Dans le cadre de la sortie le 25 Septembre du nouvel album de THE OCEAN : Phanerozoic II : Mesozoic | Cenozoic, j’ai eu la chance de rencontrer Robin Staps, qui est le fondateur, compositeur, guitariste du groupe THE OCEAN ainsi que le fondateur de Pelagic Records. L’occasion de parler du groupe, du nouvel album et de tout ce qui me passe par la tête !
Pozzo Live : J’ai pour ma part découvert le collectif THE OCEAN a un moment assez particulier de ma vie, c’est-à-dire au cours de mes études supérieures de Recherche en Biologie Marine lorsque l’album Pelagial (2013) est sorti.
Robin Staps : En effet, c’est un album très orienté Biologie Marine !
Oui ! C’était vraiment un timing parfait. J’ai conservé et écouté cet album tout du long de mes études dans le domaine et lorsque j’ai eu mon diplôme.
Excellent ! La soundtrack des études de Biologie Marine, c’est super cool.
En tant que scientifique, je suis obligé de demander : d’où vient cet intérêt pour les océans ? Est-ce à propos du côté écologie, géologie, etc ?
En fait c’est un tout : J’ai toujours été fasciné par les océans depuis que je suis enfant. Même si je n’ai jamais vécu sur le littoral, j’ai passé beaucoup de temps dans ma vie proche de la mer et j’en ai toujours été intrigué. J’ai étudié la géographie et je me suis intéressé le plus possible à l’aspect marin. J’ai par exemple écrit mon Master sur le sujet du suivi des récifs coralliens au Belize.
Ce n’est donc pas pour rien que j’ai appelé le groupe THE OCEAN car cette fascination pour les océans était déjà bien ancrée en moi. Les albums Pelagial, Precambrian et Phanerozoic I: Palaeozoic connectent bien mes intérêts pour la géographie, la biologie marine et la musique. A l’époque de l’écriture de Precambrian, j’étudiais la géographie et je tentais de visualiser la musique que je composais par des images de paysages préhistoriques, c’est de là qu’est venu l’idée de baser un album sur des temps et ères géologiques.
J’ai en tête plusieurs autres groupes tous les textes et albums sont orientés vers la nature mais ayant des approches diverses : Gojira, Botanist, Cattle Decapitation. Pour THE OCEAN, on peut donc penser qu’il s’agit plus d’une approche scientifique du thème global des océans ?
Chaque groupe que tu a cité a choisi un angle spécifique d’approche du thème de la nature : Gojira est orienté environnement/écologie alors que Botanist a une obsession pour les plantes, qui est vraiment charmante et cool.
Pour nous c’est l’aspect géologique mais également le réchauffement climatique qui était le sujet de Phanerozoic I: Palaeozoic et qui sera encore au cœur de la suite Phanerozoic II : Mesozoic | Cenozoic. Quand on voit ce qui se passe actuellement, ce n’est pas la première fois dans l’histoire de notre planète que cela arrive, même si les causes sont évidemment différentes. A l’époque, lors de la première extinction de masse, 90% des espèces ont été éradiquées de la terre. C’est le sujet que nous avions abordé dans la chanson Permian: The Great Dying qui clôture l’album Phanerozoic I: Palaeozoic :
Ce qui est arrivé à ce moment-là est à peu près comparable à ce que nous vivons actuellement : une augmentation de la température globale, une disparition des espèces, etc. Il n’y a aucune raison de penser que ce sera moins pire qu’à l’époque, on a beaucoup à apprendre du Phanerozoic I: Palaeozoic et c’est là où nous faisons le lien avec l’actualité, car on sort du concept d’album purement paléontologique.
D’où l’importance de ne pas ignorer le passé afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs ?
Exactement ! Même si l’humanité n’était pas encore présente sur terre à cette époque, le passé doit nous permettre de nous préparer et prendre des décisions afin que cela ne se reproduise pas, c’est tout un sujet de discussions et de débats.
J’ai ÉNORMÉMENT écouté le précédent album Phanerozoic I: Palaeozoic au cours des précédentes années en version studio ou instrumentale dans les transports, en lisant ou encore dans l’obscurité la plus totale, l’expérience étant différente à chaque écoute. Concernant ce nouvel album Phanerozoic II : Mesozoic | Cenozoic, comment nous recommande-tu de l’écouter ?
Question super intéressante ! Mmh… Tu sais, en tant que musicien, une fois que tu as terminé un album tu ne l’écoute plus du tout après ! (rires) Vu que tu as travaillé dessus pendant des mois à un niveau tellement méticuleux qu’une fois achevé tu es tellement libéré que tu ne retourne plus en arrière en l’écoutant !
