement, si on m’identifie dans quelque chose, c’est souvent des éloges, donc je ne vois que le côté positif. Mais ça a l’air d’être satisfaisant ! Les chroniques sont bonnes parce qu’on s’est vraiment données à fond, on a repoussé nos limites pour faire un album vraiment vaste et varié. On est vraiment contents que les gens aient l’air de le comprendre et de l’apprécier.
Pozzo Live: Il y a quelques jours, vous avez organisé une écoute de l’album où vous l’avez écouté tous ensemble en même temps que les fans. C’est quelque chose que tu aimes bien faire ? Qu’est-ce que cela t’apporte ?
Rou Reynolds: Oui, beaucoup ! On avait fait la même chose pour The Spark et c’était fun. Quand on crée un hashtag, qu’on le suit, et qu’on voit un déluge de tweets affluer, c’est génial. C’est une sensation vraiment sympa de savoir qu’on écoute quelque chose et qu’on en fait l’expérience en même temps que des milliers de gens. C’est cool de lire l’avis des gens et d’interagir avec eux pendant que la musique défile.
Pozzo Live: Ça doit être bien oui, d’autant plus que les gens n’ont pas tous forcément le même ressenti et les mêmes réactions face aux chansons. Ça doit être intéressant de voir les différents retours sur chaque morceau.
Rou Reynolds: Oui, exactement. C’est l’une des choses les plus intéressantes à propos de la musique. Tout le monde a vécu des expériences différentes, on a tous grandi autour de différents styles de musiques donc nos cerveaux fonctionnent différemment. Chaque chanson peut avoir un effet légèrement différent sur chaque personne. Donc c’est toujours intéressant de connaitre l’avis de tout le monde, et de voir ce que les gens remarquent. Il y a énormément de détails dans notre musique. L’une des choses que j’adore vraiment c’est quand les gens remarquent des tous petits détails que beaucoup d’autres auraient pu manquer. Ce qui est le plus fun c’est de voir ce qui enthousiasme les gens !
Pozzo Live: Une de mes chansons préférées sur l’album est satellites **. Peux-tu nous en dire un peu plus sur celle-ci ?
Rou Reynolds: Oui… Je ne me souviens plus trop comment celle-ci a commencé… Je crois que j’ai commencé de la composer à la guitare, ce qui ne m’arrive presque plus ! J’ai écrit le premier riff, et je me revois écrire le refrain et me dire « Wow, c’est un gros refrain ». Les paroles me sont presque venues immédiatement. C’est un morceau avec un ressenti vraiment positif. Je pense que Crossing The Rubicon est la chanson la plus optimiste de l’album, mais satellites** est très motivante aussi. Je voulais des paroles à la fois positives mais qui représentent aussi une sorte de conflit intérieur. A l’époque, je discutais avec un ami à moi et il traversait une période où il était très anxieux. Il était gay et il venait tout juste d’entamer une nouvelle relation. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas été avec quelqu’un, et il m’expliquait à quel point c’était difficile pour lui de se sentir à l’aise et de montrer de l’affection en public. Et ce mec vivait à Londres ! C’est une ville cosmopolite, modern et libérale ! Et il avait quand même peur, parce qu’il y a toujours des gens qui ignorent que les crimes haineux existent à Londres, et c’est tellement triste. Donc je voulais écrire une chanson là-dessus, sur quelqu’un qui tombe amoureux. C’est excitant et palpitant, mais c’est aussi effrayant de montrer son affection et son amour à cause du jugement des autres. Cette chanson c’est ça, c’est un mélange d’excitation et d’anxiété.
Pozzo Live: Et toi, est-ce que tu as une petite préférence sur l’album, un morceau que tu aimes plus que les autres ?
Rou Reynolds: Mmmh… Pas vraiment. J’ai tellement travaillé sur ces chansons ! En fait au tout début d’un album, j’écris pendant trois ou quatre mois et il y a une cinquantaine de chansons qui naissent de tout ça. J’arrête généralement d’écrire quand j’atteins les 50 ! Donc quand on fait l’album, les titres que l’on met dessus sont ceux dont on est le plus satisfait parce qu’ils se sont démarqués des 50 autres. Je les aime toutes, je suppose que mes préférences changent d’un jour ou d’une semaine à l’autre. Je vais sûrement préférer une certaine chanson à un moment donné à cause de mon humeur ou d’un évènement en particulier. En ce moment, je crois que ma préférence va à Waltzing off the Face of the Earth. Mais la deuxième, la version Piangevole. C’est l’un des derniers morceaux que j’ai terminé. Celui-ci m’a donné pas mal de fil à retorde. Elle est très belle et un peu singulière parce qu’on dirait qu’il y a un peu de ERA dedans. Elle était vraiment fun à faire, et c’était cool de jouer de la trompette. J’ai toujours adoré ça !
Pozzo Live: Tu as dit il y a quelques temps que Nothing is True & Everything is Possible était l’album le plus « Shikari » que vous ayez fait. C’est vrai qu’il résume très bien votre carrière jusqu’à présent. Est-ce que c’était volontaire, ou est-ce que c’est quelque chose qui est venu quand tu l’as produit ?
