Après la sortie de son 16e album « Capacity to Love », Ibrahim Maalouf s’est arrêté le temps d’un soir aux Arènes de Bayonne pour déverser talent et bonne humeur. Retour sur une prestation aussi qualitative que surprenante.

IBRAHIM OU LES FLEURS DE LA TROMPETTE ARABE


Digne successeur de la « trompette arabe », Ibrahim Maalouf est un réinventeur perpétuel. Grand touche à tout, il est loin le temps de son premier album (2007, « Diasporas ») où le jeune libanais se cantonnait à sa condition de trompette orientale. « Capacity to love », sorti en 2022 est un véritable patchwork culturel et musical. Rock, électro ou même rap, celui que l’on a l’habitude d’enfermer dans une boîte comme il se caractérise affectueusement en parlant des bandes son de trompette diffusée pendant les lives de chanteurs de rap s’est rebiffé et c’est accompagné de son collectif qu’il foulait le sable des Arènes de Bayonne ce mercredi 19 juillet.

sio ALORS…

Coupe carré façon blondie, complet printanier vert à grosses fleurs façon Tournesol champêtre, micro et fil de micro vert fluo à rendre aveugle ! C’est ainsi que Hélène Sio a fait son entrée accompagnée d’une guitariste version féminine de Two Doors Cinema Club ou Circa Waves et d’un bassiste/clavier.

C’est une belle petite voix cristalline qui se place proche de Emma Louise et Louane qui faisait la première partie dès 21h. Originaire de Narbonne, la demoiselle déambule avec légèreté entre pop et balades romantiques. Ayant accompagné Vianney ou Julien Granel, ce n’est que le 16 décembre dernier qu’elle publiait son premier single. Devant un public au départ assez timide, la bonne humeur et la légèreté d’Hélène Sio a su trouver oreille attentive.

EN ARENES, SIMONE !

Sur les traces de -M- venu fouler le sable des Arènes de Bayonne la veille, Ibrahim Maalouf allait avoir du pain sur la planche ! Véritable place centrale de la ville de Bayonne (plus émotionnellement que géographiquement), les Arènes de Lachepaillet datent de 1893 et sont les  plus spacieuses de l’ouest avec une capacité de 10.000 places assises.

Depuis quelques années, les Arènes ont étendues leur champ d’action en servant de salle de spectacles notamment en saison estivale grâce à la programmation de « Arènes en scène » qui a accueilli entre autres Jean-Louis Aubert en 2020 ou plus récemment -M-, Maître Gims ou Florent Pagny.

JAZZ IN BAIONA

Parlons un peu public. Car oui, il y a des choses à dire sur cette foule hétéroclite ! Devant la demi-heure de patience entre la prestation d’Hélène Sio et de la star de la soirée, le gap des générations s’est effacé pour acclamer à l’unisson Ibrahim Maalouf. Tout ceci virant en Ola géante se transmettant dans la fosse de proche en proche dans la fosse mais ne tardant pas à atteindre l’intégralité des Arènes, gradins comprisSubitement, coupant court à cet échauffement improvisé, les flashlights se sont mus, causant l’hystérie du public. Le collectif de Capacity to Love n’avait alors qu’à tendre les bras pour cueillir un public complètement chaud !

Dès le premier titre, plus aucunes fesses n’étaient posées sur la pierre froide des gradins,  Ibrahim Maalouf faisait déjà danser comme un seul homme l’intégralité d’un public complètement sous le charme. Rupture du rythme avec « True Sorry« . Une trompette seule résonnait, bientôt rejoint par une floppée de flashs de téléphone, oscillant telle une marée de lucioles trouant la nuit feutrée du ciel bayonnais, rendant l’image aussi poétique que la musique.

Mais que serait un concert d’Ibrahim Maalouf sans que fidèle à lui-même, on passe à un cheveu de la logorrhée, tel un Jean-François Zygel du jazz. Car oui, il aime parler, tout expliquer et surtout partager avec son public tout au long du récital. Amorçant le grand écart de style tant promis, vient « Todo colores« , réarrangement plus balancé de « Una Rosa Blanca ». La mélancolie de la précédente mélodie est illico balayée par un ras de marée à base de bon gros rap qui tâcheCar c’est ça, la force de Capacity to Love : arriver à mélanger des samples qu’on pourrait retrouver dans un album d’Orelsan avec des cuivres européens imprégnés de sonorités de Zuma traditionnel ! C’est donc le plus naturellement du monde que sur un bon gros beat bien ‘ricain sur les bords, Mihaï Pirvan, petite pépite roumaine remplace dans un rap saxophonique absolument incroyable Cimafunk et Tank and The Bangas ! Bien plus tard, ne sera fait qu’une bouchée d’Erick the architects sur « Money » remplacé par l’engin métallique.

Mais il serait indigne de ne pas rendre hommage aux autres membres du groupe, tout aussi talentueux ! François Delporte par exemple, guitariste du groupe depuis 13 ans, se déchainait sur quelques solos dignes du plus lourd death métal ! Chacun, tout autant qu’ils sont apporte leur pierre à un édifice qui s’anime sous nos yeux : une sorte d’embrouillamini  musical donc ils ont le secret. Invitée surprise de la soirée, déboulant dans une combinaison rouge ultra-flashy, Flavia Coelho met le feu sur « El Mundo« , véritable apothéose du concert ! Sautillant dans tous les sens, elle ne tarde pas à embarquer dans sa folle bonne humeur une populace tout bras en l’air balançant de gauche à droite au rythme des cuivres. La marée humaine donne tout, en communion totale avec les artistes juchés sur leur scène. Si bien qu’on ne sait plus trop qui mène qui.

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Profitant de l’ultime énergie du public, Ibrahim Maalouf lance les choeurs de « Red & Black Light » repris à tue-tête par des fans béats ! Puis, après une tirade sur la tolérance et l’acceptation de l’autre, « Speechless » aussi chargée émotionnellement que la précédente mène tranquillement le concert à sa fin, sur une ambiance plus éléctro, un peu à la Andy Hull

Enfin, c’est ce qu’Ibrahim Maalouf croyait car c’était sans compter sur un public toujours plus chaud qui a su se faire entendre pour un ultime bis. Sous un unique projecteur blanc, un simple duo trompette guitare assis sur le bord de la scène, il achevait avec « All I can’t Say » ce sacré concert des Arènes de Bayonne.

BIG BUFF

Quand bien même on serait néophyte en jazz, il est impossible de s’ennuyer dans un concert d’Ibrahim Maalouf. Rap, rock, éléctro, celui-ci confirme son statut de virtuose cherchant toujours plus de nouveauté, quel qu’en soit la couleur musicale. Il a su dans sa conquête s’entourer de musiciens de grands talents et tient plus du chef d’orchestre que du trompettiste soliste que les autres suivent bon an mal an selon son humeur. Prenant tous part dans une entité ultra cohésive, Ibrahim Maalouf n’a au final d’individuel que le nom tant le plaisir de jouer ensemble sur scène est flagrant.

Plus qu’un concert, c’est un véritable buff dans la bonne humeur auquel on assiste entre grands maîtres de domaine que tout oppose, dans le but ultime de transmettre une seule et même passion : la musique. Face à cela, même les plus réticents de l’assemblée se surprennent à dodeliner du chef !

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