En marge de la journée promo de Benighted le 21 février dernier, nous avons pu rencontrer Etienne « Shaârghot » (chant) et Brun’o Klose (guitares). L’occasion de parler un peu de la tournée Hellfest WarmUp Shaârghot/Benighted qui s’annonce, et sur laquelle le combo partagera le headline français, mais aussi de leur manière de travailler, et de l’avenir du groupe.
Pozzo Live : On vous avait déjà rencontrés en mai dernier, et à l’époque vous disiez que ça serait super de faire une tournée nationale. 9 mois plus tard, c’est chose faite … C’est un accomplissement ? Vous avez l’impression de passer à l’étape au-dessus ?
Etienne : Je crois surtout qu’on a des talents de medium, on avait déjà dit la même chose pour le fait de faire le Hellfest à l’époque !
Brun’o : Talents de medium, ou des négociations déjà en cours, on ne sait pas trop… On ne parlera qu’en présence de notre avocat ;-).
E : C’est clairement une étape au-dessus. Notre groupe existe depuis maintenant 5 ans, en l’espace de 4 ans on a réussi à jouer au Hellfest, maintenant on fait la WarmUp, quelle va être l’étape prochaine ?
B : C’est une belle ascension effectivement, mais une suite logique quand tu y penses.
PL : Vous avez annoncé le 20 février que vous rejoigniez Rage Tour. Qu’est-ce que vous attendez de cette collaboration ?
B : Un renforcement de ce qu’on a fait depuis 5 ans. Je pense que c’était un aboutissement, surtout que Shaârghot a eu une ascension exponentielle. Sans changer de tourneur, puisqu’on continue à travailler avec Sherep Booking, c’était pour nous naturel d’avoir une autre structure qui vienne s’ajouter à l’équipe. On est ravis de rejoindre l’écurie, et maintenant on va se mettre au travail, tous ensemble !
PL : Ça veut dire aussi plus de dates à l’étranger ?
E : Ouais, il y a eu déjà la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, un peu l’Allemagne aussi. Forcément ce ne sont pas les endroits où on joue le plus, mais on veut se développer sur l’international, et c’est quelque chose que peut nous apporter Rage Tour.
PL : Vous avez un travail de la scénographie qui est vraiment très composé. Vous disiez que c’était parfois compliqué à emporter en tournée. Vous avez adapté des choses pour préparer la Hellfest WarmUp ?
B : Non, ils nous ont pris comme ça. Si on fait la WarmUp, c’est aussi pour ce qu’on est sur scène, ce qu’on peut représenter et rayonner. On a fait une adaptation mineure, dont je ne peut pas vous parler, mais ça sera du vrai Shaârghot sur scène.
PL : 17 dates en 17 jours, ça va être un rythme intense non ?
E : Bah déjà tu vois, ça [il soulève sa pinte], on va l’oublier. Ca va être une ou deux bières par soir, mais pas plus, histoire d’avoir une vraie hygiène de vie. On a tous commencé à s’entraîner, certains en reprenant le sport, moi en prenant des cours supplémentaires de chant.
B : moi c’est l’inverse, depuis le 25 décembre je bois tout le temps pour me préparer à la WarmUp. Il va falloir tenir 17 jours, boire tous les jours, donc je m’entraîne ! [rires]
PL : Etienne, ça veut dire que pendant 17 jours tu arrêtes de parler ?
E : Oui, je pense que ça leur fera du bien de plus entendre ma gueule ! Je devrai forcément être un peu moins expansif que d’habitude.
PL : Tu es le bavard du groupe ?
E : Non, pas spécialement, mais j’aime bien rester au bar après le concert pour parler avec le public, et là ça sera un peu moins possible, car le lendemain on refait la même !
B : Forcément, 17 dates en 17 jours, ça va aussi nous montrer ce que c’est que la vie en tournée. Shaârghot, c’est un gros make-up, des tenues de scènes. Il va falloir qu’on le fasse tous les jours, et à partir de la 4e ou 5e date on va commencer à trouver un équilibre et à se rôder sur la préparation.
PL : On parlait avec Benighted avant, qui cultive le côté non-professionnel de la scène. Brun’o, tu as un boulot à côté, Etienne tu es intermittent du spectacle. Le but, c’est de vivre de votre musique ?
E : Pour moi, clairement oui, et je pense que c’est le même objectif pour Clem et Olivier. Il faut voir que Shaârghot, c’est un projet vraiment prenant, sur lequel on travaille tous les jours. On est au téléphone ensemble au moins 4 à 5 fois par semaine, il y a beaucoup de choses à mettre en place, en logistique, sur le travail des décors, des costumes, des clips… Ce n’est pas un projet classique où tu peux faire du plug & play. Le type de musique qu’on fait nous force à nous organiser, à avoir une rigueur presque militaire, qui peut contraster avec le côté punk et déjanté qu’on a sur scène.
