| Les Cowboys fringants - Pub Royal, le dernier pub avant la fin du monde

Pub Royal

par

sur 10

C’est six mois après la titre disparition du chanteur Karl Tremblay que les Cowboys Fringants clôturent leur tour de piste avec Pub Royal, leur douzième album. Retour sur l’une des plus grosses pertes québécoises, qui restent trop peu connue en France.

les cowboys avec accent

Il est de ces groupes français dont on prétend qu’ils n’arrivent pas à traverser l’Atlantique malgré leur talent. Et si pour une fois, c’était des Amériques vers l’Europe que la traversée n’avait pas eu lieu ?

Car si les Acadiens sont américains, il ne fait aucun doute que Les Cowboys fringants, eux, sont québécois. Fondé en 1994, dans une banlieue de Montréal, c’est la rencontre de Karl Tremblay et Jean-François Pauzé qui leur fait voir le jour. Le temps et leur talent font des Cowboys fringants l’un des groupes les plus connus du Québec. En France, leur notoriété se fait cependant plus timide.

Et c’est bien dommage car Les Cowboys fringants sont de ceux qui en ont dans la caboche. En effet, engagés écologiquement depuis toujours, ils lancent la Fondation des Cowboys fringants en 2005. Parmi les membres, se trouve le chercheur québécois Jérôme Dupras qui sillonne les émissions de télé et radio pour sensibiliser à l’enfer climatique qui nous attend. Autant vous dire que le sujet devient omniprésent dans leurs créations et notamment avec L’Amérique pleure ou encore la très acide Plus rien.

Outre leur engagement, Les Cowboys fringants ont aussi réussi à créer leur propre style. Définit comme folk-country, ils associent à la perfection les paysages américains et cette belle langue qu’est le français (et oui, je vous vois venir, avec l’accent québécois, c’est juste canon !).

C’est donc avec un effroi et une tristesse sans borne que le décès de Karl Tremblay a ébranlé tout le Québec. Ayant succombé à 47 ans d’un cancer de la prostate extrêmement aggressif, le Québec a du rendre un dernier hommage à une figure reconnue par chez eux

Véritable moteur artistique, Les Cowboys fringants s’étaient dernièrement impliqués dans une comédie musicale nommée Pub Royal qui donneront par la suite l’album éponyme que nous allons vous traiter aujourd’hui.

TITRES DE L’ALBUM


1. Des espoirs de cause
2. Bienvenue chez nous
3. Loulou vs Loulou
4. Y'est 3 heures on ferme !
5. La fin du show
6. On fait quoi maintenant ?
7. Questions sans réponses
8. Vie et mort de Gina Pinard
9. Loulou (partie II)
10. (re)Bienvenue chez vous
11. Les cheveux blancs
12. Merci ben!
13. Les bonnes continuations

au revoir, là-haut.

NDLR : Si la création de l’article a pris autant de temps, c’est que Les cowboys fringants est ce genre de groupes auxquels ils est extrêmement difficile de dire au revoir. Si les chansons sont tour à tour joviales ou déchirantes, ils ont accompagné des décennies de milliers d’auditeurs avec leur folk-country unique. Savoir Pub Royal comme leur dernier tour de piste de cet ensemble rend l’exercice d’autant plus douloureux et difficile.

Grosso modo, l’album se découpe en morceaux instrumentaux qui permettent ouverture, transition et fermeture. A cela on ajoute des titres tantôt enjoués comme Bienvenue chez vous, tantôt plus mélancoliques comme Loulou vs Loulou.

Pub Royal s’ouvre sur une première instrumentale joué par un vieux piano désaccordé façon vieux western Saskatchewan. Des espoirs de cause, c’est la rencontre cocasse du country, du blues et du jazz. Puis le premier opus chanté Bienvenue chez nous nous embarque dans un univers coloré et rocambolesque. La chanson à texte nous enjoint au partage, à la réunion, la fraternité quel que soient les croyances. Dans la même teinte plus folk, on retrouve Y’est 3 heures on ferme !

En opposition, se retrouvent des titres avec des thèmes plus désenchantés comme les déboires de la vie ou l’omniprésence de la mort. Parmi eux, Loulou vs Loulou est l’un des plus touchants de l’album. Mais la véritable montée de larmes se fait sur La fin du show. C’est l’approche nue et crue de l’appréhension de Karl Tremblay face à l’inévitable. Véritable Memento Mori, c’est en musique qu’il exprime sa reconnaissance et ses craintes dans le titre le plus poignant de cet album.

Quoi de mieux après avoir bien rompu l’ambiance du début d’album qu’une nouvelle instrumentale, permettant à l’auditeur de sécher ses larmes. Avec son titre qui résume parfaitement la situation On fait quoi maintenant ? est de ces morceaux qui arrivent à point nommé pour garder la mélancolie tout en assurant une transition vers une suite d’album plus jouasse. Car malgré les circonstances, Les Cowboys fringuants sont de ceux capables de garder le morale et d’offrir du bonheur peu importe les circonstances. C’est d’ailleurs ce qui transparait en toute fin d’album avec Merci ben!

Mais pour l’heure, Questions sans réponses offre une petite bouffée d’oxygène enfantine avec évoquant les questions existentielles qui nous assaillent dès que sonne minuit.

Nouvelle transition vers la mélancolie avec successivement Vie et mort de Gina Pinard renforcé par un écho à Loulou vs Loulou dans Loulou (partie II). Mais de nouveau, le groupe ne laisse pas le temps à l’apitoiement avec le retour du thème initial de Pub Royal dans (re)Bienvenue chez vous, avec un premier couplet à l’ambiance big band

Rappelant un peu l’univers de The night we met de Lord Huron mixée à La dernière séance d’Eddy Mitchell, Les cheveux blancs et sa guitare réverbérée à l’infini évoque les plus vieux sons de country.

Revenant à son point de départ, c’est avec une nouvelle instrumentale que Pub Royal s’achève, avec Les bonnes continuations. Laissant à l’auditeur tout le temps de remuer sa mélancolie.

Pub Royal est encore une parfaite réussite de la part des Cowboys fringants. Alliant toujours rires et larmes comme ils ont toujours su le faire avec leurs précédents albums, la nuance vient du fait que les sujets abordés par ce dernier opus touche directement l’intimité du groupe. A des sujets comme l’écologie ou l’incohérence du monde dans lequels nous évoluons, les musiciens leurs ont préférés aborder des thèmes encore plus noirs et crus s’ils en est comme la vie et la mort. Des sujets d’autant plus rudes que l’album nous plonge tout droit dans l’authenticité et l’horreur des ressentis du groupe.

Tel un testament musical, Les Cowboys fringants offrent à Karl Tremblay l’occasion de transformer son dernier tour de piste(s) en remerciements et reconnaissance de tout ce qu’il a pu vivre. N’épargnant pas ses doutes et peurs, Les Cowboys fringants dépeignent à la perfection le flux de sentiments ambivalents qui envahit le coeur de ceux qui sont soumis à une situation comme la leur. Et c’est ce qui a mes yeux fait de Pub Royal, l’un des albums les plus touchants qu’il m’ait été permis d’écouter.