Rou Reynolds: C’était un peu prévu. Je voulais écrire un album qui semble définitif. Il y a quelques années, j’ai écrit un livre, Dear Future Historians, qui contient toutes les paroles. Et il y a une sorte d’essai explicatif qui décrit les inspirations et la signification derrière les paroles. C’est la première fois que j’ai vraiment fait une rétrospective. En tant que groupe, on est toujours progressif, on pense toujours à ce qu’on va faire après. On se teste et on repousse nos limites. Alors le fait de revenir en arrière pour vraiment analyser notre parcours et la musique qu’on a faite, c’est très inspirant. Ça m’a vraiment donné envie de faire un album qui représente toutes les époques du groupe. C’est une représentation solide de tout ce qu’Enter Shikari a été jusqu’à maintenant.
Pozzo Live: Donc si on doit recommander un de vos albums à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler du groupe, il faut recommander celui-ci ?
Rou Reynolds: Oui, je pense ! Il y a tellement de choses dedans. Il est vaste et varié. J’espère que ça ne va pas trop en décourager certains !
Pozzo Live: A travers les années, le groupe s’est vraiment diversifié et vous avez joué de différents styles. Dans cet album il y a un même l’orchestre que vous avez enregistré par exemple. Est-ce qu’il y a quelque chose que vous n’avez pas encore fait et que tu aimerais essayer ?
Rou Reynolds: Oh oui, toujours. Il y a toujours quelque chose qui retient mon attention et que j’aimerais essayer. En ce moment je ne sais pas encore ce qu’est parce que je suis épuisé, créativement parlant ! On a terminé l’album fin janvier-début février donc c’est très récent. En ce moment je profite juste de ça, et qui sait ce qui viendra par la suite ? Mais je suis sûr que ça sera intéressant !
Pozzo Live: Si un jour tu avais l’opportunité de collaborer avec n’importe quel groupe ou artiste de ton choix, avec qui aimerais-tu travailler ?
Rou Reynolds: Euh…aucune idée. Je n’ai jamais vraiment été le genre de personne qui veut absolument collaborer avec d’autres. Je suis plutôt créatif en solitaire. J’écris mieux et je me sens plus à l’aise de le faire quand je suis seul. Je peux écrire avec le groupe, bien évidemment. J’ai écrit quelques trucs l’année dernière avec différents artistes. Mais je trouve ça assez effrayant. La musique c’est quelque chose de très émotionnel pour moi, c’est vraiment une passion et je trouve ça difficile de s’ouvrir immédiatement à d’autres personnes. Je suis quelqu’un d’introverti. J’aurais au moins besoin de plusieurs rencontres avec quelqu’un pour me sentir assez à l’aise pour chanter et composer quelque chose sans toute l’anxiété que ça peut créer. Je n’ai jamais vraiment eu ce rêve-là du coup… Après, je ne voudrais rien refuser non plus si quelqu’un que je respecte voulait une collaboration ! J’ai déjà écrit avec d’autres artistes ou groupes avec lesquels on a tourné. C’est quelque chose que j’ai fait, mais ce n’est pas réellement quelque chose que j’adore. Disons que « je veux absolument collaborer avec cette personne » n’est pas dans ma liste de priorités, ce n’est pas vraiment ma façon de travailler.
Pozzo Live: Vous avez annoncé une grosse tournée pour la fin de l’année. Est-ce que vous avez déjà réfléchi aux futurs live ? Si oui, est-ce que tu peux nous donner quelques indices ?
Rou Reynolds: C’est vraiment bizarre car cette année, pour la première fois de notre carrière, on ne faisait aucun festival au Royaume-Uni. On devait seulement en faire quelques-uns en Europe. On a décidé ça pour se laisser tout l’été pour préparer la tournée pour la fin d’année. Maintenant, il semblerait qu’on n’ait pas à regretter cette décision puisqu’il n’y aura de festivals pour personne… Donc on n’a pas l’impression et réellement rater quelque chose car finalement TOUT LE MONDE va rater quelque chose…Donc du coup notre projet reste inchangé, on va profiter de l’été pour monter tout ça. Pour nous, ça représente beaucoup de boulot de savoir comment on va jouer cet album en live. C’est une chose à laquelle on ne pense jamais quand on est en studio. On aime bien que notre créativité soit naturelle, donc la question « oh mon dieu, comment on va jouer ça en live ? » est bannie. On n’a pas le droit de prononcer ces mots en studio ! Une fois qu’on a terminé l’album, on réfléchit au processus : qui va jouer quoi, quels instruments on va pouvoir utiliser pour que ça fonctionne. On est en train de réfléchir à ça en ce moment, et après on passera à la partie visuelle et à la production. On a vraiment hâte !
Pozzo Live: Dernière question, quel groupe ou artiste nous conseilles-tu d’interviewer ?
Rou Reynolds: Oh, wow. C’est une très bonne question. Je ne regarde jamais vraiment les interviews d’autres artistes donc je ne sais pas qui est intéressant… C’est vraiment une bonne question. Je ne sais même pas qui sort de la musique en ce moment…. Ah, j’ai une idée. J’ai regardé un extrait d’un live sur Instagram que Sam Carter a fait avec Daniel P Carter de la BBC Radio 1. Donc oui, je dirais Sam Carter d’Architects. Il est absolument génial !
Interview réalisée par Audrey le 27/04/2020.
Merci à Rou Reynolds pour son temps, et merci à Him Média.
Retrouvez également notre review de Nothing is True & Everything is Possible, ou vous procurer l’album ici.