Bon, au final je l’ai quand même écouté plusieurs fois depuis la fin de l’enregistrement. Tu as raison sur ce point : je trouve qu’il doit absolument être digéré dans le noir le plus complet car il s’agit toujours de la meilleure façon d’apprécier la musique. Comme les sens sont intensifiés par la perte de la vue, le corps va focaliser toute son attention sur l’ouïe et permet de noter des détails instrumentaux que l’on peut louper en plein jour en faisant autre chose en parallèle.
Aussi, comme il s’agit de musique ayant pour thème des époques sans humanité, l’écoute fonctionne très bien dans la nature, en randonnée, dans des endroits magnifiques exposés aux éléments. C’est ce que je préfère en tout cas au lieu d’écouter la musique chez soi sous casque, ça ne peut que bien marcher avec ce nouvel album !
Je confirme, pour l’avoir écouté en montagne et au bord de mer : une expérience bien plus agréable quand dans les bouchons !
(rire) Tu m’étonnes !
Je me souviens d’une publication sur facebook du groupe lorsque vous aviez terminé le mixage de Phanerozoic II : Mesozoic | Cenozoic en décembre dernier. Entre cette date et maintenant on a tous vécu la pandémie mondiale et le confinement. Cet imprévu a-t-il eu un impact sur le planning de sortie de l’album ?
Nous avons beaucoup discuté sur la date de sortie de l’album et comme tu l’a mentionné, l’enregistrement et le mixage étaient terminés avant la pandémie. Il ne restait plus qu’à gérer les artworks et les dernières étapes quand la pandémie a frappé l’Europe. Ça nous a directement impactés : annulation des shows (Festival Prognosis en mars, tournée sud-américaine en mai), nous avons dû nous adapter.
Personnellement je suis passé par plusieurs phases : le déni en pensant que ce n’était pas si grave puis j’ai réalisé qu’il allait falloir vivre avec et que cela affectait tout le monde. Je suis ensuite passé par la colère, même si c’est assez inutile en soit d’être énervé après un virus (rires) puis j’ai finalement accepté la situation. C’est à ce moment-là que j’ai arrêté de me focaliser sur toutes les choses qui ne pourraient se faire en me réorientant sur des projets qui auraient été trop chronophages en temps normal : le photobook de 130 pages disponible avec la box set regroupant des photos live de la tournée 2019. Ou encore le Pelagic coffee que je voulais faire depuis longtemps : proposer du café reflétant la musique des artistes.
Pour la date de sortie de l’album, nous avons débattu pour savoir si nous restions fixés sur la date du 25 Septembre car toute promo était devenue compliquée et aucune tournée envisageable. On a décidé de le sortir malgré tout, 2 ans après le premier volet Phanerozoic I: Palaeozoic on trouvait que c’était le moment et on avait envie de donner du contenu au public. Les ventes de musique et de vinyles se portent bien malgré la pandémie pour Pelagic Records : on a jamais vendu autant !
J’avoue avoir moi-même énormément acheté pendant le confinement, bien plus que d’habitude.
(rire) Ah, tu vois !
Cette période de confinement a été propice aux achats et aux découvertes en tous genres !
De notre côté également, on a vu une nette augmentation des commandes. Le public adapte du genre de musique que nous jouons sont soit musiciens eux-mêmes ou ont un lien direct avec l’industrie musicale et l’événementiel. Comme il s’agit de l’industrie la plus touchée par la pandémie, ils ont tout de suite vu la nécessité de participer à la survie des groupes, musiciens et crew pour qui la situation est critique car il n’y a plus de rentrée d’argent des tournées.
C’était en effet LE moment de dépenser pour assurer la survie des groupes que l’on aime, comme on ne pouvait plus dépenser notre argent au merch des concerts et festivals…
C’est ça ! Je ne peux plus dépenser mon argent, prenez-le ! (rires)
Le confinement a-t-il influencé/impacté ton état d’esprit/tes pensées en ce qui concerne la composition et l’écriture ?
Pour être honnête, je n’ai absolument pas composé pendant cette période avec tous les projets annexes (voir plus haut) et les sorties à prévoir avec Pelagic Recors. Les tests de packaging ont été très exigeants avec beaucoup de papiers, matériaux divers, etc. De plus, j’ai besoin de m’éloigner de la vie quotidienne afin d’écrire, chose que je ne peux pas faire à intervalle régulier depuis chez moi. J’ai besoin de totalement m’isoler, ce qui n’était pas le cas en confinement avec ma copine à Berlin (rires). Mais je suis allé 2 semaines début Juillet m’isoler en Espagne pour travailler sur une nouvelle chanson plutôt longue.