PL : C’est vrai que votre côté visuel et performatif rappelle un petit groupe pas très connu, un certain Rammstein… Comme vous ils se sont fait beaucoup connaître par leur côté déjanté sur scène.
E : C’est drôle que tu le mentionnes, car je viens de revoir une vidéo d’eux en 1993, où ce n’était pas du tout travaillé ! C’était très brut de décoffrage, limite garage-band en fait. Dans son contexte en 1993, c’était un ovni sur scène ! On voit que le public regarde et ce demande ce qu’il va faire de ça.
B : Ils avaient c’est vrai le côté performer. Mais ce qui a fait leur force, c’est de travailler avec un allemand qui mettait en lumière des événements en Allemagne et des monuments. Quand il a vu Rammstein, il a voulu travailler avec eux, et il a transformé leur production. Ce que ça veut dire, c’est qu’il n’y a pas que les musiciens qui contribuent au succès d’un groupe.
PL : C’est cette démarche un peu complète qu’on retrouve chez vous. Vous êtes très dans le « Do It Yourself » quand il s’agit de votre visuel…
E : Oui, depuis le départ. On n’a pas eu de gens extérieurs qui sont venus se rajouter au projet, on a dû tout faire nous-même. Brun’o et moi on est très branchés visuel, on adore l’univers cyber-punk et post-apocalyptique. On a bidouillé au fur et à mesure et on a construit notre univers.
B : Ce qui est important, c’est que ce n’est pas calculé. Certains prennent des codes et les mélangent, mais ça ne marche pas forcément parce qu’il manque une unité. Nous on est dans une démarche plus organique, on fonctionne au ressenti, et tout est là parce que ça sert l’univers. On ne va pas mettre de la pyrotechnie par exemple si ça ne va pas avec les personnages.
E : On a encore des idées à la pelle, de quoi remplir des containers même, même s’il nous manque encore les containers !
PL : D’où il part, cet univers ?
E : Initialement, j’ai inventé cet univers avant de connaître les autres membres du groupe. Je l’ai d’abord construit visuelleent dans ma tête, puis un ami guitariste m’a aidé à trouver les premiers morceaux. Au départ je n’avais même pas prévu de chanter, je devais juste être à la batterie, avec des machines et des guitares ! Et puis je me suis rendu compte qu’il fallait de la voix par-dessus, j’ai essayé, c’est tombé sur moi… Quand les musiciens sont arrivés, ils ont chacun apporté leur patte à cet univers en construction, notamment Brun’o qui avait un savoir-faire qui venait de l’événementiel.
B : Oui, j’ai travaillé pendant 15 ans sur des soirées, des mises en lumière, des festivals… J’ai pu apporter mon expérience sur la mise en place des choses, pour aider Etienne à mettre en pratique les idées qu’il avait sur papier. Des fois je dois le freiner dans ses idées pour qu’on ne traîne pas 2 semi-remorques de matériel !
PL : Donc vous êtes les forces chaotiques et créatrices, et Clem et Olivier viennent affiner la base que vous proposez ?
E : Clémence est plus investie dans le domaine musical. Elle est ingénieur du son, elle a commencé à composer le 2e album avec moi par hasard, car j’avais besoin de quelqu’un pour m’aider sur un projet de remix. Ca a super bien collé entre nous, et on a décidé de bosser ensemble. J’ai des idées, je sais ce que doit faire une guitare, mais ne m’en met pas une dans les mains, je ne saurais pas quoi en faire ! Il suffit que je lui chante une mélodie, et elle trouve tout de suite quoi en faire. Elle m’aide à transcrire le projet tel qu’il est dans ma tête, le plus fidèlement possible, et ensuite on l’envoie à Brun’o qui donne un second avis. Et puis notre ingénieur du son, qui est aussi producteur, prend le relais et vient changer des choses de ci, de là.
PL : C’est vrai que c’est assez atypique pour un groupe d’accueillir aussi bien des réécritures…
B : Je pense que c’est ce qui fait notre force. C’est de laisser quelqu’un d’autre, avec un regard extérieur, nous montrer ce qui ne sert à rien et ce qu’on peut avoir loupé.
E : Nos morceaux partent toujours de l’idée que j’ai dans la tête. Mais, peut-être que mon idée n’est pas si bonne que ça ! Quand Brun’o me suggère de faire différemment, et me montre que ça marche, banco ! Et on a cette même réflexion avec l’ingénieur du son. On ne garde pas forcément toutes ses propositions, mais il nous aide à couper des bouts ici, aérer un peu le morceau là, à créer ces tensions qui font la force de nos musiques.
PL : Vous êtes assez difficiles à classer. Vous disiez tout à l’heure que vous marchez au ressenti. On trouve des influences électro, métal indus, même punk dans votre musique. Vous cherchez à expérimenter avec votre musique ?
