Jackman
par Jack Harlow
Un an après Come Home the Kids Miss You, au succès commercial retentissant mais dont le succès critique laissait à désirer, Jack Harlow revient avec un nouveau projet intitulé Jackman. Pour cet album, pas de chichi, pas de tapage médiatique : nous avons seulement eu droit à une annonce sur Twitter. Cette discrétion semble délibérée, comme pour détourner l’attention de CHTKMY qui était étiqueté comme étant tape-à-l’oeil et (parfois) creux.
Avec Jackman, Jack Harlow signe un retour aux bases du hip-hop avec des productions qui ont souvent été comparées à celle d’un J. Cole à l’époque de 2014 Forest Hills Drive. Quant à nous, qu’avons-nous pensé de l’album ?
ÉCOUTE DE JACK HARLOW – JACKMAN
La première chose qui nous frappe en débutant l’écoute du projet, c’est la ressemblance du flow du rappeur avec celui de Drake. Néanmoins, lorsqu’on dépasse cette première impression, on remarque le sérieux que Jack Harlow a insufflé dans Jackman. Les productions sont soignées, à la vibe légèrement old school et les thèmes évoqués se veulent profonds.
Dans « Common Ground », l’introduction de l’album, Jack Harlow critique la manière dont les (riches) Blancs s’approprient les codes, le langage et les coutumes des Noirs. Ces premiers bénéficiant d’une meilleure presse, ce faisant, que les derniers. Pour illustrer son propos, il raconte avec ironie l’histoire d’un enfant aisé des faubourgs qui finit par commenter la vie des quartiers.
Si le thème est intéressant, il perd en crédibilité avec « It Can’t Be ». Dans ce huitième titre, l’artiste de Louisville s’adresse aux haters. Et plus particulièrement à ceux qui justifient son succès par la couleur de sa peau. Il leur répond donc en listant tous les éléments qui le rend méritant de sa situation actuelle.
C’est ainsi que se profile le premier défaut de Jackman. En effet, on sent que Jack Harlow a passé beaucoup de temps à lire ses critiques et souhaite prouver à ses détracteurs – et peut-être à lui-même aussi – qu’il peut faire du vrai rap. Cet album prend alors des allures de démonstration, voire de cas d’école, négligeant le côté fun qui caractérise pourtant le rappeur.
Beaucoup de sérieux…
Car dans ce projet, l’Américain se contraint à la sobriété en traitant une vaste palette de problèmes sérieux. Dans « Gang Gang Gang » par exemple, Jack Harlow remet en question sa relation avec des amis qui ont commis des agressions sexuelles, concluant ainsi que la loyauté a ses limites et que chacun doit être tenu pour responsable ! Dans « Blame On Me », l’artiste explore la masculinité toxique au sein de la famille ainsi que les traumas transgénérationnels. Il se prête ainsi à l’écriture d’une histoire à trois points de vue : celui d’un frère, de son aîné ainsi que le père. Le point commun entre les trois ? Les non-dits et des souffrances certes différentes, mais qui sont entremêlées et se nourrissent les unes des autres.
… Mais quelques pauses pour prendre l’air
Jack Harlow ponctue néanmoins Jackman par des morceaux plus légers. On pense notamment à « No Enhancers », qui a la vibe de son précédent projet. Ou encore « They Don’t Love It », le deuxième titre, qui est assez catchy. « Is That Ight? » ou « Denver » s’écoutent sans trop de souci, mais sans pour autant marquer les esprits (du moins les nôtres). On clôture l’album avec « Questions » où le rappeur liste 33 interrogations qui balayent les différents aspects de sa vie.
CONCLUSION
Avec Jackman, Jack Harlow a démontré qu’on pouvait le prendre au sérieux. L’album met en avant des productions intéressantes et agréables à l’oreille, des paroles travaillées, un flow versatile et des thématiques profondes.
Néanmoins, c’est justement cette envie de faire ses preuves qui crée des failles dans le projet. Si le rappeur cherche à se montrer vulnérable et parle de sujets intimes, sa narration semble manquer de sincérité. C’était comme si Jack Harlow avait pris Jackman bien trop au sérieux et l’avait utilisé comme exercice, comme démonstration pour regagner en légitimité dans le rap game. Et non comme une création personnelle à part entière.
Il est sûr que cet album est un entre-deux stratégique, où le rappeur voulait démontrer qu’il pouvait faire du rap en bonne et due forme et pas seulement des titres mainstream pour TikTok. Nous attendons donc, pour le prochain opus, un Jack Harlow qui aura trouvé le juste milieu, sans avoir à prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. Il a du charisme, du flow et des idées : trouvera-t-il sa propre formule magique pour créer une oeuvre qui restera dans le temps et les esprits ?
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par Jack Harlow