J’ai eu la chance d’écouter ce nouvel album Phanerozoic II : Mesozoic | Cenozoic. J’ai noté pas mal de différences par rapport au précédent album qui représente la première partie de cet album. On note des instruments classiques plus présents, des sons electro organiques faisant penser aux travaux de Jean-Michel JARRE (Oxygène) notamment sur la chanson Oligocene. Tu nous confirme que l’album est bien plus progressif et expérimental ?
Il est clairement plus expérimental et éclectique. C’était intentionnel qu’il couvre plusieurs ambiances et styles musicaux. En tant que musicien, une fois que tu as exploré un style pendant un certain moment, tu peux finir par t’ennuyer et avoir envie de faire quelque chose de carrément différent. C’est ce que j’ai voulu pour cette seconde partie : ne plus avoir de vibe, mood, tempo linéaires et identiques de la première à la dernière piste. C’est pour cela que l’on a voulu cet album plus diversifié pour permettre de nous aventurer dans des territoires que nous n’avions jamais encore explorés, c’était vraiment super intéressant !
En temps que collectionneur de vinyles, vous nous avez toujours gâtés avec un choix impressionnant s de box, collectors, vinyles de couleur, T-shirt, bundles avec le label Pelagic records. La précommande de Phanerozoic II : Mesozoic | Cenozoic est disponible depuis fin Juin déjà.
Oui ! On a décidé de faire ça très tôt car cette release c’est toujours pas mal de sortie à prévoir en avance : le premier single Jurassic | Cretaceous est une longue chanson (NDLR : 13:25!) qui donne pas mal de contenu à digérer d’un coup, c’est pour ça qu’on a commencé la promo bien en avance !
C’est vraiment important pour vous de vous adapter à tous les types de fans ? Entre ceux qui achèteront le CD tout simple et ceux achetant les plus gros bundles collector ?
Bien sûr, on s’efforce de s’adapter à tout le monde et surtout à tous les budgets : certaines box sets peuvent monter à des prix assez élevés et je comprends tout à fait que tout le monde n’a pas l’argent ni l’envie de dépenser autant pour se les payer. C’est pour cela que l’on propose toujours les versions les plus accessibles (la version noire vinyle, le CD, etc) dans la boutique. Basé sur notre expérience, on a remarqué que plus nous proposons de versions/designs, meilleures sont les ventes. En parallèle, il faut que ces versions alternatives collent au projet de base niveau esthétique : il ne va pas faire des t-shirts de toutes les couleurs sans compromettre l’intégrité du projet artistique ! C’est important de trouver le bon équilibre sur ce sujet.
(rires) oui je comprends !
En plus d’être collectionneur de vinyles, je suis surtout passionné par les pochettes d’albums, leur signification et leur histoire. Qui a réalisé le design du nouvel album et que représente-t-il ?
La pochette a de nouveau été réalisée par Martin Kvamme, avec qui nous avons déjà travaillé pour 4 albums en commençant par Precambrian. Martin est vraiment quelqu’un de super : il comprend tout à fait d’où nous venons, il est super créatif et toujours prêt à s’attaquer à de nouvelles idées de packagings, matériaux, etc. il est très expérimental dans ses designs.
L’idée pour la pochette de Phanerozoic II : Mesozoic | Cenozoic était de continuer dans la lignée de Precambrian et Phanerozoic I: Palaeozoic en utilisant ces designs de fenêtres s’ouvrant sur des temps préhistoriques. Pour Precambrian, on voit ces images de lave au travers de ces ouvertures, pour Phanerozoic I: Palaeozoic, du vert pour symboliser la végétation. Pour Phanerozoic II : Mesozoic | Cenozoic, on a ces deux corps célestes qui sont sur le point de se percuter, représentant l’extinction de 90 % des espèces vivantes ayant eu lieu au cours du Jurassique/Crétacé (NDLR : cf premier single) par l’impact de l’astéroïde sur terre, ce qui est le sujet principal de l’album.
Je vous ai déjà suivi 3 fois en live jusqu’à présent, la dernière fois au Cabaret Sauvage, Paris.
Oui ! Avec Leprous !
Exactement ! La salle est une sorte de « cirque » circulaire tout en bois, ça aurait été cool mais je ne pense pas que le choix de la salle ait été fait sur ce détail d’une salle plus organique que la moyenne ?
Alors non ce n’était pas décidé la-dessus, mais il s’agissait d’une salle refaite à neuf très récemment d’après ce que j’ai pu entendre en échangeant avec les gens sur place, une super salle en passant !
Une question qui doit revenir souvent mais allons-y : comment trouvez-vous le public Français ?
