Zeit

par Rammstein

9
sur 10

Il s’est écoulé 3 ans seulement depuis que Rammstein nous a offert son album éponyme. Selon les standards du groupe, c’est très peu, si on omet la parenthèse Rosenrot. Alors que la production de l’opus précédent avait été à nouveau mouvementée et faisait craindre le pire aux fans, le confinement mondial aura donc donné la possibilité aux 6 allemands de Rammstein d’écrire cet album surprise, Zeit, sorti le 29 avril 2022.

Zeit (temps) est un album à la tonalité mélancolique, qui renoue avec les sonorités électroniques du début. Le format, sans risques, nous offre les 11 chansons habituelles des titres précédents. La pause grivoise est assurée cette fois par Dicke Titten (« gros seins »), sorte de croisement what the fuck entre la musique bavaroise d’Oktoberfest et les rythmiques martiales traditionnelles du groupe, où le groupe part en roue libre et prouve, s’il en était encore besoin, qu’il se sent libre de faire ce qui lui plait. Le reste de l’album est un mélange entre mélancolie et gros son.

Faut-il croire qu’aux abords de ses 30 ans de carrière, Rammstein commence à sentir peser le poids du temps qui passe ? Les références à leur carrière ou celle d’autres groupes marquants sont nombreuses, comme avec les sonorités arabisantes de Giftig qui rappellent furieusement le son de Sehnsucht, et les nappes d’ouverture de l’album qui ont un côté très Depeche Mode. Ou bien encore les paroles « Il faut souffrir pour être beau » de Zick Zack, référence explicite à la chanson du même nom de Oomph!, l’autre mastodonte de la Neue Deutsche Härte. Ou le riff final de OK, qui rappellera Children of the Grave aux amateurs de Black Sabbath. On pourrait aussi citer la rythmique de Zick Zack qui prend la suite Los, ou de Radio sur l’album précédent, ou encore la thématique de Meine Tränen, qui fait écho aux paroles terribles de Mutter. Clairement, cet album se pose en héritier de tout ce qui s’est passé depuis 30 ans.

La première écoute peut donner l’impression que le groupe se ramollit, avec des chansons plus lentes comme la ballade Zeit ou le très sombre Schwartz et ses mélodies de piano, ou même le titre d’ouverture Armee der Tristen. Mais une écoute plus attentive nous emmène plutôt vers cette impression que Rammstein nous livre un distillat de ce qu’il sait faire de mieux. Till Lindeman se fait tantôt conteur, poursuivant le travail vocal entamé depuis Liebe ist für Alle da, avec des paroles presque slammées sur Giftig, Meine Tränen ou Angst. Mais il sait se faire chanteur magistral sur Armee der Tristen ou Zeit, et même monstrueux avec une magnifique performance sur Angst qui ne sera pas sans rappeler Puppe. La prestation de Doom est toujours aussi précise et martiale, magnifiquement complétée par la basse de Oliver Riedel et les rythmiques de Paul Landers. Si notre bon Doktor Lorenz est plus présent sur ce titre, le dialogue avec les guitares de Richard Kruspe est toujours aussi millimétré. On sent un gros travail de sound design sur l’album, chaque titre a sa propre personnalité sonore, tout en formant un ensemble cohérent. Les chansons sont peut-être moins percusives qu’au début, mais plus puissantes, et on imagine sans peine 4 ou 5 titres venir peupler la set list de la prochaine tournée du groupe. Et on pardonnera même à Till l’utilisation de l’autotune sur Lüge (« mensonges »), qui prend tout son sens à la lecture des paroles (« Mensonge, tout est mensonge, je ments et je triche« ).

L’album est tout autant sonore que visuel. Les trois premiers extraits, Zeit, Zick Zack et Angst, sont portés par des clips d’une qualité visuelle proprement époustouflante. Perpétuant la lignée du clip de Deutschland, les studios Kreisfilm nous livrent 3 mini films à la photo magistrale, qui totalisent déjà plus de 39 millions de vues à peine un mois après la sortie du premier single. Que ce soit en adeptes de la chirurgie plastique monstrueusement déformés, ou en banlieusard proprets terrifiés par l’étranger, le groupe y donne toujours autant de sa personne.

Le temps passe, donc, et le groupe s’étripe toujours autant lors de la composition. Au point d’arrêter, comme Richard Kruspe l’avait suggéré à la sortie du dernier album ? Zeit laisse clairement planer le doute, avec des paroles comme « Après nous, il y aura un avant » ou « Quand l’heure est venue, il est temps d’y aller« . Le titre final Adieu (après Frühling in Paris et Amour, Amour, Till Lindeman aime décidément la langue française) enfonce même le clou avec son « Adieu, goodbye, auf Wiedersehen ». Un album-testament pour finir une carrière déjà longue ? Si ce doit être leur dernier opus, ils ne partiront pas sans l’avoir défendu dans la longue tournée qui s’annonce.

Zeit

par Rammstein

9
sur 10

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