E : Shaârghot, c’est un laboratoire expérimental. Il n’y a pas de ligne directrice, à part l’univers. On peut passer de quelque chose de psy-transe à un son franchement métal, à partir du moment où ça rentre dans les codes de cet univers. On peut se passer de guitares sur un morceau, alors que sur d’autres si on n’a pas de basse, on ira taper sur des bidons ! Ce qui aide, c’est que Clem et Brun’o sont assez polyvalents, ils peuvent jouer de la basse, de la guitare, des percus, du synthé, donc ça nous donne une grande liberté.
B : Ce qui nous manque aujourd’hui, ce sont les moyens et les équipes techniques derrière, pour ajouter des instruments et renforcer nos prestations live. Un peu à la Nine Inch Nails, où on trouve un peu de tout… Pourquoi ne pas avoir deux basses sur scène par exemple, si la basse fait tout le morceau ? On est illimités dans nos idées, mais on est limités pour l’instant dans nos moyens.
PL : Est-ce que vous êtes obligés de faire des choix sur vos interprétations live ? C’est une version différente des versions studio ?
B : Non, car si ça doit arriver, c’est que déjà un album sera sorti dans cette optique-là, de diversité instrumentale. Aujourd’hui, Shaârghot reste un groupe dans une formation « basique » : guitare, basse, batterie, chant et sample. Mais peut-être qu’après le 3ème, le 4ème album, avec plus de moyens sur scène, pourra se permettre cette évolution. En tout cas ça serait sympa !
PL : Si vous pouviez inviter quelqu’un à collaborer sur un de vos albums, ça serait qui ?
B : Moi j’en vois deux. Nine Inch Nails, déjà, et Slipknot. J’ai pas dit Rammstein, note ! Slipknot a un univers assez parallèle au nôtre, on y retrouve des connexions, avec le côté visuel et mise en scène, et puis il y a chez eux encore une fraîcheur et une spontanéité.
E : Moi j’aurais tendance à aller chercher vers des artistes plus éloignés de nous, au contraire. Pour voir, pour essayer… C’est dur de choisir, car j’ai beaucoup d’artistes référents, pas forcément très connus… Mangadrive par exemple, un artiste de psy-transe que j’aime beaucoup. Infected Mushrooms ça pourrait être très drôle aussi ! J’aime les gens qui me feraient bouger sur mes bases.
PL : Vous n’êtes pas forcément des gros métalleux dans vos goûts musicaux. Qu’est-ce que vous écoutez en ce moment ?
B : Moi je suis beaucoup plus sur de l’électro indus dark que sur du métal pur. Par contre, j’apprécie énormément la technique dans le métal et le niveau de musique des musiciens. C’est vraiment beau à regarder et à écouter ! En ce moment, je me suis remis à écouter Gojira. J’ai fait une rétrospective de Slipknot avant. Et le dernier album de Korn aussi.
E : Moi en ce moment j’écoute un artiste qui s’appelle Swarm, de l’électro très mid-tempo, très lourde et rentre-dedans. Et juste avant d’arriver j’écoutais Punish Yourself, parce que ça fait du bien ! J’ai du mal à passer une semaine sans les écouter en fait. Mais tu vois, pour revenir à ta question d’avant, je ne sais pas comment on pourrait collaborer musicalement ensemble.
PL : Je vais vous poser quelques questions à choix fermés sur le Hellfest pour qu’on vous connaisse un peu mieux. Ça vous va ?
E et B : Carrément !
PL : Plutôt Warzone ou Valley ?
E et B, se regadent : Warzone ! [rires]
PL : Easy Camp, ou Red Camp ?
E : Red Camp, option caddie ! Ca dépend quand même si je joue le lendemain…
PL : Apero, ou apero ?
E : Why not both ! On prend les deux ?
B : Ou alors… Philiiiiippe ! On sait où tu te caches Philippe !
PL: Plutôt muscadet à l’ombre, ou bière dans la fosse ?
B : Alors ça dépend la bière ! Je me demande si à un moment le muscadet c’est pas mieux que la Kro…
E : Remarque qu’on a dit bière, pas Kro !
PL : L’an dernier vous nous aviez conseillé d’interviewer Patrick Sébastien. On ne l’a pas encore vu, on ne va pas se mentir. Mais sinon, vous avez une autre suggestion ?
E : Moann Exis. Un duo batteur/machines, dont le batteur joue dans Punish Yourself. C’est très bon, très industriel, basique et rentre-dedans, et foutrement efficace.
Un grand merci à Shaârghot pour leur disponibilité et leur bonne humeur. Ils seront au festival Passager_de_la_Nuit les 7 et 8 mars, avant de sillonner la France avec le Hellfest WarmUp tour. Leur dernier album « Vol.2 The Advent of Shadows » est sorti le8 février 2019.