Pour être honnête, on n’a jamais eu l’occasion de beaucoup jouer en-dehors des grandes villes françaises ces dernières années. On est resté sur Paris, Toulouse (toujours de bons shows là-bas!) et Lyon. Ce sont les 3 villes dans lesquelles on a joué et c’est très dommage car il y a beaucoup de villes françaises avec de bonnes salles comme Nantes, où nous n’avons pas joué depuis longtemps alors que l’on a toujours eu de bons concerts au Ferrailleur. Ça nous manque de ne pas être retourné en province, dans les plus petites villes dans lesquelles nous avions tourné dans le passé mais que nous n’avons pas revisités depuis, en espérant que ça change avec cette nouvelle sortie !
La France a toujours été accueillante avec nous : une bonne scène métal, le public est très ouvert d’esprit par rapport à la musique progressive et j’ai surtout remarqué que Paris était un passage obligé pour énormément de bons groupes. Cult of Luna par exemple qui a joué son plus gros show de leur tournée. J’ai l’impression qu’il y a une grosse offre pour ce style musical, c’est génial ! On adore venir en France : les salles sont belles, vous êtes sympas, vous avez de la bonne nourriture, de bons concerts, de bons éclairagistes et ingés sons, bref, une de nos destinations européennes préférées pour venir jouer !
A chaque fois que je vous ai vu en live, j’étais collé à la scène et ça ne rate pas : à chaque concert, Loïc Rossetti (NLDR : Le chanteur de THE OCEAN) va au contact du public, se faisant porter, soutenir tout en continuant à chanter, etc. Est-ce que vous avez peur quand il fait ça ? Au Cabaret Sauvage contenant 1000 personnes ça va encore, mais au Hellfest avec 10k spectateurs ?
On pourrait être effrayé de quoi ? Déjà le mec est assez petit, il se fait facilement porter et c’est surtout une machine : tu peux pas le détruire ni le casser. C’est le genre de type que tu peux tabasser et qui se remettra toujours instantanément sur pieds ! J’ai vu bien plus dangereux que le Hellfest : Il a déjà sauté depuis des balcons de quasi 10 mètres à Los Angeles ! Ça doit dater de la tournée avec The Dillinger Escape Plan en 2010, il a dû pas mal s’inspirer du groupe et surtout de Greg Puciato (NDLR : Chanteur de The Dillinger Escape Plan) et de ses prestations scéniques.
Loïc est juste quelqu’un qui adore interagir avec le public, être physiquement en contact avec les gens. Je trouve que ça représente bien notre identité, d’où nous venons car au final nous sommes un groupe Hardcore qui joue (rires) plutôt de la musique prog et ça se remarque à l’énergie dans nos concerts.
En restant sur l’énergie des concerts et la connexion avec le public, tu as plutôt une préférence pour les concerts en petit comité ou les grands festivals ?
Je confirme que c’est vraiment pas le même type de lien avec le public mais c’est très difficile d’établir que les petits concerts sont toujours meilleurs que les grands, ça dépens de pas mal de facteurs. Personnellement, je préfère les petits show très intenses, plus que les festivals en plein air par exemple. Mais d’un autre côté, quel pied de jouer dans un grand festival comme le Hellfest ! L’ambiance y est toujours incroyable, à chaque fois qu’on monte sur scène le public en veut tellement, c’est une atmosphère incroyable. Impossible pour moi de trancher entre petits ou gros concerts, ça dépens de trop de choses !
Quel est ton album du moment ?
Je découvre pas mal de vieux groupes de Krautrock Allemand en ce moment comme Nektar ou encore un groupe incroyable qui s’appelle Dom qui ont sorti l’album Edge of Time dans les années 70. J’écoute pas mal de choses du genre comme NEU!, CAN, Cluster, etc. Mais aussi du plus récent, j’ai par exemple adoré le dernier album de Insect Ark (The Vanishing, 2020) et de Barishi (Old Smoke, 2020).
J’ai récemment sorti une playlist sur Spotify de 130 titres, 12 heures de musique « Isolation Medication » qui reflète ce que j’écoute en ce moment, avec pas mal de sons non-métal dedans (Electro, Hip-Hop old school), c’est vraiment une aventure très éclectique (rires).
Quel artiste vous aimeriez que nous interviewons ensuite ?
Un groupe Belge qui s’appelle Briqueville qui va sortir son nouvel album ‘Quelle’ sur le label Pelagic Records le 2 Octobre 2020. C’est un groupe de métal instrumental incroyable, très lourd, excellent en live avec qui on a déjà joué 5 fois déjà. Ils arrivent sur scène avec des robes noires et des masques dorés, ça créé une vibe anonyme qui marche super bien. Ils se sont rencontrés et formés afin d’improviser et de ne pas savoir qui joue de chaque instrument, d’où l’intérêt des masques ! C’est un groupe impressionnant, de belles histoires à raconter et je peux te promettre que l’album va